Tribune
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Publié le 19 Novembre 2013

Comment raviver l'antiracisme

Par le Dr Emmanuel Debono, historien chargé d’études à l’Institut français de l’éducation et au laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (ENS, Lyon), représentant en France l’USC Shoah Foundation – The Institute for Visual History and Education

 

Poser la question du racisme des Français est aussi problématique dans les années 1930 que de nos jours. Aujourd'hui comme hier, une brume épaisse continue d'envelopper le sujet. Les indicateurs existants, à l'instar de ceux fournis par le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ne sont pas à même de fournir de réponse définitive à une question dont la pertinence reste à prouver. Que l'actualité conduise à se demander si la France est un pays raciste témoigne à l'évidence de la prégnance du phénomène.

Lire le décryptage du Monde : Le racisme progresse-t-il en France ?

 

À ce questionnement hasardeux et récurrent, la présidente du Front national a choisi de répondre de manière catégorique, le 10 novembre, sur la chaîne France 24 : « La France est le pays le moins raciste du monde. » Derrière la volonté affichée de déculpabiliser les Français prédomine certes celle de laver ses électeurs de tout soupçon. Mais la France entière se trouve du coup absoute.

 

L'introspection, mécanisme sain et indispensable au bon fonctionnement d'un pays démocratique, perçu ici comme une pensée culpabilisante probablement inspirée par la culture de la repentance, est tout simplement balayée. Il faut dire que la réflexion serait pareillement évacuée par la défense de la thèse contraire d'une France prétendument raciste. Lorsque Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d'État des gouvernements Cresson et Bérégovoy, affirme, le 13 novembre sur France Info, que « la France a toujours été raciste » et que le journaliste Harry Roselmack explique que « la France raciste est de retour », n'alimentent-ils pas le maelström bassement politique et réducteur qu'ils entendent dénoncer ? On suit en revanche davantage le second lorsqu'il parle d'un « fond de racisme qui résiste au temps et aux mots d'ordre »… Lire la suite.