Jean-Pierre Allali
Éthiques du Judaïsme, par Rabbin Michaël Azoulay*
C’est un petit livre, mais quel souffle ! Depuis quelques années, la science et la médecine accomplissent des progrès gigantesques. Dès lors, le monde change chaque jour sous nos yeux. Les téléphones portables comme les ordinateurs sont de plus en plus en plus sophistiqués. Les robots sont omniprésents et la voiture sans chauffeur pointe le bout de son nez. On en vient même à rêver de l’immortalité ! C’est pourquoi il était important de connaître la position du judaïsme sur les sujets de bioéthique qui ont envahi notre quotidien. C’est désormais chose faite grâce à l’étude du rabbin Michaël Azoulay.
Rabbin de la communauté juive de Neuilly-sur-Seine, Michaël Azoulay est chargé des affaires sociétales auprès du Grand rabbin de France. Depuis 2018, il anime, sur France 2, l’émission « À l’origine-Béréshit ». Il a été membre du Comité Consultatif National d’Éthique et a poursuivi des études de droit à l’université de Nice.
Les problèmes qu’il aborde dans son ouvrage sont précisément ceux qui passionnent actuellement la société : statut de l’embryon, IVG, PMA, GPA, dons d’organes, intelligence artificielle, robotisation, soins palliatifs, euthanasie et même immortalité.
Nos maîtres, nos sages, la Thora, le Talmud, le Mousar, la Halakha, viennent à notre secours pour nous éclairer. Avec, toujours, en toile de fond, des principes immémoriaux : La vie avant tout, tu aimeras ton prochain comme toi-même, ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse, celui qui sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé toute l’humanité. Et, en contrepoint, les interdits de base : inceste, adultère et meurtre.
À propos de l’interruption volontaire de grossesse, l’auteur note que « le texte qui énonce que la vie de la mère prime sur celle du fœtus, seul cas où l’avortement est licite, est d’origine talmudique ». Dès lors, « la majorité des décisionnaires autorise l’avortement sur le fondement de cette michna, même si la mise en danger de la mère provient d’une pathologie non liée à la grossesse ». Par ailleurs, l’embryon est considéré par le judaïsme comme formé après quarante jours.
À propos de la PMA, Michaël Azoulay rappelle ce texte édifiant qui, dans le Talmud, rapporte qu’une femme fut fécondée accidentellement dans une piscine par le sperme d’un homme qui s’y était baigné peu avant elle. Ou encore ce midrach qui raconte que la fille du prophète Jérémie serait tombée enceinte de son père en pareille circonstance.
Longtemps opposé à la procréation médicalement assistée, le judaïsme y est désormais favorable sous certaines conditions, considérant qu’elle permet à de nombreux couples de réaliser le premier commandement biblique. Des organisations juives comme Pouah se chargent même de guider les couples intéressés par la PMA. Néanmoins, il convient de rappeler que « en dépit de l’évolution de nos sociétés vers une définition élargie du couple, le judaïsme ne le conçoit que comme hétérosexuel, formé d’un homme et d’une femme ».
Israël, décidément, nous étonnera toujours. C’est ainsi qu’on apprend que « Alors que jusqu’à présent en Israël, seules les femmes célibataires non pratiquantes devenaient mères en recourant au don de sperme, de plus en plus de femmes orthodoxes accèdent ainsi à leur tour à la maternité avec l’approbation d’autorités rabbiniques reconnues ». Ou encore qu’en Israël la GPA est autorisée sous certaines conditions.
Pour ce qui est des dons d’organes, la halakha les autorise sous conditions. Quant aux xénogreffes provenant d’animaux non cachers, elles sont autorisées puisque l’interdit religieux est exclusivement alimentaire.
À propos de l’intelligence artificielle qui nous renvoie au fameux Golem de Prague , une anecdote : en 2017, l’Arabie Saoudite a accordé sa citoyenneté à un robot humanoïde. L’année précédente, un robot conçu par Microsoft a été débranché pour… antisémitisme !
La question de la fin de vie, des soins palliatifs et de l’euthanasie est examinée sous tous ses aspects. En résumé, l’éthique juive s’oppose tant à l’euthanasie qu’à l’acharnement thérapeutique.
En fin d’ouvrage nous sont proposés un glossaire, la prière médicale de Maïmonide, le serment d’Hippocrate et la déclaration commune judéo-catholique sur le soin des malades en fin de vie.
Plus qu’un livre, un bijou. À consommer sans modération.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions La Maison d’Édition. 2019. 128 pages. 10 €.