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Illustration : Emmanuel Macron recevait les responsables du CFCM à l'Élysée ce lundi. Jean-Christophe Marmara / Le Figaro
Publié le 18 janvier dans Le Figaro
« Avec cette charte, tout commence ! » C'est par ces mots enthousiastes - et peut-être un brin optimistes - qu'Emmanuel Macron a conclu son rendez-vous avec le Conseil français du culte musulman (CFCM) lundi midi. Soulagé, le chef de l'État a salué l'« engagement clair, net et précis en faveur de la République » dont l'association venait de faire preuve, selon lui, en acceptant de ratifier la très attendue « charte des principes pour l'islam de France ». Il faut dire que le président de la République lui-même n'osait plus croire à l'aboutissement de cet ambitieux projet, qui a donné lieu à « des claquements de portes » et de très vives tensions ces dernières semaines. En gestation depuis la mi-novembre, ce texte d'une dizaine de pages a en effet menacé de provoquer un schisme entre les différentes fédérations qui composent le CFCM, avant d'être finalement rattrapé in extremis dans le week-end.
Censée affirmer « sans ambiguïté » la « supériorité des principes de la République sur les principes religieux », la rédaction du document a provoqué des discussions particulièrement houleuses entre les parties prenantes. « Deux points politiques essentiels », considérés comme non négociables par Emmanuel Macron, ont notamment été au cœur des débats. Il s'agit du « refus de toute ingérence étrangère », et du « rejet de l'islam politique ». Décrites comme des lignes rouges lors du discours du chef de l'État sur le séparatisme islamiste aux Mureaux, début octobre, ces notions figurent désormais « noir sur blanc » aux articles 5 et 6 de la charte. Mieux, elles vont bien au-delà de l'objectif initialement fixé, puisqu'elles désignent carrément le salafisme et les Frères musulmans comme des courants à combattre.
Un « pas historique » qui est de nature à ravir l'exécutif autant qu'il paralyse certaines fédérations. Car, contrairement à l'accord de principe unanime obtenu dimanche soir, seuls cinq des huit chapelles concernées ont fait le déplacement pour parapher le document à l'Élysée lundi : l'Union des mosquées de France de Mohammed Moussaoui ; la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris de Chems-Eddine Hafiz ; le Rassemblement des musulmans de France d'Anouar Kbibech ; et la Fédération nationale des Associations islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles d'Assani Fassassi. Même les controversés Musulmans de France (ex-UOIF) de Lhaj Thami Breze ont signé le document, quitte à faire mentir les craintes exprimées au gouvernement et à rassurer certains parlementaires qui en ont récemment réclamé la dissolution.
"Si le Millî Görüs, le Comité de coordination des musulmans turcs de France, et Foi et Pratique ne signent pas, on va se mettre à regarder de très, très près leurs activités. Et on aura des sanctions à leur égard" Un conseiller
À l'inverse, le Millî Görüs, le Comité de coordination des musulmans turcs de France, et Foi et Pratique se sont pour l'instant contentés d'une promesse orale et ont préféré sécher la rencontre de lundi. Emmanuel Macron et Gérald Darmanin leur ont accordé un délai de quinze jours pour qu'ils puissent consulter leur base et décider de ratifier ou non le document. Selon un connaisseur du dossier, l'affaire semble toutefois mal embarquée, étant donné que ces trois fédérations contestent le titre même de la charte : « Ils ne sont pas à l'aise avec le terme “islam de France”. » Résultat : s'ils refusent d'apporter leur soutien à l'initiative au terme des deux semaines dont ils disposent, l'Élysée promet d'en « tirer les conséquences ». « S'ils ne signent pas, on va se mettre à regarder de très, très près leurs activités. Et on aura des sanctions à leur égard », promet un conseiller.
Quant aux autres fédérations, elles pourront alors s'atteler à la création de leur fameux « conseil national des imams », une structure attendue depuis le début des années 2000 et qui devra encadrer et labelliser la formation des prédicateurs. « C'est un travail qui va être long. Mais nous sommes confiants », a indiqué Mohammed Moussaoui.