Tribune
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Publié le 24 Janvier 2014

"Une attaque informatique est une agression comme une autre"

Interview du Contre-amiral Arnaud Coustillière, Officier général en charge de la cyberdéfense à l'état-major des armées, propos recueillis par Boris Manenti, publiée sur RP Defense le 22 janvier 2014

 

Le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, vient de dévoiler un plan d'un milliard d'euros sur cinq ans consacré à la cyberdéfense française. Alors que le budget de l'armée s'affiche en baisse, le gouvernement mise sur "le cyber" pour à la fois se défendre des attaques, mais aussi accompagner des opérations militaires. Le point avec le Monsieur Cyberdéfense du Ministère, le contre-amiral Arnaud Coustillière. 

2013 a été une année chargée avec un livre blanc et une loi de programmation militaire, qui ont redéfini la cyberdéfense française. Quid de 2014 ?

 

Je suis en poste depuis 2011, et chaque année est chargée en actualités et en transformations. 2014 sera synonyme de la mise en musique de toutes les décisions prises l'an dernier, avec comme socle le Livre blanc. Les réformes vont se poursuivre selon ce qu'a annoncé le Ministre : le Pacte défense cyber et le pôle d'excellence Bretagne. Se pose aussi un enjeu de souveraineté pour que certaines industries restent indépendantes. On ne sera pas indépendants partout, mais il faut repérer les secteurs clefs pour conserver une autonomie suffisante, par exemple dans les sondes, les outils d'analyse ou les coeurs de réseau. En aidant et défendant les PME innovantes, nous espérons tendre vers une base industrielle souveraine, et s'assurer qu'elle ne soit pas rachetée par des Américains ou des Chinois.

 

Pourquoi cette indépendance n'a-t-elle pas été appliquée au ministère de la Défense qui a préféré renouveler son contrat avec Microsoft plutôt que d'opter pour des logiciels libres ?

 

Il faut réfléchir avec plus de recul. Près de 95% des opérations militaires se font sous mandat de l'ONU dans des contextes de coalitions totalement improbables. Aujourd'hui, nous faisons la chasse à la piraterie dans le golfe indien avec les Ukrainiens et les Chinois, nous sommes au Mali avec comme principal allié le Tchad... Et pour partager avec tout le monde immédiatement, cela passe par Microsoft. De plus, quelle est l'alternative à Microsoft quand on gère un réseau qui compte 250.000 postes de travail ? Si l'on regarde les grands opérateurs proposant du travail collaboratif, un environnement de travail évolutif, une sécurité constamment améliorée, une réactivité en cas de vulnérabilité... Microsoft s'avère le plus intéressant. Et, face aux capacités d'espionnage pointues qui pourraient nous cibler, Microsoft est aussi facile à attaquer que des logiciels libres. Enfin, quand un choix est fait avec un éditeur, il est très compliqué d'en sortir.

 

Au Forum international de la cybersécurité (FIC), vous avez évoqué le cyberespace comme un nouveau champ de bataille. Qu'entendez-vous par là ?

 

Il s'agit d'un nouveau milieu de combats, en plus du terrestre, du maritime, de l'aérien et du spatial. On plaque ainsi au cyber, les mêmes processus que pour les autres milieux. Par exemple, nous renforçons les capacités du service de renseignement dit "d'intérêt cyberdéfense", afin de mieux détecter ceux qui risquent d'attaquer dans les prochaines minutes comme dans les prochains mois, même à partir de traces infimes… Lire la suite.