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Publié le 6 Mai 2025

Études du Crif – Article d'Emmanuel Debono : Ce que l’invective « sionistes » veut dire

Depuis plusieurs décennies, le mot « sioniste » ne désigne plus seulement un courant politique ou un projet national juif. Il est devenu, dans de nombreux contextes, une invective, une insulte, un stigmate. En retraçant l’évolution historique et idéologique de ce terme, l’historien Emmanuel Debono montre comment l’antisionisme s’est constitué, au fil du XXe siècle, en vecteur majeur d’une haine polymorphe et mondialisée à l’encontre des Juifs. À la lumière des événements récents et des résurgences violentes de l’antisémitisme, ce texte propose une analyse rigoureuse et documentée de ce glissement sémantique et politique.

Crédit photo : ©Stéphane Vaquero 

 

Être « antisioniste » à la fin du XIXe siècle, au moment où se développe le mouvement sioniste, c’est se montrer réfractaire au projet d’installation d’un foyer national juif en Palestine. De nos jours, le mot exprime le refus d’une réalité humaine et territoriale, plus de 75 ans après la fondation effective de l’État d’Israël. Autant dire que sa signification a profondément évolué, même si, dans le contexte de la guerre Israël-Hamas, la propagande anti-israélienne a intérêt à entretenir la thèse d’une continuité pour renforcer le procès en illégitimité de l’État hébreu.

Aujourd’hui, tous ceux qui se déclarent « antisionistes » n’ont pas pour unique souhait la disparition pure et simple d’Israël, mais tous voient dans le sionisme une idéologie coloniale, raciste et belligène. Ainsi, en un peu plus d’un siècle, le terme « sioniste », qui renvoyait à ses débuts à un rêve d’émancipation, s’est chargé d’un sens criminogène et se trouve désormais utilisé comme une injure. Il permet de diaboliser les Juifs, où qu’ils se trouvent et quel que soit le regard qu’ils portent individuellement sur la situation au Proche-Orient, libérant à leur encontre, au nom de la justice et de l’antiracisme, une haine féroce qui se traduit en agressions verbales et physiques. L’injure sert par ailleurs à stigmatiser plus largement tous ceux qui défendent Israël ou témoignent de la compassion à l’égard des victimes du Hamas du 7-Octobre.

Cette dégradation du sens ne date pas de la guerre entreprise, au lendemain du 7 octobre 2023, par le gouvernement Netanyahou contre des mouvements terroristes qui ont juré la destruction de la nation israélienne. Elle s’inscrit dans une temporalité plus longue qui voit, tout au long du XXe siècle, l’antisémitisme s’orienter vers la dénonciation radicale, aux accents purificateurs et éradicateurs, d’un État, de ce que celui-ci symbolise et de tout ce qui peut lui être associé.

Ce texte donne un aperçu, en forme de synthèse et dans un cheminement libre [1], de cette histoire au temps long des ramifications multiples d’une obsession qui a dévoyé une idée pour banaliser et répandre la haine.

 

« Le rétablissement de la santé »

L’idée d’attribuer aux Juifs un foyer national en Palestine ne germe pas, à la fin du XIXe siècle, dans des esprits pétris de thèses racistes ou suprémacistes, mais dans des cercles de Juifs d’Europe centrale et orientale, désireux d’engager face aux discriminations et aux pogroms un mouvement de préservation de l’identité juive, d’émancipation et de libération nationale. Évoquant cet idéal animant une minorité de jeunes juifs en proie à l’antisémitisme renaissant, le médecin Max Nordau, figure majeure du sionisme politique [2], définira plus tard le sionisme comme ancré dans « le sens invariable des idéaux historiques juifs », à savoir « la justice, la fraternité, la charité et la science » [3]. Ces jeunes juifs, ajoutera-t-il, acceptaient l’idée de nationalité « sans toutefois ses folles exagérations chauvines et ses extravagances criminelles ». Quelques années plus tard, Albert Einstein, tout en se montrant critique à l’égard du « mot odieux » de « nationalisme », définira ainsi les contours du sionisme : « c’est un nationalisme qui n’a pas pour objectif la puissance, mais la dignité et le rétablissement de la santé » [4].

De fait, l’essai Der Judenstaat (1896) du journaliste autrichien Theodor Herzl (1860-1904) ne se confond pas avec l’un de ces ouvrages, parus à la même époque, à la gloire de la conquête coloniale et excipant à ce sujet le « droit d’une race supérieure ». Toute considération raciste est absente de ce qui se veut une réponse politique à une longue histoire de souffrances.

Pour autant, le projet sioniste suscite débats et oppositions. C’est le propre d’une entreprise territoriale qui attise les tensions, dans un contexte où s’affirment les nationalismes, nationalisme arabe compris. Elle s’attire la contradiction de nombreux Juifs assimilés qui contestent la perspective d’avoir à se constituer en nation distincte pour vaincre l’antisémitisme ou qui entrevoient, dans cette forme d’organisation, la source de nouvelles persécutions. Cette absence d’unanimité n’effraie pas Theodor Herzl : « Si maintenant les Juifs français, en totalité ou en partie, protestent contre le projet, parce que, soi-disant, ils seraient déjà « assimilés », eh bien ! ma réponse est simple : la chose ne les regarde pas » [5]. Le sionisme n’est ainsi qu’une option, séduisante pour les uns, fantaisiste ou dérangeante pour les autres. L’appréhender comme un projet totalitaire ou une pensée hégémonique comparable à l’image de certaines idéologies contemporaines, n’a guère de sens.

Les critiques et attaques deviennent plus âpres au fur et à mesure que le mouvement se développe et reçoit des gages, notamment des Britanniques avec la Déclaration Balfour de 1917. Il y a principalement la critique selon laquelle l’implantation d’un foyer juif national viendrait détruire des sociétés locales. Il est un fait qu’une population arabe habite et cultive depuis des siècles cette terre, ce que la littérature sioniste considère peu [6]. En France, le sionisme est condamné au nom du principe des nationalités, comme le fait le Père Jalabert, jésuite et archéologue, pour qui « le respect des droits de tous s’oppose […] à la création à Jérusalem d’un État sioniste » : « Les Juifs auront en Terre sainte, les mêmes droits politiques et religieux que les adeptes des autres cultes, mais ils n’auront aucun droit de les dominer » [7].

L’hostilité se lit aussi dans des titres de la presse catholique et/ou antisémite, tels que La Croix, L’Intransigeant ou La Libre Parole. On la rencontre encore chez les communistes, dont la doctrine internationaliste se heurte aux revendications nationales. Le directeur de L’Humanité et député Marcel Cachin considère ainsi le sionisme comme « une construction artificielle », « un monument d’hypocrisie », un instrument de domination de l’impérialisme britannique [8].

En Palestine mandataire, l’entreprise sioniste, qui s’appuie sur le rachat de terres et l’installation de colons, provoque des tensions. Elles sont exacerbées par l’action de chefs arabes et d’organisations islamiques, à commencer par celle des Frères musulmans, fondée en 1928 par Hassan el-Banna en Égypte, qui prend une part active, les années suivantes, à la fomentation d’une agitation antijuive dans le monde musulman. Au cours des massacres d’Hébron du mois d’août 1929, 133 Juifs sont assassinés par les Arabes [9]. Les violences commises, d’une barbarie inouïe, témoignent de la force de la haine qui s’exprime à l’égard des ambitions territoriales juives dans la région [10]

 

Du débat à la propagande de fond

En France, dans les années 1930, des groupuscules se réclament du sionisme ou du « territorialisme » [11]. Intéressant peu la société française [12], la question est surtout discutée dans des milieux militants. Elle n’épargne pas, par exemple, la Ligue internationale contre l’antisémitisme (Lica, actuelle Licra) [13] qui illustre par ses débats internes certaines nuances d’approches. Dans cette association fondée en 1927, qui rassemble Juifs et non Juifs, Français ou étrangers, chacun se positionne librement. Membre du comité central, l’écrivain Pierre Créange soutient au début des années 1930 le principe de donner une patrie aux Juifs « qui n’en ont plus ou sont menacés de la perdre » [14]. Pierre Paraf, également cadre dirigeant, plaide quant à lui pour l’assimilation, afin que les Juifs ne soient plus les « damnés de la terre » [15]. Certains s’opposent au sionisme en lequel ils perçoivent un « nationalisme juif qui ne vaut pas mieux que les autres » [16]. D’autres portent un regard critique sur certaines dérives, comme le fait alors Lazare Rachline, cofondateur de la Lica et membre de son comité central, qui parle, en référence à l’action de Vladimir Jabotinsky, d’une « fureur criminelle de certains sionistes sionisants » [17]. Bernard Lecache, président de la Lica, cultive pour sa part la neutralité, affirmant qu’il n’est « pas sioniste mais Juif élevé dans les idées de liberté », se déclarant « pour la libre émigration des Juifs partout où cette libre émigration est possible ou souhaitable » [18]. Cette position d’ouverture [19] et de neutralité sera celle de la Lica, et, avec elle, le mot d’ordre de « rapprochement judéo-musulman » [20].

À l’extrême droite, il arrive que le terme « sioniste » soit utilisé comme synonyme de « juif ». La Nouvelle voix d’Alsace et de la Lorraine, journal antisémite qui paraît à Strasbourg, affirme en septembre 1937 que Lecache est soutenu par le « sionisme américain » [21]. Une publication du même type, Le Rappel, qualifie le président de la Lica d’ « Ukrainien sioniste »… [22] Il n’est évidemment ni l’un ni l’autre.

La Lica se trouve par ailleurs confrontée à une hostilité extérieure en raison de cette neutralité. À l’automne 1936, alors que sa direction s’efforce de tisser des liens avec l’Étoile nord-africaine (ENA) [23] afin de combattre le racisme et l’antisémitisme en Algérie, elle se heurte aux réticences de son leader Messali Hadj, père du nationalisme algérien : « nous avons constaté qu’il y a parmi l’élément juif des aveugles qui ne veulent pas voir la réalité en face et qui suivent le chemin qui est contraire à l’entente indispensable entre Arabes et Juifs. Car nous tenons à vous réaffirmer [sic] que nous ne pouvons jamais accepté [sic] comme base le foyer juif de Palestine, car le sionisme n’est qu’une forme de racisme et d’impérialisme autant que celui de Hitler ou de Mussolini. [24] » Alors que débute en Palestine la Grande révolte arabe, l’attitude de l’ENA démontre que la neutralité ne suffit pas : « nous sommes près à collaborer [sic] avec la Lica si elle se désolidarise du Sionisme mais nous vous disons que nous ne pouvons collaboré [sic] avec des sionistes » [25].

Il faut rattacher cette réaction à la vague antisioniste qui parcourt alors le monde arabe, et dont attestent les sources policières, comme à Tunis par exemple, où un commissaire spécial constate le 20 février 1936 que les milieux nationalistes tunisiens « sont influencés par la propagande antisioniste qui s’exerce dans les pays d’Orient, particulièrement en Palestine » [26]. En juin de la même année, c’est la section égyptienne de la Lica qui rapporte qu’ « une grande propagande est menée contre les Juifs en général, sous prétexte de la question [sioniste] [27] ». La propagande arabe antisioniste circule en Afrique du Nord, aiguillonnée par certains relais européens qui excitent à la haine et à l’amalgame, comme le fait Le Républicain, journal du député de Constantine Émile Morinaud, dans son édition du 11 août 1938 : « Arabes tués, trois fois plus que des Juifs. Pourquoi ? Parce que les gros Juifs du monde entier approvisionnent les Juifs de Palestine [28], d’armes perfectionnées, tandis que les Arabes n’ont guère, pour se défendre, que des bâtons, pierres et armes ordinaires ».

En août 1938, en Algérie, dans son journal Ech Chihab, Abdelhamid Ben Badis attaque violemment les Juifs qu’il taxe d’ingratitude à l’égard des musulmans qui « leur ont toujours offert asile dans leur pays ». L’influent cheikh dénonce l’alliance du « colonialisme brutal anglais » et du « sionisme cupide » ; ce dernier aurait fait naître chez les Juifs « une ambition aveugle qui leur fait oublier tous les bienfaits des musulmans et les lance à l’assaut de la Palestine pacifique et des Lieux Saints ». Défendre la Terre sainte, conclut-il, est un devoir pour tous les musulmans.

Le monde arabe est donc travaillé assez tôt par un courant idéologique profondément hostile au projet de foyer national juif en Palestine. Des extrémistes des deux camps s’affrontent dans une région en proie à une actualité sanglante. La propagande campe « le Juif » sous les traits d’un ennemi héréditaire des musulmans, ce qu’exploite activement la propagande nazie en lien avec le grand mufti de Jérusalem, Mohammed Amin al-Husseini, qui joue un rôle central dans la lutte violente contre le sionisme. Il faut souligner la précocité de cette alliance entre le nazisme et l’islamisme, constatée par un militant de la section cairote de la Lica, qui note en mars 1935 que « les tendances antisionistes de l’élément indigène […] sont exploitées et développées tous les jours, depuis deux ans, dans la presse arabe, par des allégations mensongères contre les Juifs de Palestine ». Cette propagande, dont il faut éviter de généraliser la portée [29], se renforce dans le monde arabo-musulman avec la Seconde Guerre mondiale ; elle marquera ultérieurement le panarabisme, convergeant avec une autre source d’antisionisme en provenance du monde soviétique.

 

La matrice soviétique

Après avoir soutenu la création de l’État hébreu par le vote du 29 novembre 1947 en faveur du plan de partage de l’Organisation des Nations unies (ONU) et aidé militairement Israël, l’URSS opère une volte-face quand le jeune État se rapproche des États-Unis. Dans le contexte de la guerre froide, le pouvoir soviétique lance une campagne antisémite qui assimile le sionisme à une idéologie impérialiste et colonialiste, relayée par les pays socialistes. Si l’antisémitisme à l’intérieur du territoire soviétique avait déjà été instrumentalisé par le pouvoir stalinien dans les années 1930, le mouvement s’intensifie à la fin des années 1940. Le sentiment pro-Israël qui anime les Juifs soviétiques pèse dans la mise en place d’une discrimination d’État. Une répression s’abat sur les intellectuels et les artistes, qualifiés de « cosmopolites » et d’ « antipatriotes », qui se voient démis ou interdits des postes à responsabilité.

En Tchécoslovaquie, en novembre 1952, une purge est conduite sous la forme d’un procès, qui permet l’élimination des cadres du Parti communiste tchécoslovaque autour de son secrétaire général, Rudolf Slánský. Artur London, l’un des quatorze accusés, relatera par la suite dans L’Aveu, son expérience : « Quand je cite deux ou trois noms, s’il en est un qui “sonne juif”, on ne transcrira que celui-là. Ce système de la répétition […] finira par donner l’impression voulue, à savoir que l’accusé n’était en contact qu’avec des Juifs. […] D’autant qu’il n’est jamais question de Juifs. [On] va me demander crûment de préciser pour chacun des noms qui vont surgir dans l’interrogatoire s’il s’agit ou non d’un Juif. Mais chaque fois, le référent dans sa transcription remplace la désignation de juif par celle de sioniste » [30]

L’ « affaire des médecins » ou « complot des blouses blanches », qui débute en janvier 1953 en URSS, constitue un autre pic de cet antisémitisme d’État. Cette machination du NKVD vise cette fois des médecins soviétiques, en majorité juifs, qui se voient accusés d’avoir assassiné des dirigeants soviétiques et fomenté un complot pour en éliminer d’autres encore. La Pravda dénonce un « complot de bourgeois sionistes ». Dans son réquisitoire, le ministère public accuse : « Cosmopolitisme et nationalisme juif-bourgeois sont les deux aspects du même jeton et il s’agit d’un mauvais jeton. L’édification du socialisme est contraire aux intérêts de leur classe » [31]. Les partis communistes des pays occidentaux se conforment à cette rhétorique. En France, le quotidien communiste Ce soir dénonce les « sionistes trotskistes », « Israël, le sionisme, le nationalisme bourgeois et le racisme juif » [32] mais aussi le « cosmopolitisme » [33].

Le rapprochement d’Israël et des États-Unis est une aubaine pour le monde communiste. Il permet de désigner un ennemi intérieur au service d’une puissance étrangère, sous la forme d’un groupe religieux mais aussi d’une classe (« bourgeoise »). Ce discours est exacerbé quelques années plus tard, au moment de la Guerre des Six jours, la propagande soviétique se conjuguant avec celle des voisins d’Israël pour dénoncer « un pogrom de masse contre le monde arabe » [34]. C’est alors que l’antisionisme se répand et s’ancre dans certaines sphères intellectuelles, universitaires et politiques, au sein des sociétés occidentales. La hargne avec laquelle sont dénoncés Israël et le sionisme nourrit un antisémitisme qui se dissimule avec peine sous les traits de l’antisionisme. Henry Bulawko, secrétaire général du Cercle Bernard Lazare, le constate amèrement : « Si on demandait aujourd’hui à un Juif français dans quel camp sont ses amis, ses ennemis, je crois qu’il aurait bien du mal à répondre, ceci à cause de la confusion créée par le conflit israélo-arabe, par la lutte contre le sionisme » [35]. Dans Droit et Liberté, l’organe du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (Mrap), pourtant alignée sur la ligne communiste, Louis Mouscron évoque les comités Palestine et autres groupes « gauchistes », lesquels, dans leur propagande, « franchissent quelquefois le pas qui va de la défense des Palestiniens à la dénonciation des “sionistes” conçus en fait comme les Juifs » [36]. L’amalgame fonctionne pleinement. En France, l’ambassade soviétique diffuse en 1972 un bulletin de l’agence Novosti en langue française, qui contient un article violemment antijuif sur Israël. Un autre, de même facture, botte en touche l’accusation d’antisémitisme, déjà dénigrée sous les traits d’un « rayon paralysant [37] » : « Face à l’opinion publique mondiale, les Sionistes essaient de cette manière de retenir la marée des preuves et des critiques. Ils ont recours à l’hypnotisme d’accusations comme celles de “racisme” et d’ ”antisémitisme”, ridicules et insensées dans une telle situation [38] ».

 

Convergences des extrêmes

À l’extrême droite, l’antisionisme permet l’actualisation des préjugés en prêtant au sionisme une volonté de domination mondiale. « Antisémite ? Non… Antisioniste ? Oui », titre en 1948 le journal Tour d’Horizon, usant d’une rhétorique classique : « tous les hommes épris de justice et d’humanité savent que le sionisme a surtout pour but de se donner une base de départ, afin de repartir une fois établi en Palestine à la conquête du monde entier » [39]. Paroles Françaises, le journal de l’ancien résistant et député André Mutter, nazifie les Israéliens [40]. Un article compare les combattants juifs de Palestine aux assassins d’Oradour-sur-Glane [41]. Un autre évoque « les mœurs nazies instaurées en Palestine » [42]. Dans L’Unité, autre feuille de propagande, on peut lire que « c’est le sioniste Kaganovitch qui dirige le Kominform et Thorez. C’est le sioniste Moch qui dirige la police et la France. C’est le sioniste Baruch qui dirige la Banque Internationale et la politique américaine, et subtilement de Gaulle » [43].

Le mouvement nationaliste Jeune Nation recourt quelques années plus tard aux mêmes artifices. En mars 1959, lors d’une réunion, un militant donne lecture de « quelques articles de revues sionistes pour démontrer que les israélites se comport[ent] en France, et dans les autres pays, comme des combattants campant en territoire étranger » [44].  Les buts du « plan » sioniste sont clairs : « Conquérir et réduire en esclavage le monde par le truchement d’un super gouvernement universel [45] ».

La Guerre des Six jours excite les passions nationalistes [46]. Le 6 février 1969 a lieu une assemblée constitutive d’un « Front uni antisioniste » sous la présidence d’un vieux militant antijuif, Henry Coston, entouré de Pierre Sidos, cofondateur de Jeune Nation [47] et d’Occident [48], Mark Fredriksen, fondateur de la Fédération d’action nationale et européenne (Fane), ou encore de la militante néo-nazie Françoise Dior. L’objectif déclaré ? Lutter « contre les influences juives et la propagande sioniste » [49]. Jeune Nation prétend que « le “lobby” sioniste contrôle 95 % de la presse française [50] ». Une autre publication, L’Action nationaliste, précise à toutes fins utiles : « Nous combattons le lobby sioniste et non le peuple juif [51] ». Dans Défense de l’Occident, l’écrivain néofasciste Maurice Bardèche affirme que la guerre d’Israël contre les pays arabes est fortement soutenue en France par les « Juifs de presse, du barreau, de la radio, des affaires, qu’on voit trop, qu’on entend trop […] » [52].

Le thème de la double allégeance se répand au-delà même des milieux militants. Si 69 % des répondants d’un sondage de la Sofres publié en 1971 se disent « plutôt d’accord » avec l’idée selon laquelle « il est normal qu’un Juif français manifeste activement sa sympathie à l’égard d’Israël », 53 % des personnes interrogées approuvent la proposition selon laquelle « si un Juif français veut manifester activement sa sympathie à l’égard d’Israël, il n’a qu’à aller vivre là-bas » [53]. Pour un Français sur deux, l’opinion d’un Juif, quand elle est favorable à Israël, serait donc dépourvue de neutralité. Du Français juif à l’Israélien ou au « sioniste », il n’y a qu’un pas que certains franchissent allègrement. Christian Perroux publie cette même année un essai intitulé Les sionistes par eux-mêmes [54]. Pour cet ancien d’Aspects de la France, un Français juif qui soutient l’État d’Israël n’est pas un Juif mais un « sioniste ».

Enfin, la figure du Palestinien martyre se substitue à celle de la victime de la Shoah. La thèse de Maurice Bardèche développée dans Nuremberg ou la Terre promise en 1948, rencontre un écho à gauche : les Juifs auraient utilisé le traumatisme et la commisération liés à la Shoah pour créer un État parasite. La revue Herytem, que dirige en 1969 l’historien Jean Baubérot, alors collaborateur technique à l’École pratique des hautes études (EPHE), témoigne des verrous que l’antisionisme permet de faire sauter [55]. Emmanuel Levyne, kabbaliste et animateur de la revue Tsedek, y est invité pour déverser ses désillusions quant à l’ « oppression sioniste ». L’auteur assimile le sionisme au nazisme, dénonce les familles de banquiers qui « président aux destinées du judaïsme français », le « but occulte des sionistes » visant à « déchaîner les forces de destruction contre le peuple juif » afin de renforcer la légitimité d’Israël… Levyne propose même la réintroduction de l’étoile jaune en inscrivant au-dessous du mot Juif « = Palestiniens ». Sa sentence est sans appel : « Tout révolutionnaire doit bien voir que la destruction de l’État sioniste est le plus court chemin de la révolution mondiale » [56].

 

Une haine institutionnelle et mondialisée

C’est dans le sillage de la Guerre des Six jours que se mondialise la haine du « sionisme ». Elle puise son inspiration dans la Charte nationale palestinienne, document fondateur de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1964, selon lequel le sionisme est un « mouvement raciste fanatique dans sa nature, agressif et colonialiste expansionniste dans ses objectifs » et « fasciste dans ses moyens ». Le succès de la cause palestinienne favorise cette évolution qui se traduit par la banalisation de l’assimilation du sionisme à un racisme dans un certain nombre de textes adoptés par l’ONU ou par des organisations régionales. Le rythme des condamnations devient tel qu’il fera dire à Jean Pierre-Bloch, président de la Lica, en juillet 1975 : « Si aujourd’hui, quelque part à travers le monde, un congrès de pêcheurs à la ligne se réunissait, la première chose qu’il ferait serait de condamner le “sionisme” » [57].

En décembre 1973, quelques semaines après la Guerre du Kippour, l’Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution qui apparente le sionisme au racisme et à l’apartheid. Le texte condamne « l’alliance impie entre le colonialisme portugais, le racisme sud-africain, le sionisme et l’impérialisme israélien » [58]. La motion finale de la première Conférence mondiale des femmes qui se tient à Mexico en juin 1975 désigne les femmes comme « des alliés naturels dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, manifestée par le colonialisme, le néocolonialisme, le sionisme, la discrimination et l’apartheid » [59]. La cinquième conférence des pays non alignés, du 25 au 30 août 1975 à Lima, appelle au soutien de tous les pays au peuple palestinien « par tous les moyens dans sa lutte contre le sionisme et le colonialisme raciste » [60].

Cette institutionnalisation de l’antisionisme à l’échelle internationale culmine avec l’adoption de la résolution 3379 du 10 novembre 1975 par l’Assemblée générale de l’ONU, qui décrète que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Est ainsi banalisée, dans une révision complète de la réalité historique du sionisme, l’équation devenue slogan, « sionisme = racisme ».

Par-delà la colère même des Israéliens, ce sont les Juifs qui, à travers le monde, protestent face au vote [61]. Mais ce sont également les Juifs, qui sont la cible d’appels au boycott. Dans des universités, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les organisations juives sont mises à l’index par des associations étudiantes. En France, immédiatement après le vote de l’ONU, la Lica diffuse une étoile jaune qui affiche en son centre le mot « sioniste » [62]. L’initiative reflète ce sentiment de sourde inquiétude qu’éprouve ceux qui ont renoué avec le « temps du soupçon ». [63]

Il faudra attendre le début des années 1990, l’effondrement de l’Union soviétique et la Guerre du Golfe, pour que la résolution 3379 soit révoquée [64], contre la volonté de l’ensemble des pays membres de la Ligue arabe. Mais au cours de ces seize années, entre 1975 et 1991, l’équation « Juif = sioniste » infuse les esprits, à la faveur des crises récurrentes du Proche-Orient, en particulier du massacre de Sabra et Chatila (16-18 septembre 1982) et du début de la Première intifada (décembre 1987). Le soutien à Israël est criminalisé alors que les Juifs sont directement visés par le terrorisme, comme c’est notamment le cas avec l’explosion devant la synagogue de la rue Copernic (3 octobre 1980) ou encore l’attentat de la rue des Rosiers (9 août 1982) [65]. Les mots de Raymond Barre, alors Premier ministre français, qui distingue le 3 octobre 1980, devant la caméra de TF1, « israélites » et « Français innocents », choquent alors profondément l’opinion.

La cause anti-israélienne est portée par une partie de l’extrême droite et de l’extrême gauche, mais aussi par les militants pro-palestiniens pour lesquels le sionisme représente l’obstacle principal à l’émergence d’un État national. Pour l’antisionisme, l’État israélien est coupable par nature. La perspective historique est balayée et avec elle les espoirs d’une (re)naissance nationale dans les frontières d’un État souverain. Ce que les anciens peuples colonisés ont obtenus par des guerres de libération ou la volonté des puissances coloniales, les Juifs et Israël se le voient refuser. Pour l’historien Ephraïm Tari, conseiller à l’ambassade d’Israël à Paris, qui s’exprime peu après la Guerre du Kippour, Israël est dorénavant le « Juif des nations » [66]. Ce rejet devient le point focal d’une haine ouvertement exprimée, ignorant délibérément la complexité géopolitique, une haine alimentée par une propagande relayée à l’échelle internationale par des institutions ou des organisations non gouvernementales. En 1973, Ephraïm Tari traduit un sentiment répandu chez les Juifs lorsqu’il déclare que « depuis le drame de Kippour, nous avons retrouvé le goût amer de la solitude, comme en 1933 lors de la montée du nazisme » [67].

Près de trente ans plus tard, la Seconde intifada vient renforcer ce sentiment de solitude. En septembre 2001, à Durban (Afrique du Sud), une conférence mondiale de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, est le théâtre de neuf jours de débats au cours desquels des pays arabes bataillent – en vain – pour le rétablissement de la résolution de novembre 1975. La conférence fait scandale alors qu’un forum parallèle, réunissant des milliers d’organisations non gouvernementales (ONG), adopte une déclaration qualifiant Israël d’ « État raciste » et l’accusant d’ « actes de génocide ». Le mouvement altermondialiste contribue à propager cet antisionisme qui s’impose alors, notamment par l’arme du boycott [68], comme le principal vecteur de l’antisémitisme.

 

Le « lobby juif », un puissant levier idéologique

Critiquer Israël ? « Impossible ! » selon ceux qui veulent convaincre que l’État hébreu jouit d’un statut d’exception. Le thème de la parole muselée est lié à celui du « lobby juif », devenu dans les années 1980 un prolongement de la thèse du « complot juif ». Toute justification du droit d’Israël à exister et à se défendre comme n’importe quel autre État est assimilée à une volonté d’asseoir la domination du « sionisme » à l’échelle mondiale. Car, à en suivre l’imaginaire antisémite, s’il existe un tel projet de domination – que détaille les Protocoles des Sages de Sion et qui irrigue la propagande antijuive –, il repose forcément sur un ensemble de leviers, de personnalités, d’organes et de groupements, délibérément mus par la volonté de le faire triompher.

Inscrit dans les institutions et la vie politique, le « lobby », ou groupe de pression, d’intérêt ou d'influence, constitue un rouage majeur de la démocratie aux États-Unis. Ce n’est pas le cas en France où l’héritage révolutionnaire plaçant l’intérêt général au-dessus de toutes préoccupations corporatistes en connote négativement le principe. Le « Jewish lobby », représenté aux États-Unis par des organisations de la communauté juive dont la raison d’être est de renforcer le soutien à Israël dans le monde politique, n’a pas d’équivalent en France. Dans ses relations avec les pouvoirs publics, une organisation comme le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) cherchent à garantir l’égalité citoyenne en assurant la sécurité des Juifs, et non à leur octroyer des droits supplémentaires [69]. En outre, la notion de « lobby juif » sous-entend l’existence d’une volonté organisée alors que l’on observe chez les Français juifs une variété de sensibilités et de positionnements politiques. L’expression « lobby pro-israélien » a  pu être parfois employée mais c’est sous la forme de « lobby juif » et de « lobby sioniste » qu’elle se raccorde, sans ambiguïtés, au thème du « complot juif ». Lorsque Jean-Marie Le Pen, à l’émission « L’heure de vérité » (Antenne 2) du 9 mai 1990 parle du Crif comme du « lobby juif de Monsieur Kahn » et qu’il affirme que « les Juifs ont beaucoup de pouvoir dans la presse comme les Bretons en ont beaucoup dans la marine et les Corses dans les douanes », il établit une équivalence fallacieuse. Le soi-disant « pouvoir » des Bretons dans la marine ou celui des Corses dans le domaine des douanes n’ont jamais été au cœur d’un récit dépréciatif ayant alimenté une longue histoire de persécutions. La perversité de la comparaison réside en outre dans la référence à un « pouvoir », celui des médias et de la formation de l’opinion, qui est objet de fantasmes. Elle repose sur le stéréotype d’une hyper-présence voire d’un monopole juif dans ce domaine. En d’autres termes, le « beaucoup de pouvoir » des Corses dans les douanes est absent de l’histoire des haines idéologiques quand le « beaucoup de pouvoir » des juifs dans la presse y est constant et omniprésent.

En France, l’expression « lobby sioniste » se répand dans les années 1980. On la lit dans une tribune cosignée par Roger Garaudy, philosophe et ancien militant du Parti communiste, converti à l’islam en 1982, le Père Lelong et le pasteur Mathiot, publiée par Le Monde le 17 juin 1982. Les signataires dénonce la doctrine sioniste, en affirmant qu’elle est l’ « expansion sans fin » à l’aide du « terrorisme d’État », et qu’elle est soutenue par « l’extraordinaire hégémonie du lobby sioniste sur l’ensemble des médias dans le monde » [70]. L’extrême droite n’espérait sans doute pas un tel renfort interconfessionnel…

Des animateurs du mouvement Convergences 84 qui estiment que les militants de SOS Racisme « sont dans les mains du lobby sioniste » [71], à René Dumont, père de l’écologie politique en France, qui évoque la « puissance du lobby juif » dans la défense d’Israël et une « propagande sioniste […] plus efficace que celle des pays totalitaires, car plus intelligente » [72], les références sont légion. La publication par Roger Garaudy de son essai Les mythes fondateurs de la politique israélienne chez l’éditeur négationniste La Vieille Taupe fait franchir un pas supplémentaire. Il y pourfend notamment le « lobby sioniste » dont le « centre dirigeant » serait la Licra. « Le judaïsme n’est pas mis en cause », affirme-t-il, « mais la politique israélienne » [73]. Niant l’existence des chambres à gaz, il réclame l’abrogation de la loi Gayssot [74] et reçoit le soutien d’un vieil ami en la personne de l’Abbé Pierre qui estime que ce procès en « révisionnisme » est une « véritable calomnie » [75]. Dans le Corriere della Sera du 31 mai 1996, face au tollé, le fondateur d’Emmaüs met en cause les journalistes qui auraient « extrapolé » son propos et explique que « l’Église de France est ensuite intervenue pour [le] faire taire sous la pression de la presse, inspirée par un lobby sioniste international » [76]. Garaudy est aussi soutenu par des intellectuels et des médias de pays arabes et musulmans, où il est très populaire, notamment lors de son procès, en 1998 [77].

À l’automne 1999, la notion de « lobby juif » prend un nouveau relief avec la publication d’un roman de l’écrivain Jean d’Ormesson, Le Rapport Gabriel [78], dans lequel l’auteur relate un échange qu’il a eu avec le Président de la République à l’Élysée, le 17 mai 1995. Alors que les deux hommes évoquent l’affaire Bousquet, François Mitterrand prononcent ces mots, rapportés par l’écrivain : « Vous constatez-là, me dit-il, l’influence puissante et nocive du lobby juif en France » [79]. Dans Le Monde, le journaliste Nicolas Weill analyse : « force est de constater que la notion de “lobby juif” est aujourd’hui devenue d’un usage suffisamment courant pour que ceux qui l’emploient puissent en même temps se prétendre vierges de tout préjugé antijuif, alors même qu’ils contribuent à banaliser l’un des mythes de la judéophobie la plus traditionnelle [80] ».

Le « lobby sioniste », ce sont toutefois les pays arabes et musulmans qui le stigmatisent le plus violemment, à l’image d’Al-Manar, la chaîne du Hezbollah autorisée à émettre dans les États de l’Union européenne. La propagande antisémite diffusée provoque de vives protestations dans l’opinion française, notamment celles du Crif quand est diffusé, en octobre 2003, le feuilleton syrien « Al Chatat » (« La Diaspora ») qui véhicule la thèse du complot juif mondial. Interdite d’émettre en décembre 2004, la chaîne dénonce la main du « lobby juif » [81].

Avec Dieudonné M’Bala M’Bala, la notion de « lobby juif » connaît une popularisation nouvelle. Le 5 décembre 2003, sur une chaîne du service public, l’humoriste explique dans un sketch qu’il s’est « récemment reconverti au fondamentalisme sionisme » [sic], enjoignant « les jeunes qui nous regardent » à se rallier à l’ « axe américano-sioniste ». Un choix qui, d’après lui, offrira « beaucoup de débouchés, beaucoup de bonheur et surtout le seul axe qui vous offrira la possibilité de vivre encore un peu ». Le « sionisme », catalyseur des fantasmes de puissance et de privilèges projetés sur les Juifs, est ainsi jeté en pâture à des millions de téléspectateurs par un humoriste devenu propagandiste. Aux yeux d’une partie de la jeunesse, l’homme incarne désormais l’insolence, la liberté d’expression et la critique antisystème. En janvier 2004, M’Bala M’Bala dénonce dans le magazine The Source « un lobby juif très puissant qui aurait la mainmise sur les médias, dont fait partie Arthur qui, avec sa société de production, finance de manière très active l’armée israélienne ». Une armée « qui n’hésite pas à tuer des enfants palestiniens » [82]. Par le biais de déclarations outrancières qui arguent d’un deux poids, deux mesures – on pourrait finalement rire de tous sauf des Juifs – et jouent des sensibilités identitaires et communautaires, le polémiste propage l’amalgame « Juifs = sionistes ». À Alger, le 16 janvier 2005, il dénonce la « pornographie mémorielle » qui empêcherait l’évocation de tout autre mémoire, en particulier celle de la traite négrière : « ça nous est confisqué, parce que le lobby sioniste cultive l’unicité de la souffrance. Il n’y a qu’eux qui souffrent sur cette planète. La souffrance des Noirs, c’est de la merde. Ça n’existe pas » [83]. Le matraquage porte. Au début de l’année 2009, des manifestants pro-palestiniens font le pied de grue devant les spectacles d’Arthur, scandant le slogan : « Arthur sioniste, Arthur complice ! [84] ».

Au printemps de cette même année 2009, M’Bala M’Bala transforme l’antisionisme en programme politique à l’occasion des élections européennes, avec la complicité d’Alain Soral, figure majeure de la complosphère d’extrême droite, et de Yahia Gouasmi, président du Parti antisioniste et dirigeant du Centre Zahra [85]. Lorsque Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, affirme sur Radio J sa volonté de stopper cette initiative, il s’attire les foudres de Soral : « C’est scandaleux. Ce qu’il a dit, là où il l’a dit, sur une radio communautaire, signifie que l’État se soumet aux ordres du lobby sioniste en France [86] ». Quelques semaines plus tard, au mois de juin, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire à l’encontre de M’Bala M’Bala pour injure antisémite, au sujet d’une vidéo dans laquelle le candidat aux élections européennes a dénoncé « le puissant lobby de youpins sionistes [87] ». Depuis le théâtre de la Main d’Or à Paris, M’Bala M’Bala et ses acolytes propagent leurs appels contre « le petit lobby sioniste » (Ahmed Moualek), la « présence sioniste » (Maria Poumier), et apportent leur soutien au Hamas et au Hezbollah (Yahia Gouasmi) [88]. Un travail de fond, des années durant, et qui bénéficie de la puissante chambre d’écho des réseaux sociaux.

 

Victoires de la propagande

Dans les années 2000, il ne fait plus l’ombre d’un doute que le terme « sioniste », utilisé dans le champ polémique, sert autant à fustiger Israël et sa politique d’implantation territoriale, qu’à dénoncer, de manière implicite ou explicite, le « pouvoir des Juifs », en France et dans le monde, en lien ou non avec l’actualité au Proche-Orient. Cette plasticité est la marque même de cette forme de stigmatisation et de son efficacité.

Dans un entretien diffusé sur France Culture le 1er mars 2007, l’ancien Premier ministre Raymond Barre, défend Maurice Papon et Bruno Gollnisch face au « lobby juif capable de monter des opérations indignes » [89]. Le 16 février 2019, alors que se déroule à Paris une manifestation de gilets jaunes, le philosophe Alain Finkielkraut est pris à partie par un individu qui l’injurie copieusement, le qualifiant notamment d’ « espèce de sioniste ». Entre les deux événements, douze ans se sont écoulés. Douze ans caractérisés par un étiage fort des actes antisémites [90], douze ans au cours desquels l’ « opinion » antijuive s’est banalisée, favorisée en cela par des plateformes numériques qui échappent globalement à la modération et à la régulation [91]. Devant ses juges, le 22 mai 2019, l’insulteur de Finkielkraut expliquera qu’ « il y a des lobbys sionistes qui dirigent d’en haut et font du mal aux gens d’en bas » [92] . L’homme précisera avoir eu des « paroles politiques » et non antisémites. L’auto-disculpation demeure à l’évidence une constante de cette rhétorique, comme si l’enrobage politique ou géopolitique d’un propos suffisait à le vider de sa charge antisémite : c’est en l’occurrence faire peu de cas de l’histoire même de l’antisémitisme, qui s’est toujours manifesté sous la forme théorisée de doctrines politiques [93].

Dans les milieux d’extrême droite ou d’extrême gauche, chez les acteurs et soutiens de la cause anti-israélienne, dans la complosphère, notamment dieudo-soralienne, dont l’influence est considérable dans les années 2010, « sioniste » signifie « Juif ». Au 26 mars 2025, le site Égalité et Réconciliation, lancé en décembre 2009, propose 4 767 articles affichant le terme « sionistes » et 5 421 articles celui de « sionisme ». 6 288 articles contiennent le terme « juif », 4 824 le même mot au pluriel. En février 2019, une enquête de Conspiracy Watch montre qu’un Français sur cinq croit à l’existence d’un « complot sioniste à l’échelle mondiale ». Les plus sensibles à cette thèse se trouvent sans surprise chez les adhérents et les sympathisants du Rassemblement national (36 %) et de la France insoumise (33 %).

C’est évidemment la situation au Proche-Orient qui inspire les attaques et les amalgames les plus violents. La question de savoir si le gouvernement israélien actuel a trahi l’idéal sioniste peut légitimement être posée, avant comme après les massacres du 7 octobre 2023. Elle est une question qui intéresse autant la philosophie politique que la géopolitique et qui reçoit, en Israël comme au-delà, des réponses diverses sans que le terme « sioniste » ne serve d’injure ou d’argument de disqualification morale. Il n’en va pas de même au sein des milieux antisionistes radicaux qui expriment une haine fondamentale à l’égard d’Israël. Obsessionnelle et éradicatrice, elle établit un lien organique entre Juif, Israélien et sioniste, et va au-delà puisqu’elle cible, de manière générale, tous ceux qui ne condamnent pas Israël en termes outranciers et définitifs.

« Complot sioniste », « finance sioniste », « médias sionistes »… le terme « sioniste » permet d’échapper, comme d’autres appellations codées d’antisémitisme [94], à l’infraction de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination « raciale ». « Sale sioniste », « Ssionistess », « sales p… sionistes », « sionistes hors des facs »… le mot est devenu une injure, martelée dans les cortèges des manifestations anti-israéliennes à travers le monde. Les exemples abondent depuis ces vingt-cinq dernières années, de ces insultes devenues slogans, à l’image de « Sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes ! », repris systématiquement et mot pour mot dans toutes les mobilisations anti-israéliennes depuis 2008 [95], à côtés d’autres cris tels qu’ « Israël assassin ! » ou « Israël casse-toi, la Palestine n’est pas à toi ! ». Cette répétition témoigne d’une coordination réfléchie de la propagande. En 2025, le résultat est flagrant : il est ainsi devenu évident pour une partie de l’opinion et une frange de la jeunesse, qu’une personne fustigeant le Hamas, appelant à la libération des otages, refusant une formule éradicatrice telle que « Palestine libre, de la mer au Jourdain » et mettant en avant le droit d’Israël – qualifié d’ « entité sioniste » par ses négateurs – à se défendre, n’est qu’un « sioniste ». Le terme dispense de toute analyse supplémentaire comme il dispense, d’une manière plus globale, de l’Histoire. Il devient en effet inutile de revenir aux sources du sionisme, à la création de l’État d’Israël et à la géopolitique complexe de la région puisque la diabolisation du contradicteur, par l’usage d’un mot devenu synonyme de « fasciste » ou de « génocidaire », interdit toutes formes de débat.

Dans cette acception, les « sionistes » sont en réalité davantage que les seuls « Juifs ». Si le Parti socialiste a par exemple pu être la cible du slogan « PS = parti sioniste » c’est parce qu’il a refusé de s’aligner sur les positions radicales de La France insoumise. Pour ses détracteurs, il devient ainsi un allié objectif d’Israël et révèle sa corruption idéologique : pointé comme au service des « sionistes », il apparaît, dans une logique d’inversion accusatoire, comme un « proxy d’Israël », un relai du « lobby sioniste ». Ces accusations d’inféodation sont principalement le résultat de la visibilité de personnalités juives engagées dans le débat public ou la vie politique [96], d’organisations comme le Crif, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) ou la Licra, ou encore de médias désignés comme « sionistes » en raison de leur ligne éditoriale ou de l’origine de leurs dirigeants [97].

Les événements récents ont relancé l’établissement de listes, déjà en vogue il y a quinze ans, de personnalités dites « sionistes », qui circulent de manière virale sur les réseaux sociaux. Musique, cinéma, sport, littérature… ils sont, dans la tradition de l’extrême droite la plus radicale [98], des appels à « démasquer » les sionistes, c’est-à-dire ceux qui, principalement juifs, ont manifesté leur solidarité à l’endroit du peuple israélien meurtri par le méga-pogrom djihadiste du 7-Octobre. À moins qu’ils n’aient tout simplement dénoncé l’antisémitisme en France…
Les offusqués peuvent s’en défendre, dans un contexte d’explosion sans précédent du verbe et des actes antisémites, utilisé comme invective, le terme « sioniste » n’a qu’un effet : criminaliser Israël et contribuer à la stigmatisation des Juifs. Qu’il puisse dépasser la seule sphère du judaïsme ou des seuls Juifs n’y change rien et ne peut masquer ses conséquences. La propagande a fait son œuvre, détournant le sens et l’histoire du mot, l’érigeant en puissant vecteur de la haine des Juifs à travers le monde.

 

Conclusion

Au lieu des « sionistes », les « antisionistes » auraient pu choisir de tancer les « pro-Israéliens ». Ils pouvaient dénoncer, en solidarité avec une partie de la société israélienne, les tendances extrémistes du gouvernement Netanyahou, la violence terrifiante de la guerre, son insupportable coût humain et son rôle dans la cristallisation durable du fanatisme islamiste. Ils avaient la liberté de pointer, avec des voix éprises de justice et de paix, les risques de dévoiement profond de l’idéal sioniste, les fractures de la société israélienne. Ils avaient la possibilité, à 3 000 kilomètres de distance de la guerre, dans une société démocratique où le débat est roi, de favoriser les conditions d’une vraie discussion contradictoire. Ils pouvaient réclamer la libération des otages, condamner avec force l’antisémitisme, empêcher les amalgames, au nom de la paix dont ils disaient qu’elle leur était plus précieuse que tout. « Pro-israéliens hors de nos facs », « sale p… pro-israélienne », les attaques, même sous une forme brutale, auraient au moins eu la clarté de viser des personnes pour leur soutien à un « camp » dans un contexte de belligérance.

Il pourrait être objecté qu’un « sioniste » vaut bien un « fasciste ». Ce n’est pourtant pas le cas. D’abord parce que tout oppose objectivement ces deux réalités historiques, leur nature, leur contenu idéologique, les intentions de leurs promoteurs, les conditions dans lesquelles ils ont opéré ; ensuite parce que, là aussi, il y a une équivalence fallacieuse : même devenue fourre-tout, l’accusation de « fascisme » ne fait pas peser sur certains citoyens les menaces, l’insécurité et la violence aveugle qui pèsent sur les Juifs.

Il faut donc réaffirmer ce qu’induit l’absolutisation de la haine qui caractérise l’antisémitisme, ce qu’elle est à même d’insuffler en termes de déshumanisation et d’énergie meurtrière. C’est la raison pour laquelle le terme « antisioniste », produit d’une conjonction des haines antijuives, du nazisme à l’islamisme, en passant par le communisme et les nationalismes, ne devrait pas être tenu pour autre chose que ce qu’il charrie concrètement : une vision fantasmagorique des Juifs. Cette vision est claire et offensive chez les uns, moins structurée chez d’autres, mais elle a acquis, au cours de l’histoire et par le truchement des moyens de désinformation modernes, un stade de dangerosité inédit pour l’intégrité morale et physique des personnes.

Sans doute faut-il redoubler d’arguments et de pédagogie pour alerter sur la portée d’une telle dérive sémantique et venir à bout de cette dimension polysémique qui arrange bien les propagandistes. Il importerait aussi, dans le contexte de libération de la parole actuelle, que les pouvoirs publics, et notamment les magistrats, prennent la mesure de ce que « racontent » les mots. Il y a le sens littéral et la liberté d’expression, mais il y a aussi, et surtout, cette haine mondialisée, cette puissance du préjugé, affermie au cours des siècles, et qui, pour mieux atteindre ses objectifs, investit le langage, le pervertit et le colonise. Il serait temps de ne plus l’ignorer.

 

Emmanuel Debono

 

Docteur en histoire de l’Institut d’études politiques de Paris, Emmanuel Debono est l’auteur des ouvrages Aux origines de l’antiracisme. La Lica, 1927-1940 (CNRS Éditions, 2012) et Le Racisme dans le prétoire. Antisémitisme, racisme et xénophobie devant la justice (Éditions PUF, 2019). Auteur de nombreux articles sur l’histoire de l’antiracisme, il a notamment coordonné quatre numéros de la revue Archives juives (Éditions PUF) : « Années Trente. L’emprise sociale de l’antisémitisme » (2010/1), « L’antisémitisme en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale » (2016/2), « L’antisémitisme en France dans les années 1970 » (2022/2), « L’antisémitisme en France, de Copernic à Carpentras » (2026/1, à paraître). Il est le rédacteur en chef du Droit de vivre (Le DDV), revue de la Licra.

 

[1] De très nombreuses études sont parues depuis des décennies sur l’antisionisme et sur l’amalgame sionistes/Juifs, en France et dans le monde. Je me contenterai ici de faire référence à l’abondante bibliographie de Pierre-André Taguieff, et notamment à La nouvelle propagande antijuive (Éditions PUF, 2010) ainsi qu’à son dernier ouvrage paru, L’invention de l’islamo-palestinisme (Odile Jacob, 2025).

[2] Voir par exemple Denis Charbit, Qu’est-ce que le sionisme ? (Albin Michel, 2024) ; Dror Even-Sapir, « Le sionisme, un mouvement de libération national », Le Droit de Vivre (Le DDV), n° 693, été 2024.

[3] Max Nordau, Les Juifs et le Judaïsme au XIXe siècle (Imprimerie Berger Chauss et Cie, sans date), cité in Edmond Fleg, Anthologie juive, des origines à nos jours (Flammarion, 1956) p. 332.

[4] Albert Einstein, Comment je vois le monde, (Éditions Flammarion, 1934) pp. 145-146.

[5] Theodor Herzl, L’État juif, Jérusalem, (Rubin Mass, 1946) p. 14.

[6] Catherine Nicault, « L’antisionisme premier des milieux juifs français », Le DDV, n° 693, été 2024.

[7] Chantal Verdeil, Missionnaires catholiques, juifs et sionisme en Syrie à la fin du XIXe siècle, pp. 137-148 in Jérôme Bocquet (dir.), L’enseignement français en Méditerranée. Les missionnaires de l’Alliance israélite française (Presses universitaires de Rennes, 2019).

[8] L’Humanité, 23 février 1921.

[9] On relève près de 340 blessés. 140 Arabes sont tués, essentiellement par les forces britanniques.

[10] Lire par exemple Bernard Lecache, Les Porteurs de croix : Palestine 1929 (Éditions des Portiques, 1930).

[11] Le sionisme « territorialisme » défend l’idée d’un État juif qui serait situé ailleurs qu’en Palestine.

[12] Catherine Nicault, La France et le sionisme : 1897-1948 : une rencontre manquée (Calmann-Lévy, 1992).

[13] Sur l’histoire de la Licra dans les années 1930, voir Emmanuel Debono, Aux origines de l’antiracisme. La Licra, 1927-1940 (CNRS Éditions, 2012).

[14] Pierre Créange, Épître aux Juifs (Éditions Albert Messein, 1937), p. 121.

[15] Le DDV, mars 1932.

[16] Le DDV, avril 1932.

[17] Bulletin de la Lica, mai-avril 1930. Lazare Rachline, membre de la France Libre, Lazare Rachline (« Lucien Rachet ») soutient par la suite les activités de l’Irgoun et fut un grand défenseur d’Israël. Voir François Rachline, L.R. Les silences d’un résistant (Albin Michel, 2015).

[18] Bulletin de la Lica, octobre 1929.

[19] Dans son discours de clôture de la conférence internationale contre le racisme et l’antisémitisme initiée par son organisation, Bernard Lecache déclare : « Les Juifs sont venus, qui ne pensent pas exactement les uns comme les autres. Il y a ici des Juifs fiers d’être des sionistes. Il y a ici des Juifs antisionistes. Il y a ici des Juifs religieux, il y a ici des Juifs libres-penseurs, tout l’arc-en-ciel du judaïsme international. » in Le DDV, 26 septembre 1936.

[20] Emmanuel Debono, « Le rapprochement judéo-musulman en Afrique du Nord sous le Front populaire. Succès et limites », Archives juives, 2012, 45/2, pp. 89-106.

[21] La Nouvelle voix d’Alsace et de la Lorraine, 18 septembre 1937.

[22] Le Rappel, 23 juin 1939.

[23] Cette organisation nationaliste algérienne devient le Parti populaire algérien en 1937.

[24] Lettre de l’Étoile Nord-Africaine à la Fédération des ligues contre l’antisémitisme datée du 28 octobre 1936. Archives de la Licra, dossier 2027 B.

[25] Idem.

[26] Centre des Archives diplomatiques de Nantes, article 1870.

[27] Archives de la Lica (Mémorial de la Shoah), dossier 2174 A.

[28] Archives de la Lica, dossier 2174 A.

[29] David Motadel, Les musulmans et la machine de guerre nazie (La Découverte, 2019).

[30] Cité par Gilles Karmazyn in « Le Drang nach westen de l’antisémitisme soviétique et son cheval de Troie l’« antisionisme », Le DDV, n° 693, été 2024.

[31] Le DDV, 20 juin 1953.

[32] Ce soir, 1er février 1953. 

[33] Il faut souligner la parenté de l’accusation de « cosmopolitisme » avec celle du « cosmopolitisme juif », déjà utilisée dans certains titres de la presse nationaliste, catholique et antisémite au moment de l’Affaire Dreyfus, pour dénoncer le Juif « apatride » et « internationaliste ».

[34] Gilles Karmazyn, art. cit.

[35] La Nouvelle presse hebdomadaire, 15 mai 1970. Sur la vague antisémite faisant suite à la Guerre des Six jours, lire Emmanuel Debono, « De la lutte contre le sionisme à l’antisémitisme : l’ancrage d’une passion dans la société française (1969-1970) », Archives juives, 2022, 55/2, pp. 32-61.

[36] Droit et Liberté, mars 1970.

[37] L’expression a été utilisée plusieurs fois par Jean-Luc Mélenchon : « On ne peut plus réfléchir, on n’a plus le droit de parler. Aussitôt quelqu’un sort le rayon paralysant qui vous traite d’antisémite. » (RTL, 23 juillet 2014) Voir Milo Lévy-Bruhl, « La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon et l’antisémitisme », in Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat Rudy Reichstadt, Histoire politique de l’antisémitisme en France (Robert Laffont, 2024), pp. 296-299.

[38] Emmanuel Debono, Le racisme dans le prétoire. Antisémitisme, racisme et xénophobie devant la justice (Éditions PUF, 2019), pp. 608-628. Le directeur de la publication, Robert Legagneux, maire communiste de Nanterre, se voit condamner à 1 500 francs d’amende.

[39] Tour d’Horizon, 18 octobre 1948.

[40] La publication accueille d’anciennes plumes collaborationnistes comme celles de François Brigneau.

[41] Le DDV, mai 1948.

[42] Paroles françaises, 3 septembre 1948.

[43] L’Unité, 25 avril 1948.

[44] Emmanuel Debono, Le racisme dans le prétoire… op. cit., p. 344. Souligné par nous.

[45] Ibid., septembre 1959.

[46] Toutes n’incriminent pas Israël, au contraire, une partie de l’extrême droite exprimant un respect empreint de sympathies nationalistes pour la guerre victorieuse menée par le jeune État israélien contre ses voisins arabes.

[47] Groupement dissous en 1958.

[48] Groupement dissous en 1968.

[49] La Presse nouvelle hebdomadaire (PNH), 21 février 1969.

[50] Cité par PNH, 6 février 1970.

[51] L’Action nationaliste, 12 janvier 1970.

[52] Défense de l’Occident, janvier-février 1970, n° 87.

[53] Sondage de la Sofres réalisé entre le 24 février et le 2 mars 1971 intitulé « Les Français et les Français juifs ». Cité in Roger Berg, Chalom Chémouny et Franklin Didi, Guide juif de France (Migdal, 1971).

[54] Christian Perroux, Les sionistes par eux-mêmes : essai sur une société archaïque dans la France contemporaine (Le Soleil, 1971).

[55] Herytem, critique politique de la vie quotidienne, n°1, mai-juillet 1969. Emmanuel Debono, « De la lutte contre le sionisme à l’antisémitisme… », art. cit.

[56] Idem.

[57] Le Monde, 22 juillet 1975.

[58] Assemblée générale, 28e session, résolution n°3151, séance plénière du 14 décembre 1973, p. 36.

[59] Déclaration du 2 juillet 1975. 

[60] Resolutions of the Fifth Conference of Foreign Ministers of Non-Aligned Countries on the issue of Palestine and the Middle East. 

[61] Lire par exemple Albert Memmi, « Racisme et sionisme à l’ONU », L’Arche, 15 novembre 1975. Lire aussi Jean-Pierre Allali, « Vive le racisme », Le Monde, 14 novembre 1975.

[62] Le Droit de Vivre, décembre 1975.

[63] « Le temps du soupçon » est le titre d’un article de Raymond Aron paru dans Le Figaro du 28 décembre 1967.

[64] C’est chose faite avec la motion 46/86 adoptée le 16 décembre 1991.

[65] Le premier de ces attentats fit quatre morts ; le second fit six morts et vingt-deux blessés.

[66] Le Monde, 14 novembre 1973.

[67] Idem.

[68] Joël Kotek et Alain Soriano, De quoi le boycott d’Israël est-il le nom ? (Éditions La Boîte à Pandore, 2020).

[69] Samuel Ghiles-Meilhac, Le Crif : de la résistance juive à la tentation du lobby (Robert Laffont, 2011). Lire le témoignage d’Henri Hajdenberg, Une voix politique juive française (Hermann éditions, 2023).

[70] Le Monde, 17 juin 1982.

[71] Le Monde, 4 avril 1985.

[72] René Dumont, Charlotte Paquet, Taïwan : le prix de la réussite (La Découverte, 1987), p. 94.

[73] Le Monde, 31 janvier 1996.

[74] La loi no 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, la loi dite « Gayssot » réprime la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité.

[75] Michaël Prazan et Adrien Minard, Roger Garaudy, itinéraire d'une négation (Calmann-Lévy, 2007).

[76] Le Monde, 2 juin 1996. La Licra décide de le retirer de son comité d’honneur.

[77] Pour le documentariste et écrivain Michaël Prazan, c’est Roger Garaudy qui a planté la graine du négationnisme dans les pays musulmans. Voir Michaël Prazan, « Pour le Hamas, le projet de création d’un État palestinien est fondamentalement illégitime », Le DDV, 2 avril 2025. 

[78] Jean d’Ormesson, Le rapport Gabriel (Gallimard, 1999).

[79] Le Monde, 27 août 1999.

[80] Le Monde, « Le fantasme pervers du « lobby juif » », 5 septembre 1999.

[81] Le Monde, 17 décembre 2004.

[82] Le Monde, 7 février 2009.

[83] Le Monde, 21 février 2009. Ces propos lui vaudront une condamnation en première instance et en appel.

[84] Le Monde, 7 février 2009.

[85] Installé à la Grande-Synthe (Nord), le centre chiite Zahra a été dissous par décret le 20 mars 2019.

[86] Le Monde, 3 mai 2009.

[87] Le Monde, 4 juin 2009.

[88] Le Monde, 9 mai 2009.

[89] Le Monde, 6 mars 2007. Lire Pierre-Jérôme Biscarat, « Le centre droit et l’antisémitisme » in Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat Rudy Reichstadt, Histoire politique de l’antisémitisme en France (Robert Laffont, 2024), pp. 153-176.

[90] Pierre-André Taguieff, Judéophobie, la dernière vague. 2000-2017 (Fayard, 2018).

[91] Marc Knobel, Cyberhaine : propagande et antisémitisme sur Internet (Hermann éditions, 2021).

[92] Le Monde, 23 mai 2019.

[93] Une critique politique peut être antisémite, comme elle peut être anticléricale, antimilitariste ou anticoloniale. C’est ce que certains magistrats du tribunal d’Avignon et de la Cour d’appel de Nîmes ont curieusement eu du mal à concevoir lorsqu’ils eurent à juger la fresque du graffeur Lekto, réalisée en juin 2022 sur le parking des Italiens à Avignon. Elle représentait Emmanuel Macron sous la forme d’une marionnette manipulée par Jacques Attali, dans la plus pure tradition du complot judéo-maçonnique. En novembre 2023, le tribunal d’Avignon relaxait l’auteur, poursuivi pour provocation à la haine « raciale », parlant de la fresque comme d’une « illustration libre d'une critique politique » et estimant qu’elle « ne cont[enait] aucun élément implicite ou explicite qui révélerait autre chose qu'une satire politique de deux personnalités importantes de la vie politique française ». L’arrêt de la Cour d’appel de mai 2024 devait donner raison à ce jugement.

[94] On songe principalement, aujourd’hui, aux expressions « Khazars » et « dragons célestes ». Cf. Stéphanie Courouble-Share, « La théorie des Khazars : un pont entre antisionisme, antisémitisme et idéologies extrémistes », Le DDV, n° 693, été 2024.

[95] Le slogan semble avoir été scandé pour la première fois dans une manifestation à Strasbourg, le 26 janvier 2008, organisée par le Parti des musulmans de France (PMF) de Mohamed Latrèche.

[96] Le député Jérôme Guedj en a par exemple fait les frais lors de la manifestation du 8 mars 2025 à Paris, à l’occasion de la Journée des droits des femmes, au cours de laquelle il a été traité de « sale sioniste » par des manifestants pro-palestiniens.

[97] Nous pensons en particulier à BFMTV et à Libération.

[98] On songe par exemple, en France, au journaliste collaborationniste Henry Coston dont l’action militante consista notamment à révéler par l’établissement de listes, les liens au judaïsme et à la franc-maçonnerie de personnalités publiques.