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Publié le 31 Mai 2019

Actualités des régions - Le Crif Auvergne-Rhône Alpes a rencontré Alexis Lacroix

Le 21 mai 2019, à la veille des élections européennes, le CRIF Auvergne Rhône-Alpes a reçu le journaliste Alexis Lacroix.

Dans le cadre de ses déjeuners-débats, le CRIF Auvergne Rhône Alpes recevait mardi 21 mai 2019, Alexis Lacroix, journaliste, essayiste et éditorialiste. L’ancien directeur adjoint de Marianne, aujourd’hui directeur adjoint de la rédaction de « l’Express », collaborateur sur de nombreuses fréquences radio et chaînes de télévision est venu livrer ses analyses politiques et sociétales sur la France et le monde d’aujourd’hui par le prisme de l’Histoire, et débattre à l'approche des élections européennes de leurs enjeux.

Après une présentation de son ouvrage « J’accuse ! 1898-2018 permanences de l’antisémitisme », Alexis Lacroix a expliqué en quoi l’antisémitisme d’aujourd’hui n’est qu’une résurgence de celui d’hier et que l’Affaire Dreyfus à la fin du XIXème siècle peut être vu comme une « gigantesque répétition générale de ce qui est survenu au XXème siècle ».

Il a proposé une lecture approfondie des sources et des expressions de l’antisémitisme de tous ordres, d’hier à aujourd’hui. Revenant sur l’affaire Dreyfus (1894-1906) qui marque le début de l’engagement des intellectuels dès l’année 1896, A. Lacroix oppose aux dreyfusards Bernard Lazare et Émile Zola qui ont écrit pour les Juifs, l’anti dreyfusard E.Drumont qui a promu l’antisémitisme et son matriçage. Sa voix délétère, dans la France juive, a mis en danger la République qu’il nomme péjorativement la Gueuse. Il la diabolise comme étant un des leviers d’action des Juifs qu’il satanise.

Ainsi cet antisémitisme est à lire à la lumière d’une correspondance entre le rejet violent de la République par les extrêmes d’alors, notamment l’extrême droite, et le rejet des Juifs. Cette correspondance se vérifie à chaque époque de l’histoire moderne. Ce « combat idéologique » pour lutter contre les élus de la République, marionnettes à leurs yeux de puissances occultes (dont la puissance financière juive) ne s’est pas terminé avec l’ « Affaire ». Aujourd’hui Alain Soral reprend presque textuellement l’argumentaire de Drumont et de ceux qui rejetaient la République comme étant l’émanation des Juifs.

Les chassés-croisés avec l’actualité de ces derniers mois ne peuvent qu’entériner cette thèse. En effet, il est symptomatique de voir que l’argumentaire du « néo antisémitisme » que P.A. Taguieff nomme « la nouvelle judéophobie » se polarise sur la République, pour affirmer que la démocratie française est un leurre, une fiction mensongère, qui a pour but de dissimuler la vraie emprise qui est celle de la haute finance juive et de la Franc-maçonnerie. Au fond, certains antisémites d’aujourd’hui furieusement antiparlementaires ne réinventent rien, ils reprennent la vision conspiratrice du monde comme l’avait fait en 1901 le livre « les Protocoles des sages de Sion ». Il est bien question de cette permanence lorsque tweets, affiches et slogans, s’appuyant sur cet imaginaire véhiculé des Juifs, attaquent le président de la République, comme étant l’émanation et l’émissaire des puissances d’argent afin de remettre en cause sa légitimité. D’ailleurs en 45 ans, le discours anti-argent a fait des progrès foudroyants dans notre société et la diabolisation des banques est devenue une sorte de topos de l’identification politique et sociétale. Les banques sont devenues les vrais acteurs de la mondialisation porteuse d’inégalités de tous ordres.

 

En outre, Alexis Lacroix ajoute que cet imaginaire des Juifs est indissociable de l’antisionisme qui prête à Israël et à ceux qui le défendent des intentions maléfiques dignes d’une conspiration. Avec la guerre des Six jours, l’URSS avait pris la tête d’une propagande planétaire de délégitimation de l’État juif. Aujourd’hui se sont des franges entières d’un islamo-progressisme qui tiennent un discours de racialisation de la société et qui véhiculent l’idée qu’Israël est « l’adresse du Mal à l’échelle planétaire ». Cette folie complotiste qui diabolise l’État juif court sur les réseaux sociaux et les politiques notamment d’une certaine Gauche « égarée » n’osent pas exprimer leur soutien à Israël.

Quant à la Droite française, le traumatisme des années sombres a rendu officiellement impossible l’existence de l’antisémitisme dans le discours public. Mais la Droite est porteuse d’une culture politique qui a toujours était ambiguë dans l’histoire de France vis-à-vis des Juifs et d’ Israël. Dans les années Sarkozy, la Droite française n’a pas hésité à aller sur le terrain de l’extrême droite et aujourd’hui on constate un repliement identitaire ressuscitant la Droite des années 30. Loin d’être anodins les imaginaires véhiculés par les antisémites avérés, qui plongent leurs racines dans la longue histoire française, n’épargnent aucune catégorie politique et sociale.

 La continuité entre 1898 et 2018 bien que relative n’en est pas moins réelle.

Ce riche exposé a été suivi de nombreuses questions sur des items divers évoquant la collusion des extrêmes et des populismes, mais également l'urgence de l’enseignement et de l’accompagnement des jeunes, la culpabilité des sociétés après la Shoah, le vote européen, le rôle des journalistes et la liberté d’expression.

 

Alexis Lacroix qui a répondu avec pédagogie et force d’exemples au public attentif a offert une lecture renouvelée de l’antisémitisme sur le long terme. Ses analyses partagées ont permis de mettre en relation tous les facteurs de l’antisémitisme véhiculés bien au-delà des apparences.

Ses propos et ses analyses pertinentes nous ont fait regretter un temps d'échanges trop court...

 

Sylvie Altar

 

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