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Publié le 29 Avril 2021

France - Lili Leignel, ancienne déportée : "Je suis devenue un passeur de mémoire"

A 88 ans, cette ancienne déportée originaire de Roubaix publie un livre sur ses années passées dans le camp allemand de Ravensbrück et les difficultés du retour en France.

Lili Leignel dans son appartement lillois, avril 2021. © Radio France - Alice Marot

Publié le 28 avril dans France Bleu

Dans son livre qu'elle publie sous son nom de jeune fille, Lili Keller-Rosenberg, intitulé "Et nous sommes revenus seuls", l'ancienne déportée de 88 ans raconte son parcours, de Roubaix à Ravensbrück,et son retour en France à la Libération.

Deux ans dans le camp de Ravensbrück

Lili Leignel avait 11 ans quand les nazis entrent en pleine nuit dans son appartement à Roubaix en 1943. Ils viennent arrêter toute sa famille, qui est juive. Amenée dans la prison de Loos, puis dans le camp de rassemblement de Malines en Belgique, la famille est rapidement séparée. Son père Joseph Rosenberg, Hongrois venu en France pour échapper à l'antisémitisme, est déporté dans le camp de Buchenwald. Avec sa mère et ses deux jeunes frères, Lili part pour le camp de Ravensbrück, au nord de l'Allemagne.

Elle raconte la vie quotidienne dans le camp, à hauteur d'enfant. La sirène qui sonne tous les jours, à 3 heures et demi du matin. Les heures passées debout, dans le froid, pendant l'Appel, quand les nazis passent en revue les prisonniers. Terrifiée par ces soldats, et surtout par leurs chiens, elle passe ses journées avec ses frères dans son block, en attendant que sa mère revienne des travaux forcés.

Nous, les enfants, nous ne pouvions pas travailler, nous étions trop faibles, trop chétifs. Les journées sans maman étaient interminables. Et nous ne jouions plus, nous n'étions plus des enfants comme les autres. C'est effrayant de vivre comme ça, dans la peur permanente qu'un nazi entre dans le block.

Dans ce block, la famille fait la connaissance de Martha Desrumaux, grande résistante du Nord, et de Geneviève de Gaulle, la nièce du général, également résistante.

La vie après les camps

En février 1945, les trois enfants et leur mère sont envoyés dans le camp de Bergen-Blesen. Une épidémie de typhus y fait rage. La mère de Lili, Charlotte Keller, contracte la maladie. Quand les soldats britanniques libèrent le camp, elle est hospitalisée. Les enfants doivent donc faire seuls le chemin vers la France.

"J'ai tenu à donner à mon livre ce titre, Et nous sommes revenus seuls, car le retour a été très difficile", raconte-elle. Ses frères et elle montent dans un train, direction Bruxelles, puis Paris. La route est longue, les chemins de fer bombardés. La suite, c'est Gare du Nord, l'hôtel le Lutecia, réquisitionné pour organiser le retour des déportés. Elle se souvient du soulagement, mais surtout de l'angoisse de ne jamais revoir sa mère.

En mauvaise santé, les trois enfants sont envoyés par la Croix Rouge dans une maison de convalescence à Hendaye, dans les Pyrénées-Atlantiques. "Un jour, la porte de notre chambre s'est ouverte. Eh bien c'était Maman ! Qu'on n'attendait plus, mais qui était là, devant nos yeux, d'une maigreur extrême... Elle ne pesait plus que 27 kilos. Mais elle était là, la vie reprenait un sens pour nous." Elle apprendra plus tard que son père a été fusillé à Buchenwald.

Une mission : transmettre son histoire

La vie après les camps, c'est aussi le silence sur ce qui s'y est passé. "On n'en parlait pas, et même quand on essayait de l'évoquer, les gens ne voulaient pas entendre, se souvient-elle. Certains ne nous croyaient même pas !" Mais c'est dans les années 1990, quand elle est confrontée à des propos négationnistes, que Lili Leignel décide de raconter son histoire.

Depuis plus de 20 ans, elle témoigne sans relâche, dans les écoles, les collèges et les lycées de toute la France. A un rythme effréné : elle rencontre quelques 25 000 élèves par an, et intervient presque tous les jours. "C'est fatiguant, mais qu'est-ce que c'est enrichissant !, se réjouit cette dame de 88 ans. Ces élèves sont mes messagers. Je suis devenue un passeur de mémoire. Quand il n'y aura plus de déportés, ce sera à leur tour de transmettre cette histoire."

 

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