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Published on 3 May 2018

Pèlerinage de la Ghriba - La magie de Djerba, le pèlerinage de la Ghriba

C’est que, en ce lieu, les juifs et musulmans s’embrassent et se touchent. Et quelque puisse être les difficultés, la Tunisie est un pays de tolérance et doit le demeurer. Par Marc Knobel, historien et Directeur des Etudes au Crif.

Publié le 2 mai 2018 dans Le HuffPost Maghreb

La magie opère toujours et comme par magie me voici transporté en un lieu d’une rare beauté, la Synagogue de la Ghriba. Elle a un caractère sacré et elle est un joyau de la Tunisie. La synagogue de la Ghriba -toute de magnificence vêtue- se dresse isolée en rase campagne, à un kilomètre du village d’Erriadh, l’une des deux bourgades juives que compte l’île de Djerba. Djerba, cette île merveilleuse que j’appelle l’enchanteresse. Avec toutes ses voûtes et ses colonnes et d’arabesques ou d’inscriptions en hébreu, ce sont surtout les belles faïences de toutes les teintes du bleu (ciel, azur, marine, gris bleu) que l’on admire ici. Je ne connais pas au monde, peut-être une plus belle synagogue. Peut-être, parce que là, je sens la présence de ma mère, cette juive de Tunisie. Parce que je me rappelle des paroles à l’enfant que j’étais, lorsqu’elle me parlait de son pays natal et de cet amour incroyable que les Juifs de Tunisie ont pour ce pays.

Voyez-vous mes amis, la Tunisie, ils l’ont aimé avec tendresse, avec beauté. Ils continuent de la chanter et la tunisianité bat en eux, en leur cœur. Pourquoi en douteriez-vous? Comment vous dire? Peut-être sont-ils vos bons ambassadeurs dans les pays où ils se sont installés. D’ailleurs comment pourrait-on oublier mère Tunisie ?

Mais, là en cet endroit, j’éprouve une si grande émotion que les larmes peuvent couler. Le pèlerinage de la synagogue de la Ghriba, dont la première pierre remonterait, selon la légende, à l’arrivée de prêtres fuyant la destruction du temple de Salomon par Nabuchodonosor (en 586 avant J.-C.), est le grand rendez-vous annuel du judaïsme tunisien.

Et ce rendez-vous n’est pas simplement folklorique, il doit être compris et entendu par tous les tunisiens, car il appartient aussi à votre patrimoine. Il est de votre patrimoine et là, bat aussi le sang de la Tunisie. Et la musique, fait son œuvre, les femmes font des you you, de longs cris aigues ou modulés qu’entonnent les juives et les musulmanes d’Afrique du Nord. Des hommes cris, dansent, et cela continue de partout de venir et d’aller. Plus loin, des femmes et des hommes allument des bougies, sentent la chaleur des flammes, prient, une femme pleure. Des jeunes filles et femmes sont assises sur les marches de la Synagogue. Elles sont toutes très belles, certaines sont musulmanes, d’autres juives. A côté, des enfants recouverts d’une kipa, parlent entre eux.

C’est que, en ce lieu, les juifs et musulmans s’embrassent et se touchent. Et quelque puisse être les difficultés, la Tunisie est un pays de tolérance et doit le demeurer et il n’y a pas de plus beau chant que lorsque des Juifs, des chrétiens et des musulmans, croyants ou laïques se rencontrent, se voient, s’embrassent, se sourient, se touchent, se disent, se lisent, se font, sont au-delà des différences, des incompréhensions et des griefs. La magie est ici, en la rencontre forte des cultures, elle opère aussi lorsque la sacralité est protégée et lorsque la prière devient le point de rencontre et le point d’estime et de respect par excellence.

C’est bien qu’il y a comme de la magie. À une époque de tension, d’incompréhension, et d’ignorance, il faut garder espoir peut-être. Nous sommes cousins. Qui doit penser que nous ne devrions pas nous aimer ? Et, si nous portons la Tunisie en notre cœur, peut-elle être le lien fort ?

Djerba, joyau des joyaux, perle de la méditerranée, en assistant à ce pèlerinage, je vais me nourrir de toi et dans mes rêves, tu ne me quitteras pas.