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Publié le 13 Janvier 2025

10 ans après – Retour sur la soirée de débats et d’hommage organisée par Charlie Hebdo et le Crif

Dix ans après, Charlie Hebdo et le Crif ont organisé une grande soirée de débats et d'hommage pour retrouver l'esprit de la manifestation du 11 janvier 2015 et réaffirmer un engagement républicain partagé pour la liberté d'expression, contre l'antisémitisme et l'islamisme, pour la laïcité. Plus de 1 500 personnes étaient réunies jeudi 11 janvier 2025 à la Maison de la Mutualité à Paris.

Crédits photos : ©Alain Azria

 

La soirée a débuté par la diffusion d’un film d’hommage aux victimes des attentats de janvier 2015, montrant des archives de journaux télévisés retraçant les journées des 7, 8 et 9 janvier 2015, marquées par les tragiques attentats qui ont frappés la France. Une minute de silence a ensuite été respectée par l’assemblée pour honorer la mémoire des victimes des attentats de janvier 2015. Les visages des victimes étaient projetés sur l’écran.

 

 

Riss a ensuite été appelé au pupitre. Le Directeur de la rédaction de Charlie Hebdo a été longuement applaudi par une assemblée debout.

Riss a ouvert son discours par ces mots : « Au lendemain des attentats de janvier 2015, à Charlie Hebdo, il nous avait semblé capital de ne pas laisser les victimes seules, livrées à elles-mêmes parce que les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 ne faisaient qu’un. L’unité était la meilleure réponse à opposer aux terroristes et à leurs admirateurs qui rêvaient de voir la société française se diviser et se déliter en une multitude de groupes qui s’ignorent et se tournent le dos. […] Ces années ont permis aux victimes de mieux se connaître et de s’écouter […]. Aujourd’hui, certains nous feraient presque le reproche d’être ici, ensemble réuni. » « Cette soirée est là pour leur répondre qu’ils ont tort. On ne trie pas les victimes, celles qui vous arrangent et celles qui vous dérangent, celles qu’on met en avant quand elles vous permettent de valoriser son idéologie et les autres qu’on écarte. »

 

 

Le Directeur de la rédaction de Charlie Hebdo a rappelé avec force qu’« il existe un intérêt général qui repose sur un pacte, un contrat social qui doit être respecté par tous pour que chacun, à son tour, puisse être respecté lui-même ». Il est nécessaire de prendre conscience de « ce qui nous rassemble ».

Il a ajouté ensuite : « La lutte contre le racisme est prise en otage par des stratégies électoralistes cyniques, le combat contre l’antisémitisme n’est plus une évidence pour tous, la laïcité est devenue suspecte, la liberté des enseignants de transmettre des connaissances établies est contestée par la violence, et la liberté d’expression est jugée trop grande et mériterait d’être restreinte. Ce sont là les symptômes d’une société qui doute d’elle-même, qui vacille sur ses fondements. Et quand le doute se transforme en peur alors toutes les catastrophes deviennent possibles, car la peur est l’arme des terroristes islamistes, comme de tous les autres ».

Riss a conclu son discours avec ces mots forts : « dix ans après, Charlie Hebdo est toujours là et les victimes demeurent unies et solidaires. Il est donc possible de tenir en échec le terrorisme et le totalitarisme. Cela ne dépend que de notre volonté ».

 

 

 

Le Président du Crif a ensuite pris la parole. Yonathan Arfi a ouvert son discours par ces mots : « Je suis Charlie. Je suis policier. Je suis juif ». Voilà les mots inscrits sur les pancartes de manifestants parmi les millions de Français descendus dans la rue le 11 janvier 2015 après les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper Cacher. »

Le Président du Crif a rappelé avec force ce qui unit « Charlie Hebdo et les Juifs de France. Qui imaginait cet attelage, avant que des terroristes, – gorgés de haine de la liberté, des Juifs, des apostats, des femmes, de la France… – choisissent d’unir par les liens du sang les caricaturistes d’un journal satirique jovial et rebelle et les paisibles clients d’un supermarché cacher ?

Certains pourraient penser naïvement que cette communauté de destin est uniquement le produit de la tragédie de janvier 2015. Qu’il s’agirait seulement d’une solidarité des éprouvés, née d’une association funeste opérée par l’idéologie islamiste.

Mais non ! Notre solidarité ne doit rien aux terroristes et tout à la République car nos valeurs partagées ne datent pas de 2015.

Chers amis, les Juifs de France sont Charlie par essence, et non par accident.
Comme Charlie Hebdo est engagé contre l’antisémitisme ou le racisme, par essence, et non par accident.

 

 

 

 

Le Président du Crif a conclu son discours par ces mots : « Chers amis, ce soir, en nous réunissant autour du Crif et de Charlie Hebdo, nous lançons le plus grand défi aux antisémites, aux islamistes, aux racistes, aux complotistes, aux intégristes, aux fanatiques, aux platistes et, comme le dit si bien Charlie aux cons de tous bords.

Que le souvenir des victimes des attentats de janvier 2015 éclaire nos pas.

Longue vie à Charlie Hebdo, longue vie aux Juifs de France et surtout vive la République ! »

 

Vous pouvez retrouver le discours de Yonathan Arfi dans son intégralité, en cliquant ici

 

Une vidéo « Charlie Hebdo en 50 Unes » a ensuite été diffusée à l’ensemble de l’assemblée. De nombreux éclats de rires se sont fait entendre dans la salle.

 

La première table-ronde de cette grande soirée de débats et d’hommage s’est ensuite ouverte sur le thème « Qui veut la peau de la liberté d’expression ? », en présence de François Zimeray, avocat, ancien député et diplomate, Sophia Aram, humoriste, Xavier Gorce, dessinateur de presse et illustrateur, Caroline Fourest, éditorialiste, scénariste et réalisatrice, et directrice de Franc-Tireur. Cette table-ronde était animée par Étienne Gernelle, Directeur du Point.

À la question d’Étienne Gernelle sur la liberté d’expression, Sophia Aram a notamment rappelé que « les idiots utiles de l’islamisme essaient de nous faire taire » mais « nous sommes là ». Caroline Fourest a quant à elle rappelé que la « liberté d’expression est en vie » ; « le fait de savoir que Charlie Hebdo paraît toujours » en est l’un des signes. « Il faut endurer le renversement du monde […] les pacifistes sont les agresseurs, ceux qui osent se battre contre l’antisémitisme sont des nazis. »

Xavier Gorce a rappelé que la « liberté d’expression tient beaucoup au courage de tous les responsables, de presse, de salles de spectacles ou encore d’université qui doivent résister devant les pressions » pour que la masse informe qui tendent à empêcher la liberté d’expression de s’exprimer ne gagnent pas.

François Zimeray, avocat de Boualem Sansal a redit combien l’écrivain était « l’otage et le bouc-émissaire d’une relation diplomatique entre la France et l’Algérie qui est très dégradée ». La mobilisation pour Boualem Sansal doit prendre sa vraie mesure ; « c’est une cause universelle ». « La mobilisation [pour Boualem Sansal] aura pris sa vraie mesure dès lors que la mobilisation sera internationale. »

 

 

Un extrait du nouveau podcast « Hyper Cacher, 10 ans après » a ensuite été diffusé à l’assemblée. Cette série de témoignages donne la parole aux otages, mais aussi à leur famille et aux professionnels qui leur ont porté secours.

Retrouvez le podcast sur Spotify, Deezer, Apple Podcast et Amazon Music.

 

 

La deuxième table-ronde « Antisémitisme : chronique d’une haine ordinaire » s’est ensuite ouverte en présence d’Émilie Frèche, auteure et réalisatrice, Patrick Klugman, avocat et Iannis Roder, historien. Cette table-ronde était animée par Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie Hebdo. Gérard Biard a introduit cette table-ronde en rappelant le « déni sur la nature » des crimes antisémites. « Beaucoup de gens veulent que ce soit autre chose que de l’antisémitisme. » « Le 7-Octobre 2023 je suis restée pétrifié […] par ce qu’il s’est passé juste après » avec la montée des agressions antisémites et la minimisation des viols sur les femmes juives par les mouvements féministes.

Iannis Roder a parlé de l’antisémitisme à l’école, en rappelant qu’il n’était pas nouveau et que dès 2002 il avait dénoncé la montée de l’antisémitisme à l’école dans l’ouvrage Les territoires perdus de la République (Éd. Fayard, 2002).

Émilie Frèche a rappelé l’importance d’utiliser l’humour pour faire réagir face aux préjugés antisémites. « Les ennemis des Juifs sont toujours les ennemis de la liberté. »

Patrick Klugman est quant à lui revenu notamment sur le procès des attentats de janvier 2015. Il a rappelé avec force que « dans chaque affaire où l’antisémitisme était central, on s’est à chaque fois retrouvé face à un débat poisseux pour savoir si c’était bien antisémite ». 

 

 

Une nouvelle table-ronde s’est ensuite ouverte sur le thème « La jeunesse face à l’héritage de janvier 2015 », en présence de Martin Lom, Président de Génération Charlie et Yossef Murciano, Président de l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF). Gérard Biard a interrogé Yossef Murciano sur la possibilité de « faire sereinement ses études à l’université quand on est juif ». Le Président de l’UEJF a répondu positivement à condition que « l’université, les étudiants, les professeurs, […] décident de prendre le sujet de l’antisémitisme à bras le corps et décident de ne rien laissé passer ».

Martin Lom a notamment présenté l’association Génération Charlie qui organisent notamment des rencontres entre les étudiants et les journalistes de Charlie Hebdo dans les universités. Il y a une grande « méconnaissance de ce qu’est le journal ». La rédaction est donc allée à la rencontre des jeunes.

 

Une vidéo de la marche du 11 janvier 2015 a ensuite été diffusée, rappelant l’ampleur et l’ambiance de cette mobilisation.

 

 

 

La dernière table-ronde sur le thème « Nous sommes la République ! » s’est ensuite ouverte avec Dominique Reynié, Directeur général de la Fondapol, Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste et Richard Malka, avocat. Cette table-ronde était animée par Étienne Gernelle.

Cynthia Fleury a rappelé que tout le monde pouvait noter un « sentiment de brutalisme », c’est-à-dire qu’il y a un « appauvrissement de la qualité délibérative des sphères publiques, de nos régimes d’attention, et un appauvrissement voire un affaiblissement d’un éthos commun autour des valeurs. Nous ne sommes pas dans un moment de grande incorporation des valeurs ». Elle a rappelé également la nécessité de distinguer « la complexité de l’individu » et « l’expression collective ».

Richard Malka a quant à lui rappelé que « chaque génération apporte sa version du Mal et cela mute en permanence. » Le Mal s’appelle aujourd’hui « le respect » et interdit ainsi le blasphème par exemple.

Dominique Reynié a redit avec force les chiffres des attentats islamistes. « Je suis effaré de trouver de la solitude dans le monde de la recherche en sciences sociales. « Nous sommes vide de pensée. Nous avons des convictions individuelles mais nous n’avons pas de pensée commune […] nous n’avons plus le concept de la liberté comme ce qui fait notre existence. » « Nous sommes convaincus collectivement que le monde familier va revenir et que le monde ordinaire va revenir. […] Si on ne compte que sur l’État pour faire vivre nos valeurs, alors il est déjà en crise. » L’État finance par exemple les partis politiques dont des partis composés d’élus antisémites. Pourquoi ne perdent-ils par leur financement, interroge Dominique Reynié.

Il rappelle également avec force qu’il n’y a jamais eu autant d’antisémitisme en France, « non seulement un antisémitisme de préjugés mais également un antisémitisme d’assassins ! ».

Richard Malka a conclu cette table-ronde en rappelant combien il y avait une avancée de l’obscurantisme et une attaque des Lumières. Il a conclu sur une note d’espoir en rappelant combien il était nécessaire « dix ans après les attentats, nous devons nous battre » pour conserver nos droits fondamentaux. Comme l’a dit Riss, « dix ans après, on est là, on est increvable ».

 

Étienne Gernelle a ensuite appelé Riss et Yonathan Arfi à monter sur scène pour conclure cette grande soirée de débats et d’hommage. Le Président du Crif a rappelé que nous avons commencé cette année 2025 sur un « temps sombre », celui de la commémoration des attentats de janvier 2025 mais le 9 décembre 2025, nous fêterons les 120 ans de la laïcité en France ; l’occasion sur ce qu’est être Français et vivre ensemble, avec nos différences.

Riss a dit combien il ne voulait pas se résoudre au pessimisme. L’optimisme fait vivre et rend combattif ; l’optimisme nous oblige et nous permet de nous lever pour combattre.

 

 

Vous pouvez revivre cette soirée en images, en cliquant ici.

 

Vous pouvez revoir cette cérémonie en intégralité :

 

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