Actualités
|
Publié le 3 Avril 2012

Rencontre avec le nouveau Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim

 

Interview exclusive réalisée par Claire Dana-Picard

Le nouveau Grand Rabbin de Paris a été élu la semaine dernière : il s’agit du Rav Michel Gugenheim, directeur du Séminaire israélite de France et membre du Beth Din. 

En France, on présente Israël comme étant l’agresseur alors qu’il est sur la défensive en permanence et ne fait que riposter aux attaques

M. le Grand Rabbin, toutes nos félicitations. Je suppose que vous n’êtes pas surpris : c’est un aboutissement ?

 

Je ne dirais pas que c’est un aboutissement. Il s’agirait plutôt pour moi de changer quelque peu mes orientations en mettant en synergie les différentes pistes qui avaient jusqu’à présent constitué ma vocation. J’étais d’une part éducateur et enseignant à l’école rabbinique, formateur des rabbins de France, et j’assumais d’autre part les fonctions de rabbin de communauté. J’étais également membre du Beth Din en tant que décisionnaire et dayan. Je souhaiterais maintenant mettre au service du public ces trois vocations réunies en une seule cause.

 

Quelles sont les responsabilités du Grand Rabbin de Paris ?

 

Elles sont multiples. Il doit avant tout assumer la responsabilité de tous les services religieux avec en premier lieu le Beth Din et tous ses départements, comprenant notamment la cacherout. Le grand rabbin de Paris est le président du Beth Din. De nos jours, le Beth Din a acquis un renom international et son label de cacherout est largement reconnu. Mais tout est toujours fragile et le Beth Din est constamment menacé. C’est pourquoi il faut une personne compétente pour gérer ses institutions.

 

À ce propos, certains craignent non pas l’interdiction de la Chehita en France, mais plutôt l’imposition de l’étiquetage qui entraînerait une hausse très forte du prix de la viande cacher : qu’en pensez-vous ?

 

Cette question n’est pas directement liée au Beth Din mais elle fait partie des dossiers que doit suivre le grand rabbin de Paris pour intervenir éventuellement auprès des services publics. Les premiers concernés, d’ailleurs très actifs et très efficaces, sont le grand rabbin de France Gilles Bernheim, le président du Consistoire central Joël Mergui, et le grand rabbin Bruno Fiszon, extrêmement compétent dans ce domaine.

 

Quelles sont vos autres priorités ?

 

L’une des priorités constantes, pour tout rabbin, c’est la jeunesse qui constitue l’avenir de la communauté. Il faut absolument essayer d’atteindre tous les jeunes éloignés de la synagogue. Je pense qu’ils sont aujourd’hui réceptifs à un certain discours s’il est bien mené, bien structuré, et s’il répond à leurs questions et à leur mal-être.

 

On parle beaucoup d’antisémitisme en France. Le ressentez-vous ?

 

On ne le ressentait plus tellement dans la vie courante comme cela était le cas au moment de l’opération « Plomb Durci ». À présent, la tuerie de Toulouse a traumatisé la France.

 

Le judaïsme français vient d’être secoué par les horribles meurtres perpétrés dans l’école Ozar Hatorah de Toulouse. Comment réagissez-vous à cette tuerie atroce ?

 

Sur le plan personnel, j’ai été extrêmement affecté par cette tragédie qui a bouleversé la communauté juive toute entière. Samuel Sandler, qui a perdu son fils et deux petits-fils, est un ami intime. Nous avons grandi tous les deux à la rue Vauquelin (synagogue), son père était un ami de mon père et nous avons souvent passé nos vacances ensemble pendant notre enfance. J’ai assisté à la Bar Mitzva et au mariage de Jonathan Sandler za’l. Quand j’ai appris la terrible nouvelle, j’ai réussi à joindre Samuel alors qu’il était dans l’avion en direction de Toulouse. Je ne pouvais pas m’exprimer publiquement, étant donné que c’est arrivé juste avant mon élection, mais le grand rabbin de France et le président du Consistoire sont montés au créneau et ont réagi. Tout cela est maintenant lié aux élections et la situation est instable. Ce qui est inquiétant, c’est que le tueur a des admirateurs. Il ne s’agit pas d’un « loup solitaire ».

 

Cela ne remet-il pas en cause les liens entre les communautés juive et musulmane ?

 

Non, ces liens sont bons, en général. On ne fait jamais d’amalgame. J’ai eu personnellement d’excellentes relations avec des Musulmans. Mais certains jeunes de cette communauté souffrent de désœuvrement dans les banlieues et sont des cibles privilégiées pour l’endoctrinement. Et tout vient de la guerre que les Palestiniens mènent contre Israël. En France, on présente Israël comme étant l’agresseur alors qu’il est sur la défensive en permanence et ne fait que riposter aux attaques. Personne n’ose le dire, mais j’ai l’intention de m’exprimer à ce sujet si on me questionne et je ne mâcherai pas mes mots.