Tribune
|
Publié le 22 Mai 2014

UE : 20% de nos lois viennent de « Bruxelles »

Par Yves Bertoncini, Directeur de Notre Europe – Institut Jacques Delors, publié dans le Monde le 21 mai 2014

L'idée selon laquelle 80% du droit ou des lois en vigueur au niveau national est d'« origine communautaire » semble parfois relever de la vérité d'évidence, pour les contempteurs de la construction européenne comme pour nombre de ses zélateurs. Qui pourrait cependant aujourd'hui citer ces 80% de lois, alors même qu'il semble à première vue difficile d'en désigner ne serait-ce qu'une dizaine parmi la centaine de lois adoptées chaque année par les États membres ?

Les normes produites par l'UE ont toutes été adoptées par des représentants des États membres, au moment de la rédaction des traités ou de l'adoption des normes de droit dérivé (règlements, directives, etc). Elles ont toutes leur raison d'être et concourent à atteindre les objectifs que se sont librement fixés les États membres et les citoyens de l'UE, au même titre que les interventions budgétaires ou politiques de cette dernière.

Il est cependant frappant que, de même que l'impact réel des interventions budgétaires de l'UE est souvent sous-estimé, l'impact des normes européennes est, lui, largement surestimé. Il est essentiel d'essayer d'y voir plus clair à l'heure où les Européens sont invités à élire leurs représentants au Parlement européen pour les cinq prochaines années, dans un contexte de surenchère autour du poids supposé des normes communautaires dans la vie des citoyens.

Né de propos mal interprétés de Jacques Delors, le « mythe des 80% » des lois d'origine communautaire est entretenu par une « conjuration des extrêmes », réunissant aussi bien les antieuropéens que nombre d'« europhiles », qui ont en commun de surestimer l'importance de « l'Europe de Bruxelles » - porteuse de tous les maux pour les premiers, présumée présente et bénéfique dans tous les domaines pour les seconds. Ce mythe prospère lui aussi sur la base d'une confusion entretenue à la fois par les responsables politiques nationaux et communautaires. Ainsi les premiers ont-ils classiquement tendance à se défausser sur de prétendues « contraintes bruxelloises » souvent réelles, mais fréquemment illusoires et bien commodes pour faire admettre des décisions impopulaires. Soucieuses de renforcer leur légitimité et leur image en montrant qu'elles agissent « sur le terrain » ou « dans la vie quotidienne des citoyens», les autorités communautaires prétendant souvent quant à elles exercer une influence politique qui n'est considérable que dans quelques secteurs, et de fait réduite, voire très réduite dans la plupart des autres.

Si l'évaluation de l'impact des normes communautaires est délicate d'un point de vue technique, de nombreuses analyses et expertises permettant désormais de dégager des ordres de grandeur convergents et convaincants, et qu'on pourrait résumer en disant que la proportion de lois nationales d'origine communautaire est globalement plus proche de 20% que de 80%, avec de fortes variations selon les secteurs. L'européanisation des lois nationales est ainsi importante dans quelques secteurs (agriculture, services financiers, environnement…) et très réduite dans d'autres (éducation, protection sociale, logement, sécurité, etc.)… Lire la suite.