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Published on 29 January 2024

L'entretien du Crif - Constance Le Grip (Renaissance) appelle à « un sursaut républicain » face à la flambée de l’antisémitisme

Présidente du Groupe d’études sur l’antisémitisme de l’Assemblée nationale, la députée des Hauts-de-Seine, Constance Le Grip appelle ici « tous les républicains » à un « sursaut » visant à provoquer « une large et profonde prise de conscience dans notre pays sur le fléau que constitue la haine antisémite qui peut menacer les équilibres et les fondements de notre République et de la citoyenneté ». Exprimant son effroi après la publication par le SPCJ et le ministère de l’Intérieur des derniers chiffres des actes et menaces antisémites en France, Constance Le Grip nous livre ses clés d’explications et met en cause les « dérives » répétées et la responsabilité de Jean-Luc Mélenchon et d’élus de LFI. Ces dérives amènent « à réfléchir au renforcement de notre arsenal législatif ou réglementaire ».

Le Crif : Comment analysez-vous l’ampleur de la flambée de l’antisémitisme en France depuis le 7 octobre ?

Constance Le Grip : J’ai à cœur de vous dire d’abord mon premier sentiment, qui est celui de l’effroi et d’une profonde tristesse devant l’ampleur des derniers chiffres d’actes et propos antisémites publiés par le SPCJ et le ministère de l’Intérieur. Tous les républicains de bonne volonté doivent être saisis par ce que représente de danger cette flambée, car l’ampleur de ce phénomène qui touche notre République est terrible. 

La progression est inédite et effrayante, les actes ont diverses formes, ils touchent non seulement des biens mais de plus en plus de personnes, victimes d’insultes, de crachats, d’agressions, d’intimidations, de menaces. Quant à la sphère numérique, depuis le 7 octobre, la haine du juif se déverse honteusement dans des proportions très alarmantes et dangereuses. Le flot de boue et de haine ne s’arrête pas et c’est très inquiétant. 

La République française, ce n’est pas, ce ne peut pas être, cette irruption de haine. Elle nous oblige et nous mobilise toutes et tous encore plus. J’appelle de mes vœux un sursaut républicain : il faut que tous les acteurs politiques, quelles que soient bien sûr leurs sensibilités, suscite une large et profonde prise de conscience dans notre pays sur le fléau que constitue la haine antisémite qui peut menacer les équilibres et les fondements de notre République et de la citoyenneté. 

 

« L’antisionisme est une manière de légitimer l’antisémitisme, cela a terriblement agi depuis le 7 octobre »

 

 

Le Crif : Quelle est la clé d’explication selon vous de cette flambée d’antisémitisme, qu’on a vu commencer dès le 7 octobre quand le Hamas a perpétré son massacre ?

Constance Le Grip : Incontestablement, le fait que certaines formations, mouvements ou associations, certains parlementaires ou acteurs politiques situés du côté de la gauche radicale ou de l’extrême gauche, n’aient pas tout de suite qualifié de terroriste l’attaque du Hamas, et que certains aient même osé saluer l’acte de guerre terroriste du Hamas, tout cela a participé à un moment fou de libération de la parole haineuse et des actes qui en découlent. Dans une terrible confusion des esprits et une affolante inversion de la réalité, cette extrême gauche veut faire croire que le problème est « le sionisme », Israël, tous les Juifs devenant une cible. Un amalgame a été tenté, réussissant malheureusement dans certains esprits, à assimiler le Hamas à la cause palestinienne que le mouvement islamiste et terroriste cherche depuis de nombreuses années à instrumentaliser et à détourner, tout cela tendant malheureusement à activer un antisémitisme mondial, qui a eu un terrible effet en France. 

On le sait, l’antisionisme est une manière de légitimer l’antisémitisme et cet amalgame coupable a terriblement agi depuis le 7 octobre, touchant nos compatriotes juifs. Tout cela est politiquement structuré par l’extrême gauche et « La France Insoumise » très particulièrement.

Cet antisionisme, cette négation du droit d’Israël à simplement exister en paix et en sécurité, est clairement une forme d’antisémitisme. Le fait de ne pas reconnaître ce droit d’Israël à exister au prétexte qu’il y a un peuple dont il faut défendre les droits, le peuple palestinien, libère une parole haineuse et accrédite dangereusement dans notre pays l’idée, évidemment totalement fausse, qu’il y a un responsable à tous les malheurs du monde. C’est comme cela que les vieux ressorts – et démons – de l’antisémitisme resurgissent, si dangereusement. Les vieux fantasmes immondes reviennent ainsi viser et menacer les Français juifs ! Cela doit être enrayé. Quand Jean-Luc Mélenchon met violemment en cause Yaël Braun-Pivet, la Présidente de l’Assemblée nationale après sa visite en Israël, en délégation de solidarité après le 7 octobre, quand il emploie certains mots très connotés, il repousse très loin de lui ce que devrait être le discours républicain élémentaire.

 

 

« L’usage par Jean-Luc Mélenchon de la gestuelle des marionnettes rappelle de très vieilles choses, de sinistre mémoire »

 

Le Crif : Beaucoup d’observateurs ont analysé le fait que Jean-Luc Mélenchon, de manière répétée depuis longtemps, et encore récemment par une gestuelle plus que douteuse, frisait régulièrement l’antisémitisme. Constatez-vous aussi cette dérive ? 

Constance Le Grip : Je constate cette dérive. Odieuse illustration en effet, son usage récent de la gestuelle des marionnettes, sous-entendant que des gens tireraient les ficelles en France au-dessus de notre scène publique, ce qui rappelle de très vielles choses, de sinistre mémoire. En même temps, lui et certains de ses collègues à LFI font très attention, en faisant des sous-entendus certes très connotés, de ne pas franchir la ligne rouge de l’explicite qui les exposerait à des graves poursuites judiciaires et de fortes sanctions pénales. 

Ils utilisent donc de très lourds sous-entendus, une série d’occurrences, des réminiscences, une sémantique ou une gestuelle, tout ceci est un flirt odieux avec l’antisionisme et l’antisémitisme mais ils veillent à ne pas basculer dans ce qui s’exposerait à des condamnations pénales. Je n’ai pas aujourd’hui la parade absolue mais ce type de dérives peuvent quand même nous amener à réfléchir au renforcement de notre arsenal législatif ou réglementaire. Ce dernier est assez complet mais il y a peut-être des maillons manquants qui peuvent mériter quelques ajustements.

La première riposte est aussi politique. Et de ce point de vue, il ne faut rien laisser passer : tolérance zéro contre l’antisémitisme, surtout quand des forces ou des « responsables » politiques, de manière plus ou moins voilée, l’entretiennent. Il ne faut s’accoutumer à rien. De ce point de vue, tous les républicains et démocrates de France doivent, ou devraient, faire bloc. Il faut aujourd’hui un sursaut républicain, notamment de toutes celles et tous ceux qui n’ont pas envie de flirter avec M. Mélenchon ou Mmes Obono, Soudais et tous les autres de LFI.

 

Au sein de la Nupes, « le moment de la clarification n’est pas venu pour tout le monde »

 

 

Le Crif : Pensez-vous que la gauche, à l’approche des élections européennes, est en situation de faire un travail de clarification ? 

Constance Le Grip : Au sein du Groupe d’études de l’Assemblée nationale sur l’antisémitisme, que j’ai l’honneur de présider, nous avons des collègues, députés de gauche socialistes et écologistes, qui sont sincèrement et ardemment engagés dans la lutte contre l’antisémitisme, et qui savent bien qu’il y a un problème à la Nupes du côté de LFI et de Jean-Luc Mélenchon. Ils voient très bien que les positions traditionnelles de la gauche, par exemple en faveur de la reconnaissance des droits des Palestiniens, est radicalement dénaturées par des positions répétées qui relèvent d’un antisionisme radical et s’apparentent clairement à l’antisémitisme. 

Un certain nombre de collègues, qui siègent donc à gauche, sont conscients de cette grave dérive mais je ne peux pas pour autant constater qu’à l’agenda des formations de la gauche, socialiste, écologiste ou communiste, ce soit un sujet majeur. 

Certains n’en pensent pas moins mais ils sont encore trop silencieux sur cette question, pourtant majeure non seulement pour la gauche républicaine mais bien sûr pour toutes les formations politiques françaises qui sont fondamentalement attachées aux principes et à l’histoire de la République. Face à la flambée de la haine touchant les Français juifs, le moment du courage et de la clarification n’est pas totalement venu pour tout le monde. Je le regrette. Et j’espère que cela pourra rapidement changer.

 

 

Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet, le 29 janvier 2024 

 

 

- Les opinions exprimées dans les entretiens n'engagent que leurs auteurs -

 
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