Tribune
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Publié le 14 Mai 2013

La Syrie, entre peste et choléra - vers une « solution politique » ?

 

Par Gérard Fellous

 

Faut-il choisir qu’en Syrie, le régime de Bachar el Assad –la peste- vienne à bout des djihadistes et autres Frères musulmans- le choléra- au prix de dizaines de milliers de victimes civiles, ou que ces extrémistes religieux se débarrassent du pouvoir Bassiste et installent une théocratie musulmane ? La communauté internationale, et particulièrement la France qui se sent particulièrement concernée, doivent-ils intervenir ? Si tel est le cas, quelle est cette fameuse « ligne rouge » dont le dépassement provoquerait une intervention extérieure ? Enfin, celle-ci serait-elle militaire, comme jadis en Libye ou diplomatique ?

 

D’ores et déjà, il faut constater que la « ligne rouge » ne semble plus être celle de l’utilisation d’armes non conventionnelles, c'est-à-dire chimiques. Une incertitude est instillée : qui, du régime ou de l’opposition, les utilise ?

 

Parallèlement, il s’avère que la victoire militaire, au bénéfice de l’un ou l’autre camp, si elle n’a jamais existé, ce que nous croyons, s’éloigne dans les calculs des « parrains » de ce conflit : Ni l’Iran, et les deux autres soutiens de Damas, la Russie et la Chine, ni le monde sunnite aligné derrière l’Arabie saoudite et certains pays du Golfe ne l’accepterons.

 

La solution à la libanaise d’une partition géographique du pays entre communautés religieuses et ethniques (zones alaouites/ chiite/ chrétienne ; zone sunnite, zone kurde…) avec un gouvernement composite et faible à Damas a montré ses limites dans un Irak instable.

 

S’ouvre aujourd’hui une solution dite « politique », que promeut en particulier la diplomatie française, et dont les conditions sont lentement réunies :

 

Le premier acte consisterait à réduire puis faire disparaitre la tension des armes. Cela reviendrait principalement à obtenir un découplage de l’actuel régime baasiste de l’influence de l’Iran, d’une part, et d’autre part le tarissement de l’aide militaire à la rébellion alimentée par l’Arabie saoudite et certains pays du Golfe sunnite. La tension serait progressivement baissée de plusieurs crans par la mise en place d’un « gouvernement syrien de transition » formé par exemple par un parti Baas assagi.

 

Les uns et les autres tentent de parvenir à cette solution politique qui est actuellement privilégiée :

 

Le régime de Téhéran annonce qu’il n’est pas directement partie prenante dans le conflit intérieur syrien, mais qu’il soutiendra ses partisans alaouites.

 

Dans le même temps, il encourage son principal allié régional, le Hezbollah libanais, à des déclarations belliqueuses, celle de Nasrallah, qui annonce officiellement  l’implication militaire de ses combattants – ce que l’on savait depuis longtemps- tout en repliant son armement lourd vers ses fiefs du Liban, afin, le moment venu, d’ouvrir une diversion contre Israël, avec un effet unificateur pour le monde arabo-musulman.

 

Le président Barak Obama, après avoir obtenu ces dernières semaines, une mise à l’écart de l’option militaire israélienne contre les centres nucléaires iraniens, et laissé entendre que la pression diplomatique et économique sur Téhéran pourrait être desserrée, au cours de négociations directes, vient d’encourager Israël à se protéger contre tout transfert d’armes sophistiquées du Hezbollah.

 

Dans la discrétion, les diplomaties américaine et russe accordent actuellement leurs violons, au cours des entretiens qu’ont eus à Moscou John Kerry et Serguei Lavrov d’accord pour relancer le « processus de Genève », mis en place le 30 juin 2012. Dans le même temps, Israël et la Chine se concertent lors de la première visite officielle de B. Netanyahu à Pékin qui sera suivie en mai par une visite officielle à Moscou.

 

Puissance régionale, la Turquie, sous la pression de Washington, s’achemine vers une position plus équilibrée, en modérant son soutien au Hamas, en apurant la tension issue du raid israélien contre la flottille vers Gaza, en mai 2010, et en reprenant sa coopération stratégique avec Israël.

 

Le Liban retient son souffle, en évitant toute provocation, particulièrement dans la composition d’un nouveau gouvernement, espérant au passage que le poids du Hezbollah soit considérablement réduit.

 

Aux Nations Unies, la médiation de Lakhdar Brahimi est prête à se retirer sur la pointe des pieds, afin que l’ONU puisse préparer une mission dans le nouveau contexte politique.

 

Si ces indicateurs géopolitiques laissent entendre que le conflit régional syrien entrerait dans une nouvelle phase de résolution politique, il n’en demeure pas moins que la distance reste longue de la coupe aux lèvres, et que dans un « Orient compliqué », le plus court  chemin est rarement le chemin emprunté. Qui se souvient encore qu’en illustration de la « banalité du mal » théorisée par la philosophe Hannah Arendt, le Liban fut durant quinze ans (13 avril 1975 , à l’accord de Taëf de 1989) plongé sous tutelle syrienne dans une « guerre civile » qui fit non pas 70 ou 100 000 morts, mais près de 300 000 victimes civiles, sans que la communauté internationale ne puisse intervenir efficacement ?