Tribune
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Publié le 30 Avril 2012

Tariq Ramadan ou l'islamo-gauchisme

Au Bourget, au début du mois d'avril, lors de la Rencontre annuelle des musulmans de France, Tariq Ramadan n'a cité ni François Hollande ni Nicolas Sarkozy. Mais l'enseignant a clairement appelé à faire battre l'actuelle majorité, déclarant notamment qu'"une majorité de Français ne sont pas contents avec ce qui s'est passé depuis cinq ans". Il demandait aux Français de confession musulmane d'être solidaires des "millions de concitoyens qui en ont marre". 

L'auteur de "Mon intime conviction" est-il de gauche ? Si l'on se réfère à ses engagements précédents, la réponse est positive. À de nombreuses reprises, quand il vivait à Genève, Tariq Ramadan a manifesté ses sympathies pour le parti socialiste suisse. Le sociologue Jean Ziegler, auteur de "La Suisse lave plus blanc", longtemps député socialiste de la cité de Calvin, assure que Tariq Ramadan n'a jamais ménagé sa peine dans les campagnes électorales, maniant le pot de colle et distribuant des tracts.

 

Les Frères musulmans, des révolutionnaires

 

Pour preuve, lorsqu'en 1997 Charles Genequand, spécialiste du monde arabe et directeur de thèse de Tariq Ramadan à l'université de Genève, refuse le travail de son étudiant, consacré à son grand-père, Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, Jean Ziegler monte au créneau. Il mobilise tous ses amis. Lui à l'université, Erica Deuber Pauli, sa compagne, au Grand Conseil (le Parlement genevois), où elle siège comme députée communiste.

 

Résultat, alors que le premier jury de thèse a démissionné, refusant de cautionner le travail de Tariq Ramadan, jugé trop complaisant vis-à-vis des Frères musulmans, fait rarissime, l'université de Genève va constituer un second jury, qui finira, deux ans plus tard, par accepter sa thèse, mais sans lui accorder la mention "très honorable". En fait, dans "Aux sources du renouveau musulman", Tariq Ramadan tente d'accréditer l'idée que les Frères musulmans seraient des révolutionnaires, précurseurs de la théologie de la libération, développée dans les années 60 par des chrétiens progressistes en Amérique du Sud.

 

Invité du Forum social européen

 

Quant à Bernard Cassen, l'ancien président d'Attac (bien Bernard Cassen et non Pierre Cassen, NDLR), il qualifie le prédicateur de "missionnaire des Frères musulmans", dont l'ambition est d'"islamiser l'Occident dans une perspective fondamentaliste. Pendant longtemps, l'enseignant suisse a tenté de surfer sur le créneau de l'altermondialisme, avec des fortunes diverses. En novembre 2003, Tariq Ramadan est même l'intervenant vedette du Forum social européen (FSE), organisé à Paris. Il s'est rendu à Porto Alegre, et l'Union des jeunes musulmans (UJM), proche de l'islamologue, a invité José Bové à donner une conférence à Lyon. Mais sa présence divise profondément la gauche. S'il reçoit à cette époque le soutien des Verts et de la Ligue communiste révolutionnaire, en revanche, pour Jean-Luc Mélenchon, Vincent Peillon et Manuel Valls, Tariq Ramadan "s'inscrit dans la tradition classique de l'extrême droite".

 

Depuis quelques années, Tariq Ramadan a tendance à abandonner une phraséologie anti-impérialiste. D'autant qu'elle n'est guère comprise dans la communauté musulmane en Europe. De plus, dans les pays musulmans comme le Maroc, et surtout le Qatar, où il enseigne, l'islamologue tient un discours nettement plus conservateur.