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Publié le 5 Juillet 2016

#ElieWiesel - Nous pleurons Elie Wiesel, par Michaël de Saint-Cheron

Michaël de Saint-Cheron évoque trente-trois années d'une "amitié rare".

Il fut l'ami, le maître, le compagnon de mon retour au judaïsme

Par Michaël de Saint-Cheron, Philosophe des religions, publié sur les Blogs du Huffington Post le 3 juillet 2016
 
Cette nuit j'apprenais la mort d'Elie Wiesel né en 1928. Il fut mon ami et mon maître de trente-trois ans, maître de la mémoire indicible d'Auschwitz-Birkenau où il fut déporté à 15 ans mais il fut aussi le chantre de la célébration biblique, juive, hassidique, la spiritualité de son enfance autant que le chantre de la fraternité entre les peuples. D'où son prix Nobel de la paix de 1986.
 
Trente-trois années d'une amitié rare avec lui depuis 1983. Il fut l'ami, le maître, le compagnon de mon retour au judaïsme. J'eus la chance d'avoir sa confiance et son amitié et de pouvoir publier sept livres avec et sur lui.
 
Elie Wiesel, c'est un livre, La Nuit, écrit d'abord en yiddish puis en français grâce à sa rencontre providentielle avec François Mauriac qui en écrivit la préface et l'envoya à Jérôme Lindon.
 
Mauriac avait prophétisé ou en tout cas espéré que le succès du livre soit aussi important que celui du Journal d'Anne Franck. Grâce à Opra Winfrey, le livre se vendit soudain en 2006 à 6 millions d'exemplaires même si en France depuis 1958, il n'a pas dépassé les 150.000 exemplaires vendus...
 
Wiesel avait choisi la langue française pour parler, pour écrire surtout, car après les camps où il perdit ses parents et sa petite soeur Tzipora et tant d'autres membres de sa familles et amis, il fut recueilli en France par l'OSE. Il partit en 1956 pour New York. L'accueil par l' organisation juive de secours aux enfants eut une importance capitale dans son retour à la vie.
 
Elie Wiesel eut un destin tout à fait exceptionnel. Sans le bac et sans diplôme universitaire aucun, son oeuvre, son don de la parole, sa rencontre providentielle à New York avec le rav Saul Lieberman, furent ses portes vers une carrière universitaire et universelle qu'il n'aurait jamais faite en France.
 
Quarante livres, professeur à Boston Univerity dès 1976 en Humanities comme disent les anglo-saxons, il fut le premier à être nommé Chairman de la Commission présidentielle de l'Holocauste à Washington sous Carter.
 
Elie Wiesel donna à partir de ces années-là aux victimes de la Shoah le sens de la dignité et leur rendit l'honneur. Pour lui toutes les tragédies, tous les génocides étaient uniques et incomparables.
 
Il courut le monde pour témoigner et dénoncer les génocides, les haines. Il voulut qu'Israël reconnaisse le génocide arménien malgré ses liens avec la Turquie.
 
Mais Elie Wiesel était aussi un chantre de la fraternité entre les peuples. Après son prix Nobel et son amitié avec Mitterrand, Jack Lang réussit à créer pour lui l'Académie universelle des cultures sous la présidence de François Mitterrand en 1992. Celle-ci vécut douze ans puis disparut faute de moyens.
 
Elie était le mystique quand Primo Levi était le scientifique: leur deux regards sur la Shoah et sur l'univers concentrationnaire était complémentaire dans la différence.
 
Un dernier mot. Peu de rescapés d'Auschwitz-Birkenau eurent un parcours comparable à celui d'Elie Wiesel dans les honneurs mais aussi dans l'inimaginable procès qui lui fut fait dans les années 2000. Un juif hongrois mit en doute sa déportation et son témoignage. Les réseaux nationalistes et révisionnistes ont demandé à Wiesel de montrer son tatouage sur le bras gauche. Infamie immonde faite à l'un des témoins les plus nobles de l'extermination du peuple juif... Lire l'intégralité.