Lu dans la presse
|
Publié le 23 Novembre 2021

France - Un arsenal de 130 armes et de la propagande néonazie saisis chez un particulier dans l’Eure

Samedi 20 novembre, la direction des opérations douanières a découvert plus de 130 armes chez un particulier. La justice s’interroge sur d’éventuels liens avec des réseaux d’ultradroite.

Publié le 23 novembre dans Le Monde

La cache d’armes découverte par les services de la direction des opérations douanières, samedi 20 novembre à Saint-Germain-la-Campagne (Eure), était-elle destinée à alimenter un trafic au profit de groupuscules liés à l’ultradroite ou ne traduit-elle que la passion dévorante de deux collectionneurs de fusils et de revolvers ? Ce jour-là, les douaniers interceptent un véhicule à bord duquel tentent de leur échapper deux jeunes hommes âgés de 25 ans, alors que ceux-ci viennent d’achever une séance de tir en rase campagne, une activité interdite.

Une fois le véhicule immobilisé après avoir percuté celui des douaniers, les enquêteurs y découvrent trois fusils de chasse et un pistolet automatique. De rapides vérifications démontrent que ces armes sont détenues de manière parfaitement légale mais les douaniers décident de poursuivre leurs investigations et se rendent au domicile de l’un des deux hommes, une maison individuelle située à Mesnil-en-Ouche (Eure), à une trentaine de kilomètres de là.

Sur place, après avoir détecté une cache aménagée dans l’habitation occupée par le jeune homme, ils mettent au jour un véritable arsenal. D’après les premières constatations effectuées, le local abrite pas moins de 130 armes, dont des fusils d’assaut AR-15 et AK-47, au moins deux pistolets-mitrailleurs, des armes de poing, deux fusils à pompe à canon et crosse sciés, 200 kilos de munitions diverses, des grenades, cinq cartouches de 20 mm pour mitrailleuses d’avion… Soixante-dix-sept de ces armes relèveraient toutefois de la catégorie C, c’est-à-dire que leur détention est uniquement conditionnée par une déclaration : armes de chasse ou neutralisées, c’est-à-dire rendues inaptes au tir.

Des « éléments de propagande »

En revanche, des « éléments de propagande liée à l’extrême droite, des écussons, des affiches, de la documentation néonazie typique » viennent compléter, selon une source proche de l’enquête, la panoplie des deux hommes, le propriétaire de la maison, outilleur, et son complice, un militaire d’active, caporal au 35e régiment d’infanterie de Belfort (Territoire-de-Belfort). Un soldat de cette unité avait déjà été mis en cause au mois de mars dans une enquête du média en ligne Médiapart pour avoir posé avec un teeshirt évoquant la Division Charlemagne, une unité composée de volontaires français de la Waffen-SS au cours de la seconde guerre mondiale.

L’interpellation des deux individus ne doit rien au hasard d’un contrôle inopiné des douaniers. Les deux individus étaient déjà suivis depuis plusieurs mois par les services de renseignement. En raison du statut de militaire d’active de l’un des deux individus, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, chargée de la sécurité interne aux armées, s’intéressait aux activités du caporal interpellé, en collaboration avec la direction générale de la sécurité intérieure, leader en matière de lutte antiterroriste. L’opération des douanes a mis fin à la phase de renseignement et le dossier a été transféré aux mains de la justice.

Si l’hypothèse d’un trafic d’armes lié à des groupes terroristes n’est pas encore vérifiée, le parquet d’Evreux (Eure) a saisi la police judiciaire de Rouen et la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée. Par ailleurs, la sous-direction antiterroriste a été mobilisée pour une mission d’évaluation au profit du parquet national antiterroriste. Une note de cette sous-direction, remontant à mai 2021, soulignait la présence importante de « membres de la fonction publique, notamment dans l’armée » dans la mouvance d’ultradroite ainsi que « un intérêt marqué pour les armes que certains détiennent légalement, soit au titre de la pratique sportive, soit de la chasse ».

« Il s’agit de déterminer l’envergure et l’environnement des deux hommes, indique une source policière. Et notamment de connaître leur rôle exact dans d’éventuelles filières d’approvisionnement de groupuscules liés à l’ultradroite ou leur appartenance à l’un de ces groupes. Dans l’état actuel des choses, rien ne permet d’affirmer que c’est le genre d’individus s’entraînant pour le grand soir. » Les deux hommes ont été placés en garde à vue et étaient toujours entendus, lundi soir, par la police judiciaire.