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Anou Anas al-Libi, le personnage enlevé par les commandos américains en Libye, présente un autre cas de figure. C'est un Libyen parti en Afghanistan après un passage en Arabie saoudite pour combattre les Soviétiques ; retour au Soudan dans les années 1990, d'où il organise les attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie (230 morts et 5 000 blessés). Il n'est chassé du Soudan que sous la pression du colonel Kadhafi, pour se réfugier à Londres où il obtient l'asile politique. Il y organise le Groupe combattant libyen (GICL).
Il y retrouve des personnalités au profil identique: Abou Qatada, célèbre prédicateur raciste du Londonistan, condamné par la cour jordanienne de sûreté de l'État, en 1998 et 2000, pour entre autres «préparation d'attentats visant des objectifs américains et juifs et des visiteurs chrétiens en Terre sainte». Il a obtenu le statut de réfugié politique en 1994, alléguant des persécutions pour raisons religieuses (sic!). Le cas judiciaire d'Abou Qatada est un cas d'école. Qualifié dès 2004, par la Commission d'appel spécial des affaires d'immigration anglaise, d'«individu réellement dangereux» «au centre d'activités terroristes associé à al-Qaïda», il introduit un recours, faisant valoir qu'en cas d'expulsion vers la Jordanie, il craignait d'être torturé ou maltraité. Il est arrêté par la police britannique après les attentats de Londres de 2005, en vue de son extradition, mais il est libéré en juin 2008 sur décision d'une commission spéciale. Il est à nouveau arrêté et al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) enlève quatre touristes britanniques au Mali pour obtenir sa libération en janvier 2009. Dans un jugement rendu le 17 janvier 2012, la Cour européenne des droits de l'homme s'oppose à son extradition qui «violerait le droit fondamental à un procès équitable», car des «aveux obtenus sous la torture seraient retenus comme preuve». Il est finalement expulsé en 2013, soit neuf ans plus tard, vers la Jordanie.
L'asile politique en France n'est pas mieux pensé. Même quand un terroriste est condamné, il est inexpulsable. Saïd Arif, terroriste algérien condamné par la justice française en 2007 pour des actes de terrorisme, dont la tentative avortée contre le marché de Noël de Strasbourg, est sorti de prison en décembre 2011 avec obligation de quitter le territoire français, obligation jamais mise à exécution. La Cour d'appel européenne des droits de l'homme s'oppose à son extradition vers l'Algérie, en raison des menaces qui pèsent sur lui. Assigné à résidence à Millau, il s'enfuit. Retrouvé en Suède et extradé de nouveau vers la France, il est condamné à six mois de prison ferme et une nouvelle fois assigné à résidence à Brioude, depuis octobre 2012. Il s'est à nouveau enfui cet été et court toujours. On est en droit de penser qu'il n'a pas l'intention de cesser ses activités.
Le droit peut ainsi desservir la justice. Hassan Diab, recherché par la justice française pour l'attentat de la rue Copernic, est réfugié au Canada où il vit tranquille et 33 ans plus tard, il n'est toujours pas extradé. La justice britannique a mis dix ans à extrader Rachi Ramda, finalement condamné à la perpétuité en 2009 pour les attentats de Saint-Michel. Des exemples identiques peuvent être trouvés dans toutes les grandes démocraties.
En termes de droit d'asile, un terroriste même soupçonné de violence terroriste, s'il prétend lutter contre une dictature arabe, obtient aisément le statut de réfugié politique qui lui offre un havre, une aide financière et finalement des conditions meilleures que la vie dans un État failli. De plus, liberté lui est donnée de tenir les discours les plus haineux et racistes qui soient, voire de poursuivre des activités terroristes hors du territoire. Le droit d'asile européen est né de la Convention de Genève sur les réfugiés de juillet 1951 pour offrir protection aux opposants aux régimes communistes ou coloniaux, c'est-à-dire «toute personne qui (…) craignant d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques…» Le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (art 711-1) français ajoute une précision: «La qualité de réfugié (…) à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté». Un islamiste même dangereux pourvu qu'il prétende être menacé de torture ou de peine de mort trouvera facilement asile en Europe. Est-il pour autant un combattant de la liberté? Il est peut-être temps de repenser les termes du droit d'asile.