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Publié le 3 mars 2020 dans 20 Minutes
#JusticePourSarahHalimi - Je m'engage pour Sarah Halimi !
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Jamais, Kobili Traoré n’a cherché à nier. « Ce que j’ai commis est horrible, je regrette ce que j’ai fait et je présente mes excuses aux parties civiles », reconnaissait en juillet 2017 dans le cabinet du juge d’instruction cet homme aujourd’hui âgé de 30 ans. Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, il s’est introduit chez sa voisine, Sarah Halimi, 65 ans, au troisième étage d’un immeuble du quartier de Belleville, à Paris, l’a rouée de coups puis l’a défenestrée. De nombreux témoins ont assisté impuissants au drame, certains l’ont également entendu réciter des sourates du Coran ou crier « Allahou Akbar ».
Aussi choquant soit son geste, Kobili Traoré, ne sera, a priori, pas traduit devant une cour d’assises. Sauf si la Cour de cassation, qui examine ce mercredi ce dossier, revient sur la décision de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Le 19 décembre 2019, cette dernière avait estimé que le discernement du meurtrier était aboli au moment du passage à l’acte et qu' il ne peut donc pas en répondre pénalement. Pas moins de sept experts psychiatres se sont penchés sur ce dossier et tous sont unanimes : lors du meurtre de Sarah Halimi, le suspect souffrait d’une « bouffée délirante aiguë ». Ils s’accordent également pour dire que le cannabis qu’il consommait abondamment – une quinzaine de joints par jour – a, au minimum, accentué ses bouffées délirantes.
Polémique jusqu’au sommet de l’Etat
C’est sur les conséquences d’une telle consommation que les psychiatres s’opposent. Pour Daniel Zagury, le premier à avoir rencontré Kobili Traoré, sa consommation « volontaire et régulière » de cannabis le rend partiellement responsable de son acte. « Bien entendu qu’il n’a pas pris du cannabis pendant X années pour tuer Mme Halimi. Mais il s’est mis dans une situation où pouvaient se produire des faits tels que celui-ci », a souligné cet habitué des tribunaux. Deux autres collèges d’experts ont, en revanche, estimé qu’il pouvait ignorer les effets hallucinogènes de cette drogue et se sont prononcés en faveur d’une irresponsabilité pénale.
Malgré la reconnaissance par la cour d’appel du caractère antisémite de son geste – qui fut l’objet, tout au long de l’instruction, de vives polémiques – et la décision d’une « hospitalisation d’office complète en milieu psychiatrique » et des mesures de sûreté pendant 20 ans, la décision avait suscité une vive polémique. Jusqu’au sommet de l’Etat. En déplacement en Israël quelques jours plus tard, Emmanuel Macron avait évoqué « le besoin de procès » dans ce dossier hautement sensible. « Les magistrats de la Cour de cassation doivent pouvoir examiner en toute sérénité et en toute indépendance les pourvois dont ils sont saisis », lui avaient sèchement rétorqué, dans un communiqué, Chantal Arens et François Molins, respectivement première présidente de la Cour de cassation et son procureur général, les plus hautes fonctions de la magistrature.
Qu’attendre de la Cour de cassation ?
L’examen des Sages ne portera pas sur le fond du dossier mais sur sa conformité au droit. En clair : ils ne chercheront pas à établir si le jugement de Kobili Traoré était ou non aboli, mais si la décision des magistrats de la cour d’appel est conforme, en l’état du dossier, à la législation. Et difficile, au regard de la maigre jurisprudence sur le sujet d’anticiper leur décision. L’affaire fait néanmoins écho au meurtre de Sébastien Selam assassiné en 2003 par son voisin de palier Adel Amstaibu. Malgré ses aveux, il a été déclaré irresponsable pénalement car en proie à un épisode de « schizophrénie délirante ».
Dans cette affaire également, les questions de l’antisémitisme – l’homme s’était exclamé après son geste « j’ai tué un juif, j’irai au paradis » – et du cannabis ont été centrales. Et comme dans l’affaire Kobili Traoré, les magistrats de la cour d’appel ont estimé que sa consommation de stupéfiants « ayant été effectué sans conscience des conséquences possibles », ne pouvait fonder sa responsabilité pénale. Quelques mois plus tard, la Cour de cassation avait estimé que cette analyse relevait de l’appréciation des juges.
Reste donc à savoir si les Sages tireront la même appréciation de l’affaire Halimi. S’ils annulent l’arrêt de la cour d’appel, une nouvelle audience devant une autre cour d’appel sera ordonnée. Et cette dernière pourra – ou non – faire une analyse différente du dossier et décider de renvoyer Kobili Traoré devant une cour d’assises pour répondre du meurtre de Sarah Halimi. Si la Cour de cassation ne casse pas cette décision, Kobili Traoré restera hospitalisé en psychiatrie. Pour en sortir, deux psychiatres extérieurs à l'établissement où il est accueilli doivent établir que le trentenaire n'est plus dangereux ni pour lui ni pour autrui.
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Rendons hommage à Sarah Halimi, et engageons-nous pour que justice lui soit rendue.
Pour Sarah Halimi, je me tairai pas !
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