Tribune
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Publié le 24 Septembre 2013

Sortie du chaos, la Somalie reste un foyer d'instabilité

Par Pierre Prier

 

La dérive spectaculaire d'un commando chebab à Nairobi souligne paradoxalement leur perte d'influence : expulsés de la plupart de leurs bastions par des forces africaines, ils n'ont plus que le terrorisme comme moyen d'action, en Somalie ou à l'étranger, comme dans la capitale du Kenya voisin.

 

«La Somalie n'est plus un État failli.» Par cette déclaration conjointe, le nouveau président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, et la représentante pour les Affaires étrangères de l'Union européenne, Catherine Ashton, avaient cru pouvoir proclamer en février la fin du chaos somalien. Hillary Clinton, alors secrétaire d'État, avait renchéri: «La Somalie possède maintenant un gouvernement représentatif.»

 

Pour la première fois depuis 1991, date de la chute du président Siad Barré, la Somalie était dirigée par un gouvernement qui ne comportait pas l'adjectif «provisoire». Dix millions de Somaliens pouvaient espérer la fin de leur longue descente aux enfers. En vingt ans, leur pays était tombé entre les mains de clans rivaux et toute forme d'administration avait disparu.

 

Le retour à une certaine normalité

 

Les mouvements djihadistes armés, apparus en réaction aux tentatives éthiopiennes d'installer un gouvernement avalisé par les Occidentaux, avaient ajouté à la catastrophe.

 

Aujourd'hui, la dérive spectaculaire d'un commando chebab à Nairobi souligne paradoxalement leur perte d'influence: expulsés de la plupart de leurs bastions par des forces africaines, ils n'ont plus que le terrorisme comme moyen d'action, en Somalie ou à l'étranger, comme dans la capitale du Kenya voisin.

 

La persévérance de la communauté internationale a abouti, après bien des errements, à la création d'un gouvernement fédéral à tendance technocratique. Ni son président, Hassan Cheikh, ni son premier ministre, Abdi Farah Shirdoon, n'ont joué un rôle dans les conflits internes. Tous deux sont des hommes d'affaires. Leur arrivée au pouvoir a entraîné une sorte de renaissance. Des centaines d'exilés sont revenus, dans l'espoir de participer au retour de l'État ou pour fonder des petites entreprises. La capitale a renoué avec la sécurité. L'éclairage public est réapparu, installé grâce à l'aide norvégienne et britannique. Les plages se sont à nouveau remplies de baigneurs.

 

Épuisés, les Somaliens veulent y croire. Mais l'espoir est fragile, estime le spécialiste de la Corne de l'Afrique Matt Bryden dans un récent rapport pour le Center for Strategic and International Studies de Washington (CSIS). Le gouvernement fédéral est toujours, en réalité, une institution de transition. Il doit, dans le courant de l'année 2016, rédiger une Constitution, organiser des élections, stabiliser le pays, intégrer les milices dans une armée et une police nationales, relancer une économie moribonde… Énorme tâche, alors que le Parlement non élu, qui a choisi le président, est déjà contesté par des régions et des organisations autonomes comme le Puntland, au nord.

 

Son voisin, le Somaliland, entend garder son indépendance, réelle, mais non reconnue par la communauté internationale. Une nouvelle région «provisoirement» autonome, le Jubaland, à la frontière kenyane, vient de voir le jour avec le soutien du Kenya, qui voit en lui une zone tampon de l'autre côté de sa frontière. Le gouvernement fédéral, ajoute Matt Bryden, ne contrôle pour l'instant que les zones occupées par les forces kényanes, éthiopiennes et panafricaines. Pour rétablir un État fonctionnel, éradiquer la corruption endémique et répondre aux aspirations sécuritaires et économiques de la population, il a encore un long chemin devant lui.