Tribune
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Publié le 11 Février 2013

Sexisme, racisme, antisémitisme: ces fléaux qui gangrènent la France

 

Ancienne présidente de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) et secrétaire d'État à la Jeunesse, Jeannette Bougrab se demande ce que sont devenus nos principes fondamentaux dans une société où règnent les inégalités et les discriminations. 

 

Claude Guéant m’appela pour me demander de présider la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE). Cette nomination marqua mon retour en politique. Je ne pensais pas qu’on pouvait me confier un tel poste.

 

[…]

 

Ma vie prenait un nouveau tournant.

 

Si je devais résumer les sept mois passés à la tête de cette autorité administrative indépendante, je dirais un mot : « Vietnam ». Pas le pays, la guerre. J’ai vécu l’enfer dans une institution en laquelle je croyais pourtant tellement. Elle incarnait, à mes yeux, la volonté de matérialiser le principe d’égalité, de lutter contre les discriminations et l’intolérance. Parce que je défendais une vision républicaine de l’intégration, de l’égalité, j’ai mis à feu et à sang cette structure et obtenu une victoire : la réaffirmation du principe de laïcité face à la montée des communautarismes dans l’affaire de la crèche Baby-Loup. Grâce à ceux qui n’ont eu de cesse de m’attaquer pendant cette période, j’ai été nommée ministre de la Jeunesse et de la Vie associative. On devrait toujours dire merci aux imbéciles. Ils nous obligent à être meilleurs. Je reconnais toutefois que je me serais passée des papiers du Canard enchaîné, des menaces de mort, des plaintes déposées au commissariat du 9e arrondissement, des manifestations de la CFDT devant mon bureau. Je me souviendrai toujours d’un article paru dans L’Express dans lequel un journaliste, reprenant les propos d’un délégué syndical, avait qualifié mon management de « brutal et de droite ». Malgré, ou plutôt grâce à tout cela, j’ai été nommée ministre. Parce que je n’ai jamais cédé au sein de l’institution, et que j’ai défendu avec pugnacité les principes auxquels je crois, j’ai été récompensée. Voilà la leçon à tirer de cette courte, mais intense expérience au sein de la Halde.

 

C’est donc à travers ces différentes institutions, l’Université, le Conseil d’État, la Halde et le ministère de la Jeunesse, que j’ai pris conscience de la nécessité de réaffirmer les principes fondamentaux de notre chère République, et, plus encore, de faire en sorte qu’ils deviennent réels et ne restent pas de simples formules. La France doit cesser d’être schizophrène, d’affirmer des principes et d’appliquer leurs contraires. Les disparités territoriales, l’injustice sociale inhérente aux origines, le sexisme, le racisme et l’antisémitisme, entre autres, tous ces fléaux gangrènent silencieusement notre société dans une quasi-indifférence des pouvoirs publics. Les compromis avec nos principes et nos valeurs ne sont plus acceptables.

 

Les femmes et les hommes publics devraient cesser de se complaire dans un politiquement correct devenu insupportable, et arrêter de penser, même s’ils le font la main sur le cœur, que tout va bien. D’après eux, il n’y aurait pas de montée des communautarismes et des fondamentalistes en France, et l’islamisme serait une invention de la droite. On met sans cesse un voile sur ce qui corrompt la République. « Il y a quelque chose de pourri dans le royaume. » La formule de Shakespeare illustre parfaitement la situation de notre pays.

 

Extrait de "Ma République se meurt", Editions Grasset (janvier 2013)

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