Tribune
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Publié le 19 Avril 2013

Les bombes de Boston: quel impact sur l'opinion publique française?

 

Par Jérôme Fourquet, Directeur du Département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l’IFOP

 

Réalisée quelques jours après l'attentat de Boston, la quinzième vague du baromètre IFOP de la menace terroriste (publiée dans Métro) indique que 78% de nos compatriotes la considèrent comme "très élevée" (15%) ou "'plutôt élevée" (63%).

 

Jamais, hormis en mai 2011 (à la suite des attentats de Marrakech et de la mort d'Oussama Ben Laden), un tel score n'avait été enregistré dans ce baromètre, mis en place en octobre 2001, après les attentats du 11 septembre. Est-ce à dire que les bombes de Boston ont eu un impact déterminant dans l'opinion publique française?

 

Ce nouvel attentat n'a pas en fait créé un nouveau climat d'inquiétude dans le pays, mais il est venu renforcer une perception déjà préexistante. Depuis l'automne dernier et l'arrestation en octobre 2012 d'une douzaine de membres présumés de la mouvance islamiste radicale suite à des actes antisémites, près de sept Français sur dix jugeaient la menace terroriste comme élevée. De 71% en octobre 2012, cette perception est ensuite montée à 75% en janvier dernier lors du déclenchement de l'intervention militaire au Mali (intervention ayant entraîné des menaces de représailles de la part de groupes islamistes) puis à 78% aujourd'hui, soit 14 points de plus qu'en octobre 2001 au lendemain de l'attaque du World Trade Center...

 

Le contraste en termes de perception est également très significatif par rapport à mars 2012, où "seulement" 53% des Français (soit 25 points de moins qu'aujourd'hui) considéraient la menace terroriste comme élevée alors que l'actualité avait été profondément marquée par les tueries de Toulouse et de Montauban puis la mort de Mohamed Merah. Rétrospectivement tout se passe donc comme si les crimes perpétrés par Merah, pour odieux qu'ils soient et en dépit de leur motivation politico-religieuse, avaient plutôt été perçus comme les actes d'un individu isolé et déséquilibré et non pas comme une nouvelle illustration de la réalité de la menace terroriste existant sur notre sol.

 

À l'inverse, l'arrestation d'une douzaine de membres présumés de la mouvance islamiste radicale par les forces de l'ordre le 6 octobre 2012 a suscité une beaucoup plus forte inquiétude. Révélatrice de l'existence d'un réseau organisé susceptible de commettre des actes terroristes, le groupe ayant été qualifié de "groupe terroriste qui est probablement le plus dangereux mis au jour depuis 1996 en France" par le procureur de Paris François Molins, cette affaire avait engendré une très nette remontée de la perception de la menace terroriste alors que le bilan des actes imputés était incomparablement moins grave que celui de Merah. Et c'est dans ce contexte d'opinion déjà chargé qu'a eu lieu l'attentat de Boston qui est venu alimenter une perception de menace déjà préexistante.

 

L'analyse des résultats détaillés de cette enquête réalisée après l'attentat de Boston révèle certaines évolutions par rapport aux mesures effectuées précédemment. Le clivage en fonction du sexe de la personne interrogée, observé traditionnellement sur les questions de sécurité, disparaît, les femmes (79%) faisant autant part de leurs craintes que les hommes (78%). En revanche, le clivage selon l'âge est toujours perceptible, de même que celui selon la proximité partisane. Dans le détail, on constate que la perception de la menace se fait plus forte au fur et à mesure que l'on progresse dans la pyramide des âges: "seulement" 71% parmi les 18-35 ans, mais 79% auprès des 35-49 ans et 85% parmi les 65 ans et plus.

 

De la même façon, le niveau d'inquiétude progresse lorsque l'on se déplace sur l'axe gauche/droite. Les proches du Front de Gauche sont 68% (10 points de moins que la moyenne) à juger élevé le risque d'attentats et relativisent donc cette menace, sachant qu'ils sont traditionnellement moins sensibles aux questions de sécurité et à ce type de discours. La perception d'une menace élevée passe à 77% parmi les sympathisants socialistes pour atteindre ensuite 86% à l'UMP et 85% parmi les soutiens du FN, ces deux électorats étant en phase sur ce sujet.