Tribune
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Publié le 16 Juillet 2013

Twitter livre des données à la justice: quelles conséquences ?

Par Ariane Kujawski 

 

Après des mois de joutes judiciaires, le réseau social américain a fini par s'incliner: il livrera donc les données d'identification des auteurs de tweets antisémites. Et s'engage à améliorer le signalement de ces messages.

Twitter a cédé. Vendredi 12 juillet 2013, la direction du réseau social a annoncé se plier aux demandes d’associations telles que l’UEJF ou encore J’accuse !. Ces organisations avaient porté plainte à plusieurs reprises contre le réseau social après la diffusion en 2012 de mots clés #unbonjuif et #unjuifmort.

 

Après plusieurs mois de joutes judiciaires, c’est donc "la fin du litige" et le début d’une "collaboration afin de lutter contre le racisme et l’antisémitisme", comme l’ont annoncé les deux parties. Cette collaboration a notamment pour objectif de prendre des "mesures afin d'améliorer l'accessibilité de la procédure de notification des tweets illicites". La ministre de l'Économie numérique, Fleur Pellerin, s'est félicitée d'une "bonne décision".

 

Pourquoi un tel changement? Quelles conséquences implique la décision de Twitter?

 

Pourquoi la position de Twitter a-t-elle changé?

 

"Jusqu'à présent, la position de Twitter était formelle, explique l’avocat Alain Bensoussan: 'on accepte de livrer des données si la justice américaine l’accepte'. Mais compte tenu de leur place, les réseaux tels que Twitter ou Facebook préfèrent être pilotés par l’éthique que par le plan juridique. Ainsi, ils soulignent leurs valeurs humanistes."

 

"Ils ont peut-être réalisé que c’était mauvais en terme de communication, explique Jérémie Zimmerman, de la Quadrature du Net. Il faut dire que jusqu’ici, Twitter a un peu surfé sur cette réputation de liberté d’expression, de réseau où la censure ne peut pas s’exercer et qui rend les mobilisations politiques possibles dans le monde entier." Une réputation qui risquerait d'être entachée avec une telle affaire.

 

Cela va-t-il créer un précédent?

 

"Oui, clairement, selon Alain Bensoussan. Ça va créer un précédent chez les autres plateformes: ils vont avoir du mal à se cacher derrière l’aspect juridique désormais. La culture locale ne doit pas être bloquée par la protection contenue dans la loi américaine. Et puis si Twitter le fait, pourquoi les autres se cacheraient derrière le juridique?"

 

Mais "les précédents, il y en a déjà eu", (même s’ils ne concernaient pas du contenu antisémite) rappelle Jérémie Zimmermann. YouTube a installé une plateforme automatisée qui permet de signaler toute fraude aux droits d’auteurs: ainsi, 300 parodies de La chute ont disparu d’un coup. Autre exemple: Facebook a bloqué un grand nombre de profils à cause de la photo de L'origine du monde", déplore-t-il.

 

Quelles conséquences pour Twitter?

 

Dès maintenant, Twitter va donc devoir "transmettre les données d’identification des auteurs des tweets antisémites à la police judiciaire, explique Alain Bensoussan. Les responsables risquent donc d’être poursuivis et condamnés. Ils risquent un an de prison et 45.000 euros d’amende pour provocation à la haine ou à la discrimination raciale."

 

Au niveau de l'amélioration du signalement de ces tweets, "c’est plus inquiétant sur la forme, estime Jérémie Zimmermann. Que va faire Twitter de ces signalements? Les transmettre à la justice, ou faire justice lui-même? L’entreprise va-t-elle engager une batterie d’avocats pour examiner chaque tweet signalé, ou mettra-t-elle en place un algorythme? Ou chaque tweet signalé sera effacé?"

 

"Jusqu’ici, Twitter refusait un tel système parce qu’il signifie des millions de signalements à traiter, conclut Jérémie Zimmermann. Et ce en fonction du droit de chaque pays: c’est un casse-tête qui s’annonce."