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Quelle que soit la mission qui lui est confiée, il met son talent de pédagogue au service des autres, tout en reconnaissant que transmettre « renouvelle ses racines qui lui permettent de se tenir droit »
Juifs alsaciens originaires d’Europe de l’Est, ils respectaient rigoureusement les lois du judaïsme. Gilles Bernheim se souvient par exemple que le jour de shabbat, lui et son frère, scolarisés à l’école publique, allaient en classe, mais restaient les bras croisés pour se conformer aux règles du shabbat qui interdisent d’écrire ou de porter un cartable.
Plus tard, après des études rabbiniques à Paris menées de front avec des études de philosophie, c’est en Israël qu’il rencontre Joëlle, « la femme de sa vie », avec qui il aura quatre enfants, et celui qu’il considère comme son« vrai maître » : le rav Yehiel Landa, un vieil homme discret, originaire de Lituanie, qui « éveille en lui des questions » et l’invite à aller toujours plus loin dans l’étude des grands auteurs du Talmud.
Une heure par jour d’étude du Talmud
Il y aura encore bien d’autres rencontres, lumineuses ou fondatrices, comme celle de malades du sida qu’il a longtemps accompagnés. Depuis, intelligence du cœur et de l’esprit sont devenues pour Gilles Bernheim indissociables. Aujourd’hui encore, malgré un emploi du temps très chargé, il réserve chaque jour près d’une heure à l’étude du Talmud, pour« accueillir la pensée de l’autre » et éviter de « se figer » dans la certitude.
De même, aussi souvent que possible – et même si son épouse, psychanalyste reconnue, l’invite parfois à plus de mesure – il se consacre de 4 heures à 6 heures du matin à l’écriture pour prendre « la patience de la réflexion » qui seule autorise la liberté de pensée.
Enfin, quelle que soit la mission qui lui est confiée – aumônier des étudiants, président de la commission d’éthique médicale au Consistoire de Paris où il a créé le département « Torah et société », rabbin de la synagogue de la Victoire, et depuis 2008 Grand Rabbin de France pour un mandat de sept ans placé sous le signe du rayonnement de la foi juive – il met son talent de pédagogue au service des autres, tout en reconnaissant que transmettre « renouvelle ses racines qui lui permettent de se tenir droit ».
Un homme de dialogue
Engagé dans l’Amitié judéo-chrétienne, proche jusqu’à sa mort du jésuite Paul Beauchamp, ce juif orthodoxe, homme d’ouverture et de dialogue, parle peu de sa relation à Dieu. Question de pudeur. Dieu, confie-t-il, est pour lui « une présence », « un ami avec qui on ne se sent jamais tout seul et avec qui le monde n’est jamais complètement étranger ».
Soucieux d’être compris, et avec la précision qu’il met en toute chose, il ajoute après un temps de silence que ce que Dieu dit à travers la Torah – notamment les 613 commandements bibliques (mitsvot) – lui donne « des repères de comportement, de conduite de vie, de langage », et l’aide à advenir à son humanité. Et que sa foi se définit avant tout comme « une confiance », « une responsabilité ».
Lire Gilles Bernheim
Quarante méditations juives (2011, Stock, 220 p., 18 €).
Au fil de brefs chapitres écrits à la manière des maîtres du hassidisme, Gilles Bernheim parle avec grande humanité et profondeur spirituelle de la mort et de la vieillesse qui l’annonce, s’interroge sur la vie, depuis sa naissance jusqu’au désir de la supprimer, sur l’exclusion qui mène au désespoir. Après avoir ainsi interrogé les grands problèmes de l’existence, il poursuit avec la question de l’amour et de la crainte de Dieu, et s’attarde sur ce qui éloigne, à ses yeux, christianisme et judaïsme.
Le Rabbin et le Cardinal (2007, Stock, 300 p., 19,50 €).
Ce livre retranscrit les échanges entre Gilles Bernheim et le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. Les deux hommes reviennent sur leur itinéraire propre, questionnent le rapport que le judaïsme et le christianisme entretiennent avec Dieu qui s’est révélé à Moïse au travers d’une Loi que juifs et chrétiens n’ont cessé depuis de commenter et d’interpréter. La question de Jésus et les écrits de l’Apôtre Paul sont au centre de ce dialogue.
N’oublions pas de penser la France (2012, Stock, 150 p., 12,50 €).
Le grand rabbin de France répond aux questions de douze intellectuels français venus d’horizons divers et éclaire de son regard de citoyen, de philosophe, de rabbin qui pense son temps à l’aune de la Torah de nombreux sujets sociaux, éthiques, religieux et politiques.