Lu dans la presse
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Publié le 18 Janvier 2019

France - Les Juifs dans le récit national français - Comment faire l'archéologie du judaïsme ? (3/4)

Emmanuel Laurentin et Anaïs Kien s'entretiennent avec Philippe Blanchard, archéologue, chargé de recherche à l’INRAP, Danièle Iancu, directrice de recherche émérite au CNRS et Max Polonovski, conservateur général honoraire du patrimoine, chargé pendant des années de la protection du patrimoine juif pour le Ministère de la Culture.

Emission diffusée le 9 janvier sur France Culture

Comment l’archéologie peut-elle participer d’un travail de réintégration de la composante juive de notre histoire nationale, pas seulement au travers des trois moments récents que sont l’émancipation, l’affaire Dreyfus et la Shoah, mais sur la longue durée, depuis le Moyen Age notamment ?

Danièle Iancu-Agou : "En effet, les deux grandes phases d’éradication des Juifs dans l’Europe médiévale, de leur expulsion ou de leur conversion forcée à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, sont des périodes où la France, mais aussi une grande partie de l’Europe du sud, se vide de ses Juifs et se remplit de « maranes au cœur douteux » selon l’expression de Fernand Braudel."

Max Polonovski : "En effet, si l’histoire juive est une histoire parallèle de la grande histoire, on a encore de grands trous dans sa connaissance. Avant le IXe siècle, date à laquelle sont adoptées par les communautés juives médiévales les règles du Talmud liées à l’inhumation, on ne sait rien des pratiques funéraires. Et entre les VIe et VIIIe siècles, on ne dispose d'aucune source sur la vie de ces communautés. Tout l'enjeu de remonter aux origines du judaïsme européen repose donc sur l’archéologie."

Philippe Blanchard : "La France, qui se trouve sur la frontière culturelle entre les communautés ashkénazes et séfarades, devrait en théorie être un terrain d’études intéressant mais on a très peu de données. Notamment sur les cimetières juifs, alors que les cimetières apparaissent dès le XIe siècle. La plus grosse collection de référence aujourd'hui sur notre territoire est constituée par 35 tombes découvertes à Châteauroux. En comparaison, à York en Angleterre, un chantier de fouilles a permis de mettre au jour 500 tombes. En France, on a par conséquent encore du mal à comparer les données. C’est dû à des déplacements fréquents des populations juives à l’époque médiévale, mais aussi à une frilosité des autorités administratives et des collectivités locales qui, aujourd’hui, freinent, voire empêchent la mise en œuvre de ce genre de fouilles pour ne pas avoir à gérer la complexité de tels dossiers. En effet, sur les 75 interventions archéologiques que j'ai pu recenser en Europe sur des cimetières juifs - dont la moitié en Espagne - nombre d'entre elles ont été interrompues sous la pression d'associations ou de certaines autorités rabbiniques, pour des motifs religieux."

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