Tribune
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Publié le 8 Septembre 2014

Pourquoi critiquer ces grands départs?

Par Richard Prasquier, publié dans Actualité Juive le 4 septembre 2014

Partir? Rester? Pas de soirée où la question ne soit abordée, parfois même par des interlocuteurs improbables, ceux qu’on n’imagine pas hors de France ne serait-ce que pour quelques jours de vacances.

Question non rhétorique. Les chiffres officiels de l’Alya sont constamment revus  à la hausse. L’opération « barrière protectrice » qui a rappelé les dangers physiques que comporte la vie en Israël n’a pas entraîné la moindre annulation des départs. La paix est lointaine mais l'angoisse des mères  à l’idée que  leur fils devrait risquer sa vie à l’armée n’a pas contrebalancé les volontés de partir. 

Il en est ainsi. Je comprends ceux qui s’en réjouissent, je comprends ceux qui le regrettent, je ne comprends pas ceux qui le critiquent.

«Les grands mouvements de l'histoire ont toujours été effectués par des minoritaires

L’histoire des Juifs est scandée d’expulsions. Depuis l’ère biblique jusqu’à l’ère contemporaine (Egypte et d’autres pays arabes), en passant au Moyen Age par l’Angleterre, la France et l’Espagne, des Juifs ont été chassés de leur pays de naissance. Elle est aussi scandée de fuites. Avant 1939, beaucoup de ceux qui ont voulu fuir l’antisémitisme n’ont pas pu le faire en raison des quotas d’immigration de la part des pays qui prétendaient que la « coupe était pleine » et dont le livre Blanc pour la Palestine fut un exemple. Mais le blocage était général: rappelons  en 1938 la  scandaleuse conférence d’Evian sur les réfugiés (à cette époque les termes de réfugiés et de Juifs étaient presque équivalents..).

Aujourd’hui  en France, il ne s’agit pas de fuite et moins encore d’expulsion. Ceux qui agitent ces termes présentent la France comme un pays  où les antisémites font la loi et où les Juifs sont tous en danger physique. C’est faux. Les gouvernements précédents et le gouvernement actuel en particulier ont été d’une clarté absolue contre l’antisémitisme. Le problème, c’est qu’une démocratie ne sait pas gérer efficacement ses extrémistes, et que, même si les extrémistes restent très minoritaires au sein d'une communauté, les grands mouvements de l’histoire ont toujours été effectués par des minoritaires auxquels la majorité s’est soumise par routine, peur ou complaisance. Or l’impact de cet extrémisme  grandit. « Parfois »  ne signifie pas «toujours»  et ne signifie pas «partout». Nous connaissons trop les amalgames pour ne pas nous en faire les propagateurs. Mais évidemment, « parfois »  ne signifie pas « jamais »  et ne signifie pas  «nulle part» , comme semble le dire dans son hallucinant discours M. Mélenchon qui félicite les « jeunes » pour leur dignité pendant les manifestations «pour» Gaza. Il n’a apparemment pas entendu parler de Sarcelles, ni de la synagogue de la Roquette……

Décider de l'Alya c’est se déterminer sur la combinaison d’un symptôme et d’une espérance. Le symptôme est qu’on ressent le présent comme pénible et/ou l’avenir comme sombre. L’espérance (ha tikva) est qu’on pense qu’en Israël la vie prendra un sens plus cohérent.  Si le symptôme est lancinant mais l’espérance insuffisante, l’Alya n’aura pas lieu: le départ se fera vers Londres, Miami, Montréal ou Bruxelles.  En tant que militants nous devons lutter contre le symptôme et en même temps développer l’espérance. Il est absurde de casser le thermomètre pour éviter la fièvre, il est indigne de cacher son sionisme pour complaire au politiquement correct.

Le « symptôme » ne concerne pas que les Juifs et ne se limite pas à l’antisémitisme. Les perspectives économiques maussades y jouent un rôle majeur. Celui qui espère trouver des conditions professionnelles meilleures pour exprimer son potentiel peut changer de pays s’il le veut. Les Juifs comme les autres, c’est une liberté fondamentale. Nul n’ignore les liens, à droite mais aussi parfois à gauche, entre visions économiques et antisémitisme moderne. Elles ont pris une nouvelle tournure… Lire la suite.