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Illustration : Dessin du Camp de Neuengamme
Publié le 20 février dans Le Point
M. Berger avait déménagé dans le Tennessee en 1959 et y avait vécu sans que personne ne connaisse son passé pendant de nombreuses années. Ce n'est que lorsque des documents de l'époque nazie portant son nom ont été retrouvés en 1950 dans un bateau coulé dans la mer Baltique que les enquêteurs se sont mis à sa recherche.
Parti de l'Etat américain du Tennessee dans un avion médicalisé, l'Allemand Friedrich Karl Berger a atterri en fin de matinée à l'aéroport de Francfort (centre). Il s'est dit prêt à témoigner mais pas dans l'immédiat, selon le parquet de Celle et est reparti libre car il ne faisait pas l'objet d'un mandat d'arrêt.
Malgré son grand âge, M. Berger serait en bonne santé et en capacité de suivre un interrogatoire.
Cependant, le ministère public, qui avait abandonné fin décembre la procédure à son encontre faute de preuves suffisantes, reste pessimiste quant à l'éventualité d'un procès: il n'y aura "probablement pas" de nouvelle enquête à moins que M. Berger ne "fasse des aveux détaillés", a expliqué à l'AFP le procureur général Bernd Kolkmeier.
Il est soupçonné par la justice américaine de s'être rendu complice de la mort de prisonniers alors qu'il était gardien entre janvier et avril 1945 dans le complexe concentrationnaire à Neuengamme, au sud-est de Hambourg (nord), et dans un de ses camps extérieurs près de Meppen, en particulier lors d'une opération d'évacuation en mars 1945.
Le tribunal américain spécialisé dans les dossiers d'immigration avait décidé en mars de son renvoi vers l'Allemagne pour "avoir volontairement servi comme garde armé d'un camp de concentration où des persécutions ont eu lieu". Lors de ses interrogatoires aux Etats-Unis, M. Berger avait reconnu avoir été un temps gardien au sein de ce camp, déclarant cependant ne pas avoir eu connaissance de mauvais traitements infligés aux prisonniers ou de décès parmi les détenus: il estime avoir seulement obéi aux ordres.
"Nous sommes déterminés à faire en sorte que les États-Unis ne servent pas de refuge aux auteurs de violations des droits de l'homme et aux criminels de guerre", a déclaré dans un communiqué le directeur par intérim de l'agence de police douanière américaine (ICE), Tae Johnson.
Le gouvernement américain a créé en 1979 un programme dédié à la recherche et à l'expulsion des anciens nazis installés aux Etats-Unis. Depuis, 68 personnes ont donc été expulsées dans ce cadre. La précédente avait eu lieu en août 2018 et concernait un ex-gardien SS âgé de 95 ans, Jakiw Palij, installé à New York depuis 1949. Il est cependant décédé cinq mois plus tard.
Le camp de concentration de Neuengamme avait été initialement fondé en 1938 comme un sous-camp du camp de concentration de Sachsenhausen, situé lui plus à l'est dans le Brandebourg. Il est ensuite devenu un camp de concentration indépendant en 1940. Selon le mémorial du camp, les prisonniers y étaient utilisés comme travailleurs forcés pour l'économie de guerre : 106 000 personnes y furent déportées dont 55 000 moururent, la plupart d'épuisement au travail.
Ces dernières années, l'Allemagne a jugé et condamné plusieurs anciens SS et élargi aux gardiens de camps le chef d'accusation de complicité de meurtre, illustrant la sévérité accrue, quoique jugée très tardive par les victimes, de sa justice.
"Les survivants, qui sont maintenant tous très âgés, ont attendu toute leur vie que les auteurs de ces crimes soient tenus responsables", a récemment critiqué Christoph Heubner, vice-président exécutif du Comité international d'Auschwitz. Il réagissait après la mise en accusation, début février, d'une ancienne secrétaire du camp de concentration de Stutthof (actuelle Pologne) aujourd'hui âgée de 95 ans pour complicité de meurtres par la justice allemande. "Que cela n'arrive que maintenant est un échec et un oubli du système judiciaire allemand qui s'étend sur des décennies", avait-il fustigé.
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