Tribune
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Publié le 13 Janvier 2014

Unissons-nous contre la haine de l'autre

Par Martine Ouaknine

Juriste

Membre du Comité Directeur du CRIF

Co Présidente de la commission nationale des Régions

 

La levée de boucliers contre le phénomène M’bala M’bala engagée depuis quelques jours est saine et salutaire, car l’humour, la dérision au sens noble, ont totalement disparu de ses objectifs. Parler de spectacle comme croire encore en un certain humour est un artifice qui ne peut berner aucune personne sensée. Son public vient en majorité, animé par le goût de la provocation et se repait de cette haine gratuite, sous tendue par la technique classique du «bouc émissaire».

Après la circulaire du Ministre de l’Intérieur aux Préfets de France, le combat judiciaire va s’engager devant chaque Tribunal et le courage et la détermination des élus seront d’autant plus respectables.

 

Face à la sacro-sainte liberté d’expression invoquée pour demander la poursuite de ces meetings, continuera-t-on d’ignorer les dangers réels pour l’ordre public ?

 

Mais pourra-t-on surtout méconnaître les effets pervers sur nos jeunes, des thèses véhiculées par ce personnage et ses émules?

 

Car ce n’est plus seulement l’ordre public qui est en péril, ce sont aussi et surtout la paix publique et la capacité de chacun à vivre ensemble dans le respect de ses différences et d'une histoire commune dont la Shoah fait partie intégrante.

 

De la même façon que les responsables politiques ont su « prendre leurs responsabilités » , unissons-nous avec le soutien de la société civile, de la communauté éducative, des associations de parents d’élèves, pour enrayer un phénomène dangereux, celui de la banalisation de gestes proprement antisémites, sous couvert de provocation ou « d’anti système »…

 

La mise en garde à vue de deux jeunes lycéens il y a quelques jours, après la reproduction de la « quenelle » m’a rappelé les intifadas de 2002 et 2003 qui, soutenues par de bonnes âmes, avaient sournoisement insinué dans l’esprit de certains jeunes, l’idée que le « feuj » était responsable de tout et n’importe quoi, certains ignorant d’ailleurs même ce qu’était un feuj.

 

Alors Présidente du CRIF Sud Est aux côtés de Roger Cukierman, et effarée par l’épidémie de propos antisémites proférés dans des lieux privés ou sans témoins, dont la plupart des jeunes ne mesuraient ni le caractère répréhensible ni le danger de leurs comportements, j’ai demandé à Serge Klarsfeld de venir dialoguer avec 300 jeunes collégiens et lycéens.

 

La qualité exceptionnelle des échanges, l’écoute attentive de ces jeunes m’ont rassurée et convaincue de la force de la pédagogie et de l’exemplarité.

 

J’ai initié les voyages de la mémoire à Auschwitz, avec le partenariat total du conseil Général des Alpes Maritimes, alors dirigé par Christian Estrosi.

 

En 10 ans, plus de 10 000 collégiens s’y sont rendus et le Conseil Général poursuit ces voyages avec détermination et engagement, en assumant un rôle éducatif réel avec le concours de survivants, de Justes et d’enseignants.

 

Nous devons sans tarder nous préoccuper de pédagogie et d’information sur le phénomène M’bala M’bala et sa quenelle auprès des jeunes publics.

 

Ne permettons pas qu'ils deviennent les victimes collatérales et principales de combats qui ne sont pas les leurs.

 

Que ce soit par le biais de ces « meetings » ou des communications via le Net, on leur inculque le dégoût de vivre ensemble, la haine de l’autre.

 

Redonnons-leur le goût du vivre ensemble, de se parler, de se connaître, de se respecter.

 

Des initiatives pédagogiques relèvent de la responsabilité de l’Éducation nationale.

 

Il faut restituer à la mémoire de la Shoah et au travail des justes, leur sens et leur valeur éducative et préventive.

 

Il faut sanctionner ceux qui s’y opposent ou terrorisent leurs enseignants.

 

Il importe aussi d’uniformiser les législations sur les actes et comportements antisémites ou détournés.

 

Il n’est pas normal qu’en France, le salut nazi ou ses « dérivés » ne tombent pas sous le coup d'une loi spécifique.

 

Il n’est pas normal que des ouvrages de promotion du nazisme continuent d’être vendus impunément dans certaines librairies.

 

Il convient de « requalifier » les spectacles de haine en « meetings ». 

 

Nous conforterons ainsi le socle des valeurs qui ont fait la force et la fierté de la France.