Tribune
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Publié le 24 Février 2014

Que pèsent les menaces de boycott brandies contre Israël ?

Tribune de Cyrille Louis publiée dans le Figaro le 23 février 2014

 

Ces derniers temps, les appels à boycotter les produits israéliens ont reçu un retentissement médiatique inédit. L'État hébreu y voit une « menace stratégique ».

 

Les appels au boycott de l'État hébreu relayés par des activistes pro-palestiniens ont, ces dernières semaines, reçu une publicité sans précédent. Fin janvier, l'actrice américaine Scarlett Johansson a été contrainte de rompre ses liens avec l'ONG Oxfam après avoir tourné dans un spot publicitaire pour la société Sodastream, implantée en Cisjordanie occupée. Quelques jours plus tard, le secrétaire d'État américain John Kerry s'attirait les foudres de la droite israélienne en pointant le risque accru de sanctions en cas d'échec du processus de paix. Le vacarme suscité par ces deux événements témoigne d'une certaine fébrilité face au risque de boycott, qui est aujourd'hui perçu comme une «menace stratégique», en dépit du flou qui entoure cette notion.

• Existe-t-il aujourd'hui un mouvement de boycott contre Israël?

 

Huit ans après le lancement de la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) par un collectif de syndicats, d'organisations professionnelles et de partis politiques palestiniens, partisans et adversaires de cette démarche en brossent deux bilans radicalement différents. Les premiers affirment discerner un «élan» et observent avec satisfaction qu'un nombre croissant d'initiatives sont adoptées, en Europe comme en Amérique du Nord, pour sanctionner l'occupation illégale, au regard du droit international, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. «On peut affirmer que cette campagne s'est imposée dans le débat public occidental», affirme Omar Barghouti, activiste palestinien et cofondateur de BDS. Yigal Palmor, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, relativise au contraire l'ampleur de ce mouvement et invite à «ne pas mélanger des phénomènes de nature très différente». Aux États-Unis, en Irlande et en Afrique du Sud, quelques associations de chercheurs et des syndicats enseignants ont mis en œuvre un «boycott académique», qui consiste à suspendre tout échange avec les universités israéliennes. Sur le terrain économique, plusieurs chaînes de supermarchés ont choisi ces dernières années de ne plus commercialiser d'articles fabriqués en Cisjordanie. Les produits agricoles cultivés dans la vallée du Jourdain, ainsi que les cosmétiques de la mer Morte commercialisés par la société Ahava, ont été évincés de certains étals - mais ils restent largement commercialisés en France, où les appels au boycott ont été à plusieurs reprises sanctionnés par la justice. Plus récemment, quelques banques, grandes entreprises et fonds de pension européens ont suspendu leurs relations avec des sociétés israéliennes dont les activités au-delà de la ligne verte prêtent à controverse. Enfin, certains artistes refusent de se produire en Israël et soutiennent les appels au boycott, tel l'ex-compositeur du groupe Pink Floyd, Roger Waters. «Mais les plus grands continuent à venir, rétorque Yigal Palmor, à l'image des Rolling Stones qui joueront à Tel-Aviv le 10 juin prochain.»

 

• L'Union européenne est-elle favorable au boycott d'Israël?

 

Non. Que le boycott vise le pays dans son ensemble ou les seules entreprises implantées dans les colonies de Cisjordanie, l'UE s'oppose à son utilisation pour faire appliquer le droit international. En revanche, elle a publié en juillet 2013 une directive sur la coopération scientifique avec Israël qui a suscité de vives tensions de part et d'autre de la Méditerranée. Ce texte impose à toute institution postulant à des financements européens de s'engager à ne pas conduire d'activités dans les territoires occupés. Il est entré en vigueur début 2014, malgré les pressions israéliennes. «Nous cherchons maintenant à calmer le jeu», confie un diplomate européen, selon lequel d'autres chantiers potentiellement explosifs ont été «mis en sommeil», dans le souci de ne pas compromettre les négociations supervisées par John Kerry. Il en est ainsi d'un projet de directive recommandant l'étiquetage des produits fabriqués dans les colonies de Cisjordanie, auquel une bonne moitié des États membres seraient favorables. «Nous y sommes clairement opposés», indique un diplomate israélien qui pointe les difficultés juridiques d'un tel projet. «Si on décide de stigmatiser les produits issus d'un territoire dont l'occupation n'est pas reconnue par le droit international, précise-t-il, cela devra faire l'objet d'un règlement universel applicable, par exemple au Sahara occidental, ou alors cela s'appelle de la discrimination»… Lire la suite.