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Si la minute de silence a été perçue positivement du fait de la monstruosité des faits et de la rapidité de la réplique, certains collègues se sont trouvés démunis. Les rejets signalés montrent la nécessité d’une réflexion sans a priori idéologique. La liberté des professeurs n'excluait pas de s’appuyer sur un texte ministériel ; il aurait eu du poids face au malaise des élèves et des parents. ( Jack Lang l’avait fait en 2002 pour prévenir les retombées de la deuxième Intifada) Les professeurs devaient répondre aux interrogations des élèves, présenter les faits avérés en les évaluant à partir de critères moraux.
La réflexion devra succéder à l'émotion légitime : on a tué, et qui plus est dans une école, on a semé la .terreur dans toute une ville. Des êtres humains sans défense ont été visés avec une cruauté insupportable. Tirer à bout « touchant » sur l’enfant qui cherche à s’échapper est un comportement qui rappelle à tous le nazisme.
Se sentir concerné ne vient pas seulement de ce que cela peut atteindre chacun d’entre nous . Il faut surtout insister sur la lâcheté du tueur, le visage caché, les achats d'armes, la préméditation de longue date…Cela implique des soutiens et pour le moins l'adhésion aux principes d’une entreprise terroriste qui l’a préparé à tuer. Faire de chacun, à titre égal, un criminel ou une victime en puissance signe le refus d’affronter une réalité politique angoissante.
Lorsqu’on est confronté à la transgression ultime les interprétations sociologiques ou psychologiques tombent. Certains invités des plateaux de télévison ont tenté l’excuse de la folie, de la solitude (un loup?) des problèmes familiaux, (absence du père) de la pauvreté (RSA!), d’une France indigne de lui (qu’il voulait mettre à genoux), de l'armée qui l’a rejeté, de la prison qui l'a corrompu....En faire une « victime du système » ne fait que valoriser un acte qu’il faut condamner sans appel. Pour autant il va de soi que personne ne peut se réjouir de la mort de cet homme. Mais pourquoi refuser d’entendre les mots du tueur lui-même ? Il a revendiqué en toute clarté le droit et le devoir de tuer.
A. Il a tué au nom du mouvement Al Qaida, du Djihad, du salafisme. La communauté musulmane refuse à bon droit l’amalgame associant tout musulman à un terroriste. Mais pourquoi des politiques et des autorités religieuses se sont-ils empressés de le brandir comme risque majeur ? Quel sens y a t-il à agiter le pur fantasme de la vengeance des uns ou la réaction violente des autres d’avoir à se défendre contre un racisme général qui s’accroitrait à la suite de ces événements ? Là est le recours à l’amalgame ! Evoquer un choc de communautarismes ne correspond en rien à la réalité des comportements. On entretient la méfiance au sein de la nation ainsi catégorisée on nuit au vivre-ensemble pourtant revendiqué. La crainte de voir la paix civile menacée doit être subordonnée à l’interdit du meurtre. Il ne s’agit pas d’inverser les responsabilités.
B. Au nom de antisémitisme et de l'antisionisme Mohamed Merah a voulu « tuer des enfants juifs pour venger ceux de Gaza »...et regrette de ne pas en avoir tué davantage. La complexité du conflit du Proche-Orient peut être rappelée ; s’il convient de distinguer l’appel direct au meurtre des Juifs comme dans la charte du Hamas ou au Djihad, d’une négation de la légitimité de l’Etat d’Israël par des militants dit propalestiniens, on pourra se demander si une propagande insidieuse et parfois officielle n’entretient pas un climat délétère depuis des décennies jusque dans les écoles. On peut regretter la partialité de l’opuscule de Stéphane Hessel qui désigne (page 17) le coupable habituel, Israël, de façon prioritaire et à l’échelle mondiale… Selon l’auteur lui-même, le produit cette opération, soutenue par de nombreux libraires est destiné, à financer le boycott d’un Etat. Celui-ci est illégal et des élèves manipulés peuvent être entraînés dans des actions dangereuses.
C. Paradoxalement c’est bien le racisme qui a guidé le passage à l’acte. Cette notion recouvre des acceptions parfois contradictoires. Ainsi l'origine maghrébine de certaines victimes lui a permis de les considérer comme des traitres; ce qui signifie que toute personne venue du Maghreb n'aurait pas vocation à être française comme les autres ! Tuer des militaires français pour venger la présence en Afghanistan de la France relève probablement d’un « racisme anti-blanc ». On ne doit pas oublier non plus qu'il y eut aussi une victime chrétienne et une autre, noire antillaise… Les élèves du lycée de Rouen qui ont quitté la classe ont compris que présenter le tueur comme une victime du racisme c’est s’en faire complice. Le racisme est désormais maquillé en son contraire.
D. Le sexisme criminel est lui aussi présent. Le tueur a voulu s'opposer aux lois contre le voile à l'école et la burqa, au nom du Coran, lu, à t-il dit, en prison: une lecture fondamentaliste du texte lui en aurait-elle donné le droit ? Si l'Islam se démarque de l’islamisme radical cela est positif. Quoi qu'il en soit les principes de la République sont toujours prioritaires sur son territoire et en particulier l'égalité hommes/ femmes;
E. L'aveu du plaisir de tuer est d'autant plus grave qu'on a voulu le faire partager par les vidéos et donc entraîner d'autres dans ce culte de la mort . A une époque où l'on demande que les cours de morale existent au sein de l'école cela semble plus qu'urgent. Certains ont accusé les jeux vidéos ; on peut légitimement se poser des questions à propos de certains d’entre eux mais aussi de certaines chansons rap qui répercutent les incitations au meurtre du fanatisme anti-occidental.
Il s’imposerait enfin d'affirmer une solidarité avec les victimes en écrivant par exemple à l'école juive toulousaine; faire connaitre les noms des enfants et des militaires tués. A l'inverse il faudrait s'adresser aux médias pour qu'ils suppriment de leurs écrans l'image souriante, décontractée, d’un tueur heureux de vivre, ce qui ne peut qu'alimenter le risque d'en faire un martyr, un héros, un modèle à suivre…