Ariel Amar

Président de France-Israël, Alliance Général Koenig et membre du Bureau exécutif du Crif

Le billet d'Ariel Amar – « Les tribunes dans le confort des salons face à la dureté du réel »

13 Mai 2025 | 365 vue(s)
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Opinion

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Certaines voix familières – trop familières – n’ont pu s’empêcher de faire entendre leur trouble face à la guerre à Gaza. Elles commencent par un rappel prudent de l’horreur du 7-Octobre, reconnaissent du bout des lèvres la responsabilité du Hamas, avant de s’empresser de dénoncer la riposte israélienne. Comme si, dès lors qu’elle se défend, Israël perdait tout droit moral à le faire. Sous couvert de nuance, ces discours qui tentent d’affaiblir la légitimité d’un État en guerre pour sa survie sont en réalité des torpilles politiques déguisées, et lui jettent l’opprobre au moment même où il lutte pour ne pas sombrer.

Derrière ce vernis humaniste se cache une posture idéologique : l’obsession de condamner Benyamin Netanyahou à tout prix. Mais on ne peut viser un Premier ministre démocratiquement élu sans atteindre aussi son peuple, son armée, et tous ceux qui défendent le droit d’Israël à vivre en sécurité. Ce genre de tribune, dans le contexte actuel, n’est pas un acte d’opinion : c’est un carburant idéologique pour les détracteurs d’Israël et les antisémites. Elle légitime indirectement les ressorts les plus archaïques de la haine, elle affaiblit les digues morales, et met en péril, encore un peu plus, la sécurité de la communauté juive partout dans le monde.

Soyons clairs : lorsqu’un État démocratique est attaqué avec une cruauté sans nom, la priorité n’est pas de produire une riposte « acceptable » aux yeux des consciences occidentales, mais de neutraliser la menace. Tsahal, l’une des armées les plus éthiques selon de nombreux experts internationaux, affronte un ennemi qui transforme ses civils en boucliers humains, instrumentalise chaque mort, et cache ses armes dans des écoles et des hôpitaux. La guerre n’est jamais propre. Elle est tragique, violente, déchirante. Mais face au Hamas, elle est juste, elle est nécessaire, elle est vitale.

Et pendant ce temps, certains, depuis leurs tribunes feutrées, expliquent au monde ce que devrait être une guerre « morale ». Comme si l’on pouvait juger des dilemmes militaires depuis un canapé, sans connaissance stratégique, sans expérience du feu, sans contact avec la réalité la plus barbare de la planète. Ce n’est pas depuis un plateau de télévision ou une chronique bien-pensante qu’on dirige une guerre asymétrique. Ces discours sont d’autant plus dangereux qu’ils sont pris au sérieux, relayés, amplifiés. Les ennemis d’Israël n’ont même plus besoin d’investir dans la propagande : on la leur sert sur un plateau.

Comme le rappelait le président américain Harry S. Truman dans ses Mémoires (1956), il existe une différence essentielle entre une guerre « morale », imposée par une agression, et une guerre « éthique », menée en respectant autant que possible les principes de droit international malgré la brutalité du conflit. Ce distinguo, d’une rare subtilité, échappe à celles et ceux qui confondent morale individuelle et responsabilité d’État.

La guerre contre le Hamas est juste, elle vise à démanteler une organisation qui massacre des civils, enlève des enfants, viole des femmes, et menace chaque jour un État souverain. Elle ne peut être « propre » face à un ennemi qui se cache derrière les plus vulnérables pour mieux culpabiliser le monde.

Pourtant, certains persistent à détourner leur indignation première vers Israël. Ils évoquent, à juste titre, la souffrance des civils à Gaza. Mais ils oublient, sciemment ou par aveuglement,

de dire qui a déclenché cette guerre et qui impose les modalités de cette guerre. Qui détourne l’aide humanitaire. Qui empêche les civils de fuir. Qui instrumentalise la mort. Ces voix prétendent partager les responsabilités, mais les critiques, toujours, retombent sur Israël – offrant aux ennemis de la démocratie une légitimation bienvenue, un renfort inattendu, et redoutablement efficace.

Pire encore : on convoque une certaine morale juive, réduite à quelques slogans creux, pour mieux accuser Israël au nom d’un universalisme sélectif. Mais la morale juive, ce n’est pas « tu aimeras ton prochain » arraché à son contexte. C’est aussi la responsabilité de défendre la vie, la vigilance face au mal, le devoir de se protéger. Ce n’est pas un gadget rhétorique pour conforter des postures progressistes : c’est une éthique de survie, de justice et de vérité. La détourner pour fustiger ceux qui luttent pour leur existence est une trahison intellectuelle.

Quant à l’obsession contre Netanyahou : pourquoi tant de haine contre un homme élu ? Pourquoi cette focalisation alors que la guerre a été imposée de l’extérieur ? Il ne s’agit pas d’interdire la critique, mais de rappeler que l’heure est à la solidarité, non à la mise en accusation, le temps viendra pour rendre des comptes. Critiquer un gouvernement en temps de paix est légitime ; le désigner comme coupable en temps de guerre, c’est irresponsable, c’est moralement douteux, et c’est stratégiquement suicidaire.
Oui, chaque vie perdue est un drame. Oui, la souffrance des civils palestiniens nous touche. Mais on ne construit pas une indignation juste sur une confusion volontaire. Ceux qui prétendent dénoncer le Hamas tout en affaiblissant Israël ne servent ni la paix ni la vérité. Ils brouillent les repères, sapent l’unité, et renforcent – souvent malgré eux – ceux qui rêvent d’anéantir Israël. Leur posture est confortable, leur impact est toxique.

Le Hamas n’est pas seulement l’ennemi d’Israël. Il est l’ennemi de la paix, de la liberté, du peuple palestinien lui-même. En neutralisant le Hamas, Israël ne se libère pas seulement lui- même – il ouvre aussi une brèche d’espoir pour les peuples de la région. Un espoir fragile, mais réel : celui d’un avenir où les enfants de Gaza et ceux de Sdérot pourront grandir sans haine, sans peur, sans endoctrinement.

Cette guerre n’est pas seulement militaire. Elle est existentielle. Et, paradoxalement, elle peut être libératrice – à condition d’avoir le courage de voir que l’éradication du Hamas est la première condition d’un avenir palestinien viable. Refuser de le voir, c’est prolonger la tragédie.
Alors non, ce n’est pas le moment de diviser, de moraliser, ou de juger depuis le confort de l’ignorance. Ce n’est pas le moment de parler à la place de ceux qui se battent pour vivre. Ce n’est surtout pas le moment de se taire quand Israël défend son droit à exister. Ce combat, qu’on le veuille ou non, est aussi le nôtre. Et ceux qui croient défendre la paix en affaiblissant Israël ne défendent, en réalité, que l’illusion d’un confort moral – au prix de la vérité et de la justice.

 

Ariel Amar, Président de France-Israël, Alliance Général Koenig

 

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