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Certains redoutent des représailles contre la Finul, la Force des Nations unies au Liban, qui compte 670 soldats français. D'autres redoutent des attaques de roquettes contre Israël, ou des attentats contre les intérêts des pays membres de la coalition dans la région. Les forces de Bachar el-Assad possèdent de grandes quantités d'armes chimiques qu'elles pourraient en outre utiliser. Pour se prémunir, Israël a déployé sa défense antimissile à la frontière syrienne.
Scénario à la libyenne
La plupart des spécialistes estiment cependant ces éventualités peu probables, si l'intervention contre le régime est limitée dans le temps. Si l'opération, en revanche, se prolonge et que l'objectif vise à faire tomber Bachar el-Assad, le remède utilisé pourrait faire plus de mal que de bien. «Il faut se garder d'aller trop loin. Si Bachar disparaît, il y aura un risque de massacres intercommunautaires», prévient le général Vincent Desportes, spécialiste des affaires stratégiques.
Autre danger, l'engrenage, c'est-à-dire un scénario à la libyenne, qui commencerait par des frappes destinées à protéger les populations civiles pour se terminer par la chute du président el-Assad, à l'instar de celle de Kadhafi en 2011. Il est toujours plus facile de commencer un conflit que de le terminer, ont coutume de dire les militaires. «Lorsqu'on met une main dans la guerre, on se fait souvent manger le bras et le corps commente Vincent Desportes. Il faut résister. Mais comme nous l'avons vu en Libye et en Afghanistan, ça ne marche pas toujours.» Les récentes interventions menées par les Américains à Bagdad et à Kaboul ont prouvé à quel point les guerres d'invasion étaient difficiles à gagner aujourd'hui pour les armées occidentales. «Ni les Américains ni les Français n'ont aujourd'hui les moyens militaires et politiques de mener une telle guerre», commente un haut gradé français. À Damas, préviennent les militaires français, il faudra veiller à ne pas dépasser le point d'équilibre.
Attirés dans la guerre un peu malgré eux, États-Unis, France et Grande-Bretagne redoutent également une nouvelle détérioration des relations avec Moscou. Depuis le début de la crise, la Russie, qui n'a jamais accepté l'interprétation extensive faite par ces trois mêmes pays de la résolution de l'ONU sur la Libye en 2011, a protégé son allié syrien et dégainé à plusieurs reprises son veto au Conseil de sécurité. Une action militaire entreprise en dehors des Nations unies pourrait décupler la colère de la Russie, dont les Occidentaux ont besoin sur d'autres sujets comme la crise du nucléaire iranien ou la défense antimissile. Certes, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a reconnu que la Russie n'avait «l'intention d'entrer en guerre avec personne». Mais il a aussi prévenu qu'une intervention armée aurait des «conséquences catastrophiques».
Un message de fermeté
Et si le principal péril de cette intervention programmée était qu'elle ne change rien à la situation? On ne peut exclure qu'une action militaire brève et limitée n'ait pas grand effet sur le régime, qui a dû prendre ses dispositions en vidant les sites sensibles. Comme un taureau piqué par les banderilles, le pouvoir syrien pourrait être encouragé à charger en renouvelant ses attaques chimiques.
Les dangers inhérents à l'action militaire ne seraient pourtant rien, si l'on en croit certains experts, face à ceux de l'inaction. À Washington, on considère que les risques politiques liés à celle-ci seraient dévastateurs. Non seulement les conventions internationales seraient blessées à mort, mais la parole américaine serait décrédibilisée: de Tel-Aviv, qui frémit d'envie d'attaquer les installations nucléaires iraniennes, à Tokyo, qui pourrait douter de l'efficacité du parapluie nucléaire américain.
La décision de Barack Obama sonne au contraire comme un message de fermeté vis-à-vis des responsables iraniens et nord-coréens, qui continuent d'investir dans la bombe nucléaire. À défaut de changer le cours de la guerre, une action ponctuelle, brève et ciblée contre des objectifs stratégiques pourrait en outre contraindre el-Assad à ne plus franchir ce qui a été érigé en «ligne rouge». C'est trop pour certains, pas assez pour d'autres.