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Publié le 30 Septembre 2022

Actu - Hommage : 80ème anniversaire des déportations du Camp des Milles vers Auschwitz

La cérémonie du 80ème anniversaire des déportations du Camp des Milles vers Auschwitz s'est déroulée le 22 septembre dernier. Plus de deux cents personnalités et citoyens se sont rassemblés pour une cérémonie inédite face au Wagon du souvenir. Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation s'est exprimé et une nouvelle exposition, remise par Serge Klarsfeld au camp des Milles sur les rafles et déportations de la zone libre, a été présentée.

« Cultivons la mémoire pour la vie »

UNE HISTOIRE FRANÇAISE

À l’été 1942, sous l’autorité de Pétain, des rafles avaient lieu en zone dite « libre » avant même l’arrivée des allemands. Elles faisaient suite à celles de la zone occupée, en particulier celle du Vel d’Hiv à Paris les 16 et 17 juillet 1942.

Entre août et septembre 1942, près de deux mille personnes juives, y compris une centaine d’enfants, ont été déportées par 5 convois depuis le camp des Milles vers Auschwitz, via Drancy.

« Lorsque les convois partaient de cette plateforme située derrière moi, ce sont des autorités représentantes de l’État français qui poussaient les femmes, hommes et enfants vers leur mort », a rappelé publiquement Piotr Setkiewicz, directeur de recherche du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau, qui intervenait en duplex, au début de la cérémonie. Et d’ajouter : « Au total, sur les 42 000 Juifs déportés de France vers l'Est durant ces quelques mois, un tiers provient de camps de la zone non occupée ».

« Ce terrible anniversaire, s’il est celui des déportations du camp des Milles, est aussi celui de toutes les familles raflées sous l’autorité du régime de Vichy, depuis la zone libre.

 

RENDRE UN VISAGE

Pour la première fois, les noms retrouvés des 1 933 enfants, femmes et hommes déportés depuis le camp des Milles à l’été 1942 ont été rappelés. « Rendre un visage, oui, car il ne faut pas laisser s’effacer le souvenir de ces milliers d’hommes, femmes et enfants qui partent des Milles par 5 convois vers leur mort, à Auschwitz. Toutes ces personnes ont chacune des trajectoires particulières, ont chacune eu des vies particulières », a souligné Piotr Setkiewicz.

La lecture a commencé mercredi 21 septembre au Site-mémorial du Camp des Milles. Les noms des déportés des convois du 11 août et du 13 août ont été lus par des jeunes en visite au Site-mémorial : Epide (Établissement pour l'insertion dans l'emploi), volontaires du SNU (Service national universel), mais aussi ceux de l’E2C (Ecole de la deuxième chance) de Moulins-Avermes (Allier), du collège Sainte-Marie-Blancarde de Marseille et de l’école Le Souvenir Français d’Eyguieres. Des cheminots du CASI (Comité des activités sociales et culturelles interentreprises) de la SNCF ont aussi participé à la lecture.

Ce jeudi 22 septembre, lors d’une cérémonie inédite, emprunte de gravité et de sensibilité, les noms des déportés des 3 convois du 23 août, du 2 septembre et des 10-11 septembre ont été lus par le Préfet de région, des élus et 84 autres personnalités civiles, militaires et religieuses, représentants associatifs et anciens combattants, bénévoles, mais aussi par de simples citoyens, et des salariés de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Education. 

Six bougies ont été allumées au fil de la cérémonie par des jeunes du Lycée militaire notamment pour représenter les 5 convois. La 6e était un hommage aux Justes ayant œuvré pour les internés du camp des Milles.
Et dans un moment de grande émotion, fut interprété à l’alto le « Kaddish » de Ravel.

 

DES TÉMOIGNAGES

« Dans ma mémoire il reste toujours des wagons avec les gens qu’on avait jetés presque à l’intérieur, parce qu’ils ne pouvaient pas monter. Pour les personnes plus âgées, les wagons, il n’y a pas d’escaliers, il n’y avait pas de marche, rien du tout, il fallait les hisser là-dedans ». Ce témoignage d’Eva Cayre, lu par Frédérique Camilleri, Préfète de Police, a alors tout son sens devant le Wagon installé sur les lieux même du départ pour la déportation.

« Après des décennies de silence, j’ai commencé à faire mon devoir de mémoire. Ce n’est pas tellement pour rappeler ce que j’ai souffert, ce que j’ai subi, c’est surtout pour sensibiliser les jeunes et les moins jeunes à ce qui s’est passé à cette époque pour éviter que cela recommence. Car des discours de haine, des discours infects ont réussi à désigner de pauvres gens, parce que nés juifs, comme des boucs émissaires. Je pense que nous, survivants, nous sommes redevables aux millions de morts. Et je pense qu’il est du devoir de chacun de ne pas laisser germer les pensées et idéologies infectes que sont l’antisémitisme, la xénophobie, la haine de l’autre. Il faut que les jeunes aujourd’hui respectent l’autre », a exhorté Herbert Traube, déporté des Milles par le convoi du 10-11 septembre 1942 et évadé avant de rejoindre la résistance.

D’autres textes de grands témoins ont aussi été lus, en particulier celui du Pasteur Manen, Juste parmi les Nations : « Des enfants tout petits, trébuchant de fatigue dans la nuit et dans le froid, pleurant de faim… de pauvres petits bonhommes de 5 ou 6 ans essayant de porter vaillamment un balluchon à leur taille, puis tombant de sommeil et roulant par terre, eux et leurs paquets tout grelottant sous la rosée de nuit ; de jeunes pères et mères pleurant silencieusement et longuement dans la constatation de leur impuissance devant la souffrance de leurs enfants ; puis l’ordre de départ fut donné pour quitter la cour et partir au train. »

 

« L’OUBLI PEUT ETRE MEURTRIER »

Cette cérémonie fut l’occasion de rappeler que les hommages doivent être un trait d’union entre le passé et le présent.

« Les fondamentaux ayant conduit à cette tragédie de l’Histoire sont malheureusement encore trop vivants aujourd’hui, à l’heure de la progression des extrémismes, du retour aux replis identitaires, de la diffusion des discours de haine et d’exclusion, amplifiés par l’usage des réseaux sociaux, du complotisme, du négationnisme et du retour de la guerre en Europe. Notre devoir en tant que parents, enseignants, agents de l’Etat, citoyens de la patrie des droits de l’Homme est de les combattre sans relâche. Pour que jamais l’histoire ne se reproduise. Nous le devons à nos enfants, et à nos concitoyens », a souligné le Préfet Christophe Mirmand. Et d’ajouter « L’oubli peut être meurtrier. Le Site-mémorial du camp des Milles, lieu de mémoire et d’éducation exceptionnel et exemplaire, nous offre une véritable leçon d’histoire à l’heure où celle-ci est souvent déformée, dévoyée, ce qui permet de nous mettre face aux erreurs du passé et à nos responsabilités d’aujourd’hui. Sans relâche, chaque jour, nous devons lutter contre l’ignorance et les falsifications de l’histoire par lesquelles commencent toutes les dérives dangereuses ».

« Nous sommes ici rassemblés pour faire revivre les noms et pour allumer des bougies du souvenir mais aussi de l’espoir », a rappelé Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles. « Car l’histoire enseigne aussi le courage et l’efficacité des résistances pour que ne soient plus fauchées tant de richesses humaines et que ne soient plus interdits tant d’avenirs pleins de promesses.

C’est la possibilité d’aimer demain que chacun de nous peut préserver en sacrifiant aujourd’hui un peu de son quotidien pour s’engager, pour contribuer à éviter le retour de telles souffrances, pour éviter que disparaisse à nouveau l’humain en l’homme.

Puisse ce 80ème anniversaire être pour nous tous un nouveau point d’appui pour permettre à chacun d’agir ou de réagir à temps face aux engrenages extrémistes, antisémites et racistes, qui sont à nouveau enclenchés, et auxquels nous nous habituons déjà trop.

Puissions-nous enfin ne jamais oublier cette alerte de l’expérience collective face aux processus dangereux : il est si tôt trop tard !

Le bleu du ciel et le regard des enfants méritent tellement notre engagement ! » a-t-il conclu.

 

Quelques images de la cérémonie 

Copie-de-2022-09-22-Christophe-Mirmand-Pr-fet-de-r-gion-PACA-Pr-fet-des-Bouches-du-Rh-ne

Le Préfet Christophe Mirmand

Copie-de-2022-09-22-Herbert-Traube-intern-au-camp-des-Milles-vad-et-r-sistant

Herbert Traube, déporté des Milles par le convoi du 10-11 septembre 1942 et évadé avant de rejoindre la résistance

Copie-de-2022-09-22-Herbert-Taube-et-le-Pr-fet-Mirmand

Herbert Traube et le Préfet Christophe Mirmand