Tribune
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Publié le 11 Juin 2013

Hommage à Pierre Mauroy

Par Gilles Finchelstein, Directeur général de la Fondation Jean-Jaurès

 

Que dire, aujourd'hui, quelques heures après la mort de Pierre Mauroy - cet homme qui a été pour beaucoup de Français une référence et pour tous les socialistes un modèle ?

 

La tristesse, évidemment - une si profonde tristesse.

La reconnaissance, aussi, pour tout ce qu'il a fait et, d'abord, ce dont il a sans doute été le plus fier : les "grandes réformes de François Mitterrand" dont il a été "le premier Premier ministre".

L'envie, aussi, de dire "mon" Pierre Mauroy - cet homme avec lequel j'ai commencé à travailler il y a vingt-trois ans et que j'ai accompagné jusqu'au bout.

 

On le disait homme de tradition, et il l'était. Il revendiquait de s'inscrire dans une lignée et de n'en être qu'un maillon. Il était un socialiste du Nord. Il avait ses convictions chevillées au corps. Il voulait défendre ceux qui avaient peu. Il respectait l'État et la République. Il se voulait "héritier de l'avenir".

 

Mais il était tout autant un homme de modernité. Pour redonner à la SFIO un avenir, il prend le risque de faire l'alliance avec François Mitterrand. Pour ancrer la gauche dans la durée - parce que rien ne lui était plus étranger que les illusions du changement en cent jours -, et donner à la France les moyens de son destin, il s'est battu pour un socialisme européen et décentralisateur et a converti la gauche à la maîtrise de l'économie. Pour inscrire Lille dans la modernité, il s'est battu pour le TGV, le tunnel sous la Manche et la mutation de sa ville dans ce qu'il appelait si joliment "une turbine tertiaire". Pour internationaliser une Internationale socialiste qui était trop euro-centrée, il a eu l'audace de l'ouvrir vers l'Amérique latine, l'Afrique et l'Asie. Pour nourrir le débat public, veiller à ce que la mémoire et l'histoire du socialisme restent vivantes, travailler à l'influence de la France et dans le monde, il a créé la Fondation Jean-Jaurès.

 

On évoquait sa force et Pierre Mauroy avait une force incroyable que sa voix incarnait à elle seule. Il avait la force physique - jamais fatigué pendant tant d'années, si pudique à se plaindre à la fin de sa vie. Il avait la force psychologique : dans l'adversité, c'était un roc inébranlable ; dans les épreuves, il faisait preuve de cette qualité de courage qui n'est pas si courante.

 

Mais Pierre Mauroy était tout autant un homme de finesse et ses mains, si fines, si longues et si élégantes, en étaient le symbole. Il avait une intuition des choses et des gens sans égal.

 

Pierre Mauroy était un homme fidèle. À sa ville - qui restait près de lui où qu'il soit en France ou dans le monde. Au Parti socialiste - "le Parti" - qui était sa famille et dont il regrettait souvent qu'il soit moins amical qu'autrefois. À François Mitterrand, qu'il admirait et respectait tant qu'il était capable de lui tenir tête.

 

Pierre Mauroy était un humaniste, un homme qui aimait les gens, un homme qui aimait ses amis, un homme pour lequel nulle aventure ne vaut si elle n'est pas collective.

 

Pierre Mauroy était un homme d'État.

 

Pierre Mauroy était un grand homme.