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Published on 25 October 2023

Le Crif en action - Le Président du Crif invité par la Conférence des Evêques de France

Mercredi 18 octobre, le Service national des relations avec le judaïsme de la Conférence des Evêques organisait sa journée de formation destinée aux délégués diocésains. La matinée était consacrée à une série d’interventions sur le thème des trente ans de l’accord fondamental entre Israël et le Saint-Siège. Yonathan Arfi, le Président du Crif était invité à y prendre la parole, ainsi que l’Ambassadeur d’Israël Raphaël Morav, Monseigneur D’Ornellas, Archevêque de Rennes et Président du Conseil pour l’Unité des Chrétiens et les relations avec le Judaïsme, et Patrice Paoli, Ambassadeur, Diplomate au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

Cette session, prévue de longue date, a pris une teinte particulière dans le contexte actuel de guerre en Israël.

 

Dans son allocution introductive, le Père Christophe Le Sourt qui dirige le Service national des relations avec le judaïsme est revenu sur le massacre commis le 7 octobre par le Hamas contre la population civile israélienne, des actes de terrorisme qu’il a qualifié « d’innommables » et dont il a dénoncé « la violence et le sadisme inégalés ».

À la mémoire des victimes du terrorisme, et aussi pour honorer celles de Monseigneur Didier Berthet, ancien Président du Conseil pour l'unité des chrétiens et les relations avec le judaïsme, et de Pierre Girard qui fut délégué diocésain à Créteil et très engagé à l’Amitié judéo-chrétienne de France, l’assemblée a observé une minute de silence.

 

Après cette introduction forte en actes et en gestes, Monseigneur D’Ornellas a lui aussi assuré que l’Église partageait la douleur de « ses frères aînés à l’évidence ». Revenant sur le sujet qui lui incombait, à savoir l’analyse pour un prélat catholique des trente ans de l’accord fondamental il a insisté précisément sur le terme « fondamental » qui pose précisément un « fondement », « une pierre de fondation » et va plus loin que les recommandations de Nostra Aetate publiées en 1965. « Entre 1965 et 1993 » dit-il « un pas de géant a été accompli ». Il a rappelé le préambule de l’accord fondamental qui considère « le caractère unique et la signification universelle de la Terre Sainte » comme « la nature unique des relations entre l’Église catholique et les Juifs ». Dans l’article 2 le terme de « condamnation » qui n’apparaissait pas dans Nostra Aetate vient enfin : « Le Saint-Siège saisit cette occasion pour réaffirmer sa condamnation de la haine, de la persécution et de toute autre manifestation d’antisémitisme dirigées contre le peuple juif et tout Juif, où que ce soit en n’importe quelle circonstance et par qui que ce soit ». L’article 11 en revanche précise la position politique du Saint-Siège : « Le Saint-Siège […] juge opportun de rappeler en raison même de sa spécificité, son engagement solennel à demeurer à l’écart de tous les conflits uniquement temporels, principe s’appliquant en particulier aux conflits territoriaux et aux frontières disputées ».

 

Raphaël Morav, Ambassadeur d’Israël en France a remercié « les Français et les Catholiques pour leur soutien ». Il a relevé l’originalité de l’accord qui a ouvert des relations entre ces deux États qu’il a qualifié d’atypiques. En reconnaissant officiellement l’État d’Israël, le Saint-Siège reconnaissait Israël comme peuple et comme Nation, mettant là un point final aux 2 000 ans de séparation et de substitution. Il a rappelé que depuis ces accords, les trois derniers Papes se sont rendus en Israël, et que le dialogue interreligieux se pratique régulièrement entre le Grand rabbinat et le Saint-Siège. L’Ambassadeur n’a pas omis d’évoquer le texte « Faire la volonté de notre Père Céleste » signé en 2015 par de nombreux rabbins orthodoxes, dont le Grand rabbin René Samuel Sirat. Décliné en sept points ce texte dit en préambule : « Après presque deux millénaire d’hostilité et d’aliénation mutuelles nous, rabbins orthodoxes responsables de communautés, d’institutions et de séminaires en Israël, aux États-Unis ainsi qu’en Europe, reconnaissons l’opportunité historique qui se présente à nous. Nous cherchons à faire la volonté de notre Père céleste en acceptant la main qui nous est tendue par nos frères et sœurs chrétiens. Juifs et Chrétiens doivent travailler ensemble, comme des partenaires, afin de relever les défis moraux de notre époque ».

 

La parole revenait ensuite à Yonathan Arfi. L’intervention du Président du Crif était très attendue après le drame absolu du 7 octobre. Ce jour-là « fait césure pour les Français juifs » a-t-il dit. « Il fait césure car ce n’était pas seulement des attaques terroristes… Par les détails qui nous sont remontés, nous avons compris qu’il s’agissait d’une monstruosité, monstruosité de l’infiniment grand : la mort d'au moins 1 400 civils, monstruosité de l’infiniment petit dans ce qui s’est libéré chez chacun de ces terroristes individuellement dans les mises en scène des mises à mort, dans les tortures, les viols ». Cet évènement reste incomparable. Il a entraîné chez les Juifs un traumatisme, une résonnance avec des épisodes historiques extrêmement violents : pogrom, tueries des Einsatzgruppen. Cet effet de sidération s’est parfaitement traduit dans les mots qu’a employé Yonathan Arfi : « Le sol s’est dérobé sous nos pieds ». Est-ce que le sentiment de sécurité lié à la conviction que l’État d’Israël est en État refuge s’est érodé ? S’il est difficile de répondre à cette question, la certitude demeure que les évènements du 7 octobre ont rappelé la précarité de la condition juive, en diaspora, mais aussi dans les frontières de l’État d’Israël. En France, depuis le 7 octobre, les actes antisémites ont explosé : 584 signalements d'actes en moins de trois semaines, soit plus que la totalité des actes commis sur l’année 2022.

Yonathan Arfi a remercié Christophe Le Sourt d’avoir organisé cette session qui a-t-il dit « fait chaud au cœur » et insisté sur l’importance d’avoir un dialogue puissant entre Juifs et Chrétiens « une forme d’assurance vie pour les Juifs en diaspora ». Il a rappelé l’importance « des mots et des gestes » et salué la présence lors de la manifestation organisée par le Crif lundi 9 octobre d’un collectif iranien, comme il a dit sa reconnaissance au Conseil de coordination des organisations Arméniennes de France pour son message d’amitié.

 

Une séquence plus géopolitique a clôturé la matinée avec la prise de parole de Patrice Paoli, Ambassadeur, Diplomate au Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a qui revenait la charge de traiter « Les actuels enjeux géopolitiques au Moyen-Orient ». Un exposé passionnant au cours duquel il a éclairci à la lumière de sa longue carrière d’ambassadeur dans le monde arabe, la question complexes des alliances, des antagonismes et des intérêts.

Christophe Le Sourt, à l’issue de la rencontre a émis le vœu que nous puissions chacun, selon l’expression empruntée à Abraham Heschel « Élargir notre compréhension du monde ».