Tribune
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Publié le 23 Septembre 2013

De la Russie d’Assad

Par Marc Knobel

 

L’option diplomatique est toujours préférable. Personne ne peut ni ne devrait se réjouir de la force des baïonnettes, des bombardements ou des frappes aériennes. Si les bombardements sont toujours une option, ils devraient être la dernière option qui soit. De fait, la diplomatie a un rôle à jouer, elle pourrait permettre d’influer et d’obliger Assad à détruire son arsenal d’armes non conventionnelles. Cependant quelques atermoiements, quelques hésitations et/ou reculades rendent les choses beaucoup plus compliquées. Mais ce que nous remarquons aujourd’hui, ce qui fait désordre aujourd’hui, ce qui surprend aujourd’hui c’est l’acharnement et l’obstination de Poutine à défendre le régime criminel d’Assad…

Les Russes ont certes une base navale en Syrie (le port de Tartous), cette base est une porte d’entrée vers la méditerranée, elle est donc d’une grande importance pour la marine russe. Par ailleurs, la Syrie est l’un de ses principaux clients militaires, les Russes ne vont donc pas cracher sur le morceau et abandonner un marché aussi juteux et intéressant (le 8ème client de la Russie en matière d’armement). Enfin, les relations entre les deux États amorcées dès les années 70, ont toujours été constantes et intenses, rappelons-le ici. Les Russes ont un intérêt stratégique, mais aussi politique. En fait, Poutine permet à la Russie de poser et peser stratégiquement, militairement, diplomatiquement et politiquement face aux États-Unis. La Russie fait  contrepoids rappelant à ses interlocuteurs et à toutes les puissances occidentales qu’il faudra compter dorénavant avec elle,  que le temps où la Russie était effacée et distante est révolu. La Russie joue, elle gagne.

 

Que gagne-t-elle ?

 

1)         L’illusion d’un monde redevenu bipolaire. Les États-Unis et la Russie détiennent à ce jour les seules cartes (maîtresses) d’un « jeu » compliqué » dans un Proche-Orient encore plus compliqué.

 

2)         La Russie défend ses intérêts stratégiques. En soutenant jusqu’à plus soif le régime de Damas, elle entend ne rien perdre de ses prérogatives ni de ses intérêts stratégiques.

 

3)         Comme elle redoute la déstabilisation de ce pays ami, elle se pose même en rempart de l’islamisme radical et du désordre qu’engendrerait la chute d’Assad.

 

4)         Poutine rappelle aux voisins de la Syrie que l’ours russe compte. La Russie réinvestit un espace qu’elle avait perdu. Elle retrouve donc de son prestige.

 

Seulement voilà, ce « jeu » politico-diplomatique, avouons-le, se fait avec le plus grand cynisme et au mépris des vies humaines et d’une Syrie complètement exsangue, meurtrie et ravagée par deux ans de guerre civile. En somme, c’est comme si les Russes jouaient à quitte ou double sur un tas de cendre, sur les charniers d’enfants intoxiqués par le gaz sarin ou le gaz moutarde. Comme si, ils se repaissaient du sang versé, au nom de la puissance d’un Empire qui n’a que trop joué dans son histoire avec le feu.