Tribune
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Publié le 10 Juillet 2014

La France doit investir davantage dans la cybersécurité

Par Sébastien Laurent, Spécialiste des questions de sécurité et de renseignement, publié dans le Monde le 9 juillet 2014

Depuis quelques années le renseignement français est sorti de l'ombre pour connaître une lumière inattendue. Les livres blancs sur la défense de 2008 et 2013 et les deux lois de programmation militaire l'ont promu au rang de nouvelle « fonction stratégique ».

En effet, le rôle des services de renseignement est d'éclairer la décision au plus haut niveau de l’État, notamment grâce à l’action efficace du coordonnateur du renseignement auprès du chef de l'État. Cette transformation a été accompagnée, avant comme après l'alternance de 2012, d’une série de réformes des services et de leur environnement politico-administratif, puis couronnée par un budget en forte hausse pour la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Les mutations de l'ensemble de ces six dernières années témoignent, pour la première fois depuis soixante-dix ans, d'une forte ambition française en matière de renseignement.

Cette évolution a permis de combler le retard par rapport aux partenaires et adversaires. Il reste encore à achever la réforme d’un renseignement qui doit davantage tenir compte d’un système politique démocratique et d’une société aux valeurs libérales.

Un véritable contrôle externe

L'obstacle principal tient au fait que l’efficacité du renseignement suppose la discrétion, voire bien souvent le secret. Nos services de renseignement sont indispensables pour la sécurité des citoyens : il faut les renforcer, mais aussi mettre en place un véritable contrôle externe. Ainsi demain, ce sera à nos élus nationaux de se saisir des nouvelles prérogatives de contrôle que la loi de programmation militaire, votée il y a six mois, leur a confié.

Les modes d’action des services sont particuliers : il faut les préserver, dans le cadre de la loi votée par le Parlement, comme dans les autres pays occidentaux. Le secret est indispensable pour l’État : face à l’idéologie dangereuse de la transparence, il faut le garantir, mais aussi le réguler.

Le meilleur moyen de résister à la transparence est d'instaurer des mesures de confiance, à commencer par l’encadrement par la loi et par un contrôle parlementaire authentique. Mais il faut aller encore plus loin et gagner la confiance de nos concitoyens.

Réfléchir à une communication externe

L’écho des déclarations d'Edward Snowden à l'été 2013 a atteint la France et a nourri le cliché qui assimile la mission des services exclusivement à la surveillance de l'opinion. Il faut donc réfléchir à une communication externe des services adaptée, car l'esprit du « never complain, never explain », ne jamais se plaindre ne jamais se justifier,  a trouvé ses limites.

Mettre en place des indicateurs statistiques sur les pratiques en matière d’interconnexion des fichiers administratifs et affiner ceux existant pour les écoutes téléphoniques pourrait rassurer une opinion qui, encouragée par certains médias, voit dans le renseignement une menace orwellienne.

La confiance des citoyens est indispensable dans la démocratie qui plus est lorsqu'il y a un enjeu de sécurité. À cet égard, il faut rappeler une évidence : nos concitoyens sont sujets de droits et également contribuables. Ces diverses mesures permettront d’instaurer la confiance et ainsi, de préserver la dépense publique en matière de renseignement… Lire la suite.