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La signature d’islamistes salafistes
L’horreur de cet acte judéophobe est grande, et l’émotion dans la Communauté juive tunisienne est profonde.
Depuis les années quatre-vingt, on assiste au départ progressif des Juifs du Kef. Aujourd’hui aucun Juif ne réside dans cette ville. Le dernier Juif « keffois » quitta la ville en 1984, en remettant les clés de la synagogue aux autorités locales (1).
Pourtant, Kef est, depuis la plus haute Antiquité, la principale ville du Haut-Tell et du Nord-ouest tunisien. C’est à l’époque carthaginoise que les premiers Israélites s’installèrent ici. Jusqu’à une date récente, la synagogue du Kef était l’objet d’une grande vénération, non seulement pour les Juifs de la ville, mais aussi pour tous ceux de la région, qui s’y rendaient en pèlerinage chaque année durant la semaine marquée par la fête de Soukkot, la fête des Cabanes (2).
Cette nouvelle profanation d’un cimetière israélite est une attaque contre la mémoire des Juifs keffois. Elle est révélatrice du danger de la haine judéophobe qui s’installe dans la société tunisienne.
Les profanations des tombeaux juifs, qui ne sont pas une première, sont commises par des radicaux wahhabites et islamo-fascistes à la manière des actes sacrilèges de sectes néonazies et sataniques.
Le 24 janvier 2013, le cimetière juif de Sousse (Est de la Tunisie) a été profané aussi, la veille de l’inhumation du fils d’un des Juifs de la ville. Plus de 68 tombes juives ont été retrouvées profanées, coïncidant avec la fête musulmane de la naissance présumée de Mahomet.
Des actes antisémites sont de plus en plus nombreux
Ces actes d’extrémistes musulmans renforcent la peur de la Communauté juive tunisienne. Depuis la chute du régime, les actes antisémites sont de plus en plus nombreux, même si certains médias locaux les occultent.
Des ossements humains sortis des tombes et jetés dans la rue !
Hier 5 février 2013 (douze jours après les faits rapportés concernant le cimetière juif de Sousse) une chaîne de Télévision locale, Tunisia News Network, s’est déplacée sur place pour faire un reportage (3). Elle a interviewé des membres la Communauté juive locale qui ont dévoilé des faits plus graves. Au-delà des violations de sépultures juives et des dégradations matérielles des tombes, ils ont trouvé aussi des ossements humains sortis des tombes et jetés dans la rue !
Yves Kamhi, un avocat juif tunisien de Sousse, a été scandalisé en arrivant sur les lieux. Il a témoigné aux journalistes que des squelettes de morts juifs ont été trouvés hors des tombes. Il a ajouté aussi que des membres de la communauté ont été attaqués à coups de pierres alors que ces derniers se rendaient au cimetière.
Silence du gouvernement tunisien
Il a dénoncé le silence du gouvernement tunisien, en rappelant que durant l’ère du président déchu Ben Ali, jamais ce cimetière n’a été attaqué de cette façon. Il a affirmé qu’il n’a plus de raison de se taire et qu’il faut que ces attaques cessent et qu’il faut laisser les morts tranquilles.
Un corps retrouvé sur la route après son enterrement
Un employé musulman du cimetière juif de Sousse (Fawzi) a témoigné lui aussi devant la caméra en rapportant qu’un corps a été retrouvé sur la route juxtaposant le cimetière, quelques jours seulement après son enterrement. Il a rapporté que des vandales musulmans sont venus la nuit pour saccager plusieurs tombes et jeter des restes humains en pleine rue. Il a fait porter la responsabilité sur les autorités de la ville notamment la police et la municipalité de Sousse.
Pendant cette interview qui a été aussitôt reprise par les réseaux sociaux, Rachel Melyeh, une Israélite originaire de la ville de Sousse, est arrivée sur le lieu du cimetière pour constater devant les journalistes que les tombes de son père et sa mère (décédés depuis une vingtaine d’années) ont été ouvertes et leurs ossements ont été éparpillés. Elle était en état de choc en voyant ces actes, elle a exprimé toute sa tristesse et son désarroi devant l’équipe de journalistes tunisiens. Elle a affirmé enfin qu’elle n’a pas les moyens de restaurer les deux tombes de ses parents. Elle a toutefois ramassé les ossements de ses parents avec soin pour les poser de nouveau dans une tombe.
Il faut rappeler que le judaïsme ne permet pas l’incinération des morts, et attache une très grande importance au respect de l’intégrité des cimetières juifs, ceux-ci ne pouvant pas être démantelés quelle que soit leur ancienneté.
Le gouverneur de Sousse, qui avait nié l’information de l’attaque du cimetière israélite de la ville (publié en avant première sur Dreuz info le mois dernier) (4), s’est rétracté devant l’indignation de la Communauté juive locale et a promis sur la Télévision locale Tunisia News Network que les autorités de la ville prendraient les mesures nécessaires pour restaurer les tombes. Il a tenté de rassurer les membres de la Communauté en affirmant que son administration respecte l’intégrité de tous les morts.
Jusqu’ici, les attaques et les agressions perpétrées à l’encontre des cimetières juifs de Sousse et du Kef n’ont fait l’objet d’aucune poursuite pénale en Tunisie. Aucun responsable de la police criminelle ne s’est déplacé pour constater les faits ou établir un simple procès-verbal.
Dans l’impunité la plus totale, les groupes wahhabites et islamo-fascistes continuent la chasse aux morts juifs et s’attaquent aux symboles de la judaïté et de la chrétienté de la Tunisie. Plusieurs synagogues (les premières cibles des salafistes) ont été saccagées, notamment les synagogues de Gabès, de Sousse et de Sfax. Même le cimetière orthodoxe de Tunis et la basilique antique du Kef n’ont pas été épargnés par leur violence.
Éviter de voir en face le vrai problème : l’antisémitisme
Malgré la répétition des agressions contre la mémoire du peuple, le patrimoine, la civilisation et l’histoire du pays, le gouvernement islamiste cherche à minimiser les profanations des cimetières (en majorité juifs), en faisant croire à des gestes crapuleux, pour éviter de voir en face le vrai problème : l’antisémitisme.
Seul le Parti communiste (qui appelle à séparer la religion de l’État en Tunisie) a dénoncé ces actes ignobles. Invité sur le plateau de l’émission «Attassiaa Massaan», diffusée lundi 4 février sur Attounissia tv, Hama Hammami (le chef du parti) est revenu sur les attaques et agressions perpétrées contre les cimetières juifs, mais aussi les 40 mausolées de marabouts qui figurent aussi parmi les cibles des groupes salafistes.
Il a pointé du doigt les wahhabites qui en Arabie Saoudite ont tout rasé, même les tombes des «Compagnons de Mahomet», qui n’ont pas été épargnées. Et d’ajouter «Après les mausolées, un jour viendra où les ruines de Carthage seront détruites».
Des membres de la diaspora juive tunisienne s’inquiètent surtout de la faiblesse des réactions et demandent aux hautes autorités de l’État, aux politiques et aux différents composants de la société civile tunisienne de condamner avec la plus grande fermeté tous les actes antisémites.
« Le silence du gouvernement tunisien face à certains discours de plus en plus judéophobes participe à l’enracinement du fléau de la haine dans la société en donnant le faux signal que s’attaquer aux Juifs et à la mémoire des morts reste un acte banal et impuni », affirme un responsable de la diaspora à l’étranger qui a voulu garder l’anonymat.
Des membres de la diaspora attirent aussi l’attention des autorités à tous les niveaux, des politiques de tous bords et aussi de la société civile, sur le danger de la montée de la haine antijuive en Tunisie. Les Juifs sont décrits dans les mosquées et les prêches du vendredi comme haïssant la religion islamique, comme traîtres, assassins de Prophètes, et un grand nombre d’autres qualificatifs négatifs. C’est la raison pour laquelle les Juifs tunisiens subissent insultes, violences, attaques de synagogues, et profanations de leurs cimetières.
Ils appellent enfin leurs compatriotes musulmans à mener, dans leur entourage immédiat et autres sphères, une campagne de sensibilisation contre la gravité de ce fléau de haine qui vise à fragiliser la cohésion nationale et demandent aux associations d’être constamment vigilantes et de poursuive les malfaiteurs.
© Souhail Ftouh pour www.Dreuz.info
Notes :
(1) La communauté israélite du Kef, qui remonte à l’époque carthaginoise, garde encore un amer souvenir du premier raid des armées arabes sur leur ville, en 688. Leur sort était celui réservé à tous les dhimmis (non-musulmans) : les impôts supplémentaires, interdiction des emplois administratifs, restrictions vestimentaires (interdiction des turbans verts ou blancs, burnous de couleur sombre). Ils s’installèrent dans ce qui deviendra la « Hara el Yahud », le quartier juif. Situé dans la médina, ce quartier commence à la rue Noble pour monter jusqu’à la synagogue (2). La rue la plus basse du quartier était d’ailleurs appelée Rue des Juifs. Les habitations des Juifs autochtones furent plus basses que celles des nouveaux conquérants.
(2) Au Kef on a aussi pour coutume de pratiquer une « Séouda » ou pèlerinage annuel. Cette Séouda se réalisait entre les fêtes de la Pâque juive dite « Aïd El Ftira » et Chavouot. Elle durait jusqu’à trois ou quatre jours.
(3) Voir le reportage (en arabe) https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=WF08__imB6w
(4) Voir notre article sur Dreuz: Antisémitisme en Tunisie : le cimetière juif de Sousse profané par des vandales musulmans.