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Cette question suscite également l’inquiétude des instances politiques. À plusieurs reprises, Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, a attiré, assez solennellement, l’attention des responsables musulmans. «La lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous», a-t-il ainsi rappelé lors des inaugurations des mosquées de Cergy (Val-d’Oise) début juillet, ou de Strasbourg fin septembre.
Qu’il y ait un antisémitisme virulent dans l’islamisme radical, chacun en convient. Lors de la manifestation devant l’ambassade américaine à Paris, le 15 septembre, en pleine polémique sur le film anti-islam diffusé sur Internet, des jeunes issus de la banlieue s’étaient mêlés à des groupes salafistes et avaient crié : «Mort aux juifs.» «Les musulmans radicaux se pensent comme le peuple élu», avance, pour l’expliquer, l’anthropologue Dounia Bouzar. Imam à Grigny (Essonne) et aumônier de prison, Abdelhak Eddouk estime, lui, qu’il faut raison garder et ne pas tout amalgamer. «Il y a des musulmans antisémites, car il y a des Français antisémites, plaide-t-il. À chaque crise, les responsables musulmans ont toujours marqué leurs distances vis-à-vis de telles attitudes.» Mais cette virulence des milieux islamistes radicaux entretient un climat malsain.
Sonnette. Cet antisémitisme réel (mais difficile à évaluer) se nourrit de considérations politiques, liées à la situation au Proche-Orient. Depuis une douzaine d’années, il y a, en France, une crainte confuse d’une importation du conflit israélo-palestinien sous forme de tensions intercommunautaires entre musulmans et juifs. Le pays est, de fait, particulièrement «exposé» à de telles dérives. Il compte les communautés juive et musulmane parmi les plus nombreuses en Occident. Devenue depuis sénatrice sous l’étiquette écologique, la chercheuse Esther Benbassa a été l’une des premières, au milieu des années 2000, à tirer la sonnette d’alarme et à s’engager fortement pour défendre le maintien et le développement de relations saines entre les deux communautés. «Les responsables musulmans rappellent régulièrement que le conflit israélo-palestinien est d’ordre politique et non pas religieux», poursuit Abdelhak Eddouk. Mais ce combat-là est un peu celui de Sisyphe, toujours à recommencer.
Activé par les tensions au Proche-Orient, le discours antisémite est très présent dans le monde arabo-musulman, reprenant les thématiques des années 30, comme la puissance financière des juifs présente dans une série télévisée diffusée au milieu des années 2000, en Syrie et en Égypte. Dans les pays arabes, il n’est pas rare non plus de trouver en circulation Mein Kampf de Hitler ou le faux antisémite le Protocole des sages de Sion, qui circulait également, il y a quelques années, dans les librairies musulmanes de la rue Jean-Pierre-Timbaud à Paris.
Convictions. Sur le terrain proprement religieux, y aurait-il un antisémitisme spécifique à l’islam ? Explosive à plus d’un titre, la question est trop teintée d’arrière-pensées politiques et trop instrumentalisée pour être examinée, de part et d’autre, sereinement. Que ce soient entre juifs et chrétiens, entre chrétiens et musulmans ou entre juifs et musulmans, les trois monothéismes, nés sur les mêmes terres, ont toujours entretenu des rapports très ambivalents, voire meurtriers au cours de l’histoire. Convaincus d’être dépositaires de la vérité révélée, le christianisme et l’islam ont toujours espéré «rallier» les autres croyants à leurs croyances. Facteurs politiques et convictions religieuses ont tout pour s’amalgamer en un cocktail détonant.