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Publié le 7 Juillet 2025

Retour sur les temps forts du 39e Dîner du Crif

Le 39e Dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) s'est tenu le jeudi 3 juillet 2025 en présence du Premier ministre, François Bayrou, de nombreuses personnalités politiques, diplomatiques, religieuses, associatives et issues de la société civile. Cette soirée a été marquée par les discours du président du Crif, Yonathan Arfi, du Premier ministre, François Bayrou, et par la remise du Prix du Crif – Pierrot Kauffmann à l'humoriste Sophia Aram.

Crédits photos : ©Leah Marciano

 

En ouverture du 39e Dîner du Crif, une vidéo a été projetée. Une manière de donner la parole à tant de Français juifs qui, depuis le 7-Octobre, sont traversés par des sentiments aussi intenses que contrastés : douleur, colère, incompréhension, solitude... mais aussi lucidité, dignité et fidélité aux valeurs républicaines. Cette vidéo incarne ce besoin profond de dire ce qui bouleverse, de résister aux amalgames comme aux injonctions au silence, de rester debout pour toujours faire vivre l'espoir. 

 

 

Discours du Président du Crif : « Je refuse qu’en France les Juifs aient à choisir entre leurs affinités et leur sérénité, entre leur identité et leur sécurité »

Lors de son allocution, le président du Crif a dressé un constat sur la situation des Juifs en France, et a réaffirmé avec force l'engagement du Crif en faveur de la République, de la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, et de la défense des libertés fondamentales.

 

Le président du Crif a ouvert son discours avec ces mots : 
« Faut-il demander à nos enfants de baisser la voix quand ils parlent des Juifs ou d’Israël dans le métro ? [...] Faut-il se résoudre à retirer la mezouza de nos portes, à dissimuler son étoile de David ? ». « Je refuse qu’en France les Juifs aient à choisir entre leurs affinités et leur sérénité, entre leur identité et leur sécurité ! »

Yonathan Arfi a souligné combien « la sémantique elle-même est devenue une ligne de front » : « Il y a quarante ans, nous étions traités de "sales Juifs", il y a vingt ans de "sales sionistes" et aujourd’hui de "génocidaires". Faut-il, pour alléger les consciences européennes, tenter sans cesse de nazifier l’État refuge des rescapés de la Shoah ? Faut-il, pour mieux accabler Israël, travestir l’Histoire, galvauder la mémoire de l’extermination des Juifs d’Europe ?

Mais je le dis avec gravité devant vous : l’accusation de génocide est aussi une réactivation sécularisée de l’accusation millénaire de peuple déicide. Dans les deux cas, il s’agit d’un mensonge et d’une essentialisation des Juifs, tous coupables du sacrilège ultime : celui d’assassiner Dieu quand la valeur suprême était la religion, celui d’exterminer un peuple quand nos sociétés, à raison, célèbrent les Droits de l’Homme ». 

Face à la montée de l'antisémitisme et des haines, Yonathan Arfi a rappelé que :

« Quand les réseaux sociaux cultivent les passions tristes des Français, les discours de nos responsables politiques peuvent apaiser ou hystériser le débat public. Ils sont trop nombreux, ces élus qui choisissent d’attiser le feu en alimentant les outrances et les raccourcis coupables.

Parmi eux, il en est un au populisme mondain et à la faconde inimitable. Invité incongru de la fête de l’Humanité, servile avec les dictatures et les pétro-monarchies mais intransigeant avec les démocraties, Dominique de Villepin est devenu un Mélenchon des beaux quartiers. Comment un ancien Premier ministre peut-il ignorer que son discours sur le contrôle des médias ou sur la finance, quelles que soient ses intentions, résonne pour beaucoup comme une rhétorique complotiste ou antisémite ? Mesdames et messieurs les élus : comme le dit le titre de son livre, vous avez "Le pouvoir de dire non" au projet proposé par Dominique de Villepin.

Dans un autre style, Jean-Luc Mélenchon, lui, poursuit inlassablement son travail d’hystérisation du débat public en réduisant Gaza à un slogan électoral. Face aux critiques, le chef de La France insoumise (LFI) n’a qu’une seule ligne de défense : nous sommes tous d’extrême droite, cette extrême droite dont il est devenu le plus puissant carburant dans les urnes ».

 

Aussi, le président du Crif a rappelé la nécessité de « rendre résiduelle l’influence politique de La France insoumise : « La gauche française doit se démélenchoniser comme la gauche anglaise s’est décorbynisée ! »
Et de souligner : « Pourquoi la gauche républicaine s’autorise-t-elle avec LFI ce que la droite républicaine s’interdit, à raison, avec le RN ? ». 

 

 

Au sujet de la haine en ligne, le président du Crif a appelé à des mesures concrètes : « Face au flot de la haine en ligne, le Crif plaide pour une amende forfaitaire systématique pour les auteurs de propos racistes, antisémites, homophobes… sur les réseaux sociaux. Pourquoi reçoit-on une amende pour le téléchargement illégal d’un film ou pour un excès de vitesse et pas pour un propos haineux en ligne ? Il ne doit pas y avoir davantage d’impunité sur les autoroutes de l’information que sur celles de notre pays ! Nous lancerons à la rentrée une campagne de sensibilisation sur ce sujet de salut public. »

Yonathan Arfi a également rendu hommage à Aboubakar Sissé, et à Hichem Miraoui, « tous deux victimes de meurtres racistes, inspirés par des idéologies haineuses ». « Être républicain c’est aussi mener un combat implacable contre le racisme. »

Le président du Crif a salué l’engagement des institutions publiques et a rappelé avec force que « s’il y a de l’antisémitisme en France, la France n’est pas un pays antisémite ». « J’en prends pour preuve l’engagement des pouvoirs publics à travers l’organisation des Assises de la lutte contre l'antisémitisme, si nécessaires, l’adoption d’une loi pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme au sein de l’Université, ou celles en cours visant à lutter contre l’antisionisme ou devant donner le grade de général à Alfred Dreyfus. Merci aux élus et aux pouvoirs publics qui, face à l’antisémitisme et à toutes les haines, veillent à mettre à jour notre arsenal législatif. »

 

Yonathan Arfi a également salué la présence de Shoshan Haran, ancienne otage des terroristes du Hamas et a appelé à « la libération des 50 otages encore retenus par le Hamas ». « Notre liberté ici ne peut être complète sans leur liberté là-bas ! »


 

Le président du Crif a conclu son discours par ces mots : « Comme vous, je suis lassé d’entendre que seules les pensées radicales pourraient aujourd’hui mobiliser les foules, que la victoire de l’extrême droite serait inéluctable : en France, j’en suis convaincu, celles et ceux qui aspirent à une République forte, laïque et universaliste, constituent le collectif le plus puissant du pays ».

 

 

Discours du Premier ministre, François Bayrou : « la violence partie le 7-Octobre a aussi, et très rapidement, touché sur notre sol les Français juifs »

Le Premier ministre a ensuite pris la parole.

François Bayrou a rendu hommages aux victimes du 7-Octobre, notamment françaises : « Le matin du 7 octobre 2023, au milieu des danses, de la musique, de la fête et de la jeunesse sur la terre d’Israël […] le plus grand pogrom depuis la Shoah a frappé de mort 1 200 personnes : des jeunes qui débordaient de vie, des femmes qui portaient la vie, des enfants à naître et des nouveau-nés. Parmi ces vies arrachées, 49 Français. 8 autres ont été retenus en otages, 7 seulement sont revenus : notre compatriote Ohad Yahalomi est mort dans les conditions ignobles de sa détention 14 autres ont été blessés. Je tiens à remercier le Crif pour le soutien et l’accompagnement qu’il a apportés aux victimes françaises du 7-Octobre. »

Sur la situation au Proche-Orient, le Premier ministre a affirmé « qu'il ne pourra pas y avoir au Proche-Orient de paix durable , qui passe pour la France par une solution à deux États, sans condamnation absolue du 7-Octobre, libération de tous les otages et cessez-le-feu ». 

 

À propos de l’antisémitisme, François Bayrou a rappelé combien « la violence partie le 7-Octobre a aussi, et très rapidement, touché sur notre sol les Français juifs. [...] En 2024, ce sont 1 570 actes antisémites qui ont été ainsi recensés, près de 4 fois plus qu’en 2022, près de 20 fois plus qu’au milieu des années 1990.

Depuis le début de cette année 2025, nous sommes déjà à 325 actes, dont 10 % sont des agressions physiques. Les deux tiers des faits antireligieux ciblent nos compatriotes juifs. Alors comment oser parler d’un phénomène résiduel quand au contraire sa progression a été exponentielle ? »

« Le 12 novembre 2023, nous avons tous partagé un cortège à Paris et à Pau [...] pour dénoncer cette gravissime dérive. Car nous refusons que des Français juifs quittent leur quartier et la terre où ils sont nés. Nous n’acceptons pas que ceux qui choisissent de rester vivent dans la peur. Nous n'acceptons pas qu'ils désinscrivent leurs enfants de l’école publique. Que 6 parents juifs sur 10 craignent pour la sûreté et le bien-être de leur enfant s’ils le maintiennent dans le service public de l’éducation. Cela est pour nous le signe indéniable d’une défaite nationale. C’est la preuve que l’école de la République, pour laquelle je me suis battu toute ma vie, que nous voulons accueillante pour tous, lieu d’épanouissement pour tous, de création de liens fraternels – que cette école est aujourd'hui à défendre et d'une certaine manière que ce sujet est à reconstruire. »

 

François Bayrou a ensuite présenté les actions concrètes de son gouvernement : « Le [...] ministre de l’Intérieur mène une action résolue pour démanteler les réseaux qui alimentent l’antisémitisme. Cette action doit être intensifiée et il a pour ce faire ma confiance. [...] Devant la propagation des actes antisémites, notre réponse pénale doit impérativement être affermie.
[...] Le Garde des Sceaux enverra prochainement, à tous les parquets de France, une circulaire précisant les méthodes qui permettent de débusquer ces atteintes derrière les prétextes, les insinuations et les ambiguïtés, en s'appuyant notamment sur la définition de l'antisémitisme donnée par l'IHRA. »

 

Sur la haine en ligne, le Premier ministre est revenu sur la question de l’anonymat sur les réseaux sociaux : « L’antisemitisme se démultiplie aussi sur les écrans, les réseaux sociaux […] la question de l’anonymat sur les réseaux sociaux […] doit être posée, traitée, examinée et doit trouver une réponse ». 

 

Il a également rappelé avec force qu’en répondant à l’invitation du Crif, « nous avons voulu vous donner, ainsi qu’à tous nos concitoyens, des raisons d’espérer en la République et de poursuivre, ensemble, sa construction ».

 

 

Remise du Prix Pierrot Kauffmann à Sophia Aram

Le Prix Pierrot Kauffmann a ensuite été décerné à Sophia Aram pour son engagement contre l'antisémitisme et toutes les formes de discrimination.

 

 

Sophia Aram a ouvert son discours avec ces mots : « « Le fait que je reçoive un prix pour avoir dénoncé la vague d'antisémitisme qui traverse la France ou pour avoir rappelé qu'on ne pouvait avoir de la compassion pour les civils gazaouis morts sous les bombardements sans avoir également de la compassion pour les victimes israéliennes du 7-Octobre dit quelque chose de l'époque que nous traversons ».

Avec humour, elle a rappelé que :  « Vous noterez que ceux qui appellent "antisionisme" ce qui n'est autre que de l'antisémitisme sont souvent les mêmes qui ont tendance à appeler "gel douche solide" ce qui n'est autre que du savon, et "bar à eau" ce qu'on avait communément pris l’habitude d’appeler "robinet". » Avant d’ajouter : « Cette idéologie qui consiste à ne voir le monde qu'à travers le prisme des opprimés d'un côté et des oppresseurs de l'autre, des dominés et des dominants, des victimes et des bourreaux est au cœur de la folie dans laquelle nous avons basculé depuis le 7-Octobre. C'est par ce mécanisme délirant que 80 ans après la Shoah, certains peuvent appeler à l'éradication d'Israël "from the river to the sea" depuis les campus des universités aux États-Unis ou ici en Europe et ce, en toute impunité ». 

 

 

Le 39e Dîner du Crif a été l'occasion de réaffirmer l'engagement des institutions et de la société civile dans la lutte contre l'antisémitisme. La présence du Premier ministre et de nombreuses personnalités témoigne de l'importance de ce combat pour la République.

 

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