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N’argumentez surtout pas, vous risqueriez de perdre votre temps. Indignez-vous ! Provoquez une vertueuse indignation, utilisez la Morale pour légitimer votre violence. Dans ces cas, le blasphème est toujours un bon outil pour provoquer une explosion émotionnelle. L’invasion des Arabes qui veulent nous imposer leur charia, le scandale des financiers américains qui ruinent nos modestes économies ou la cause palestinienne très porteuse ces dernières décennies, vous offriront d’excellentes occasions de passer à l’acte.
Puis, inventez une théorie, idiote de préférence, de façon à ce qu’elle connaisse un grand succès. Ne donnez pas trop d’explications, affirmez, parlez par slogans afin de déclencher l’indignation, l’extase et la fureur. Il y aura enfin un événement exceptionnel dans votre vie routinière qui provoquait en vous le sentiment de ne pas vivre avant la mort.
Le terrorisme est une bonne affaire
Pour imposer vos idées, pour sauver votre peuple, il faut trouver de la monnaie et lever une armée. Impossible ! Trop cher ! Le terrorisme est une bonne affaire puisqu’il suffit de réaliser une action spectaculaire afin de terroriser ceux qui s’opposent à votre programme politique. Vous pouvez alors vous habiller comme un fantôme blanc de l’Inquisition, et pendre un nègre entouré de crucifix géants enflammés. Très spectaculaire. Tout le monde sera fortement impressionné, l’apartheid pourra se maintenir.
La technologie moderne offre aux terroristes une incroyable possibilité de bouleverser l’opinion mondiale : il suffit de passer à la télé aux heures de grande écoute. L’attentat du 11 septembre 2001 à Manhattan est un chef-d’œuvre de ce genre puisqu’avec un canif sur la carotide d’un commandant d’avion, vous rendez célèbre la cause de votre clan.
Les candidats au terrorisme
Vous ne pouvez pas tout faire, puisque vous êtes l’initiateur de ce mouvement, mais vous serez surpris par la facilité à recruter des cadres. Des hommes en majorité, bien élevés, mariés, gentils papas, menant une vie normale à en mourir d’ennui. Toutes les enquêtes psychologiques de terroristes emprisonnés aboutissent à cet étonnement : ce qu’on trouve le moins chez ces terroristes, ce sont des troubles psychiatriques ! Quelques traits de caractère, tout au plus : un arrêt de l’empathie, une incapacité à se représenter le monde de l’autre, une absence de refoulement associée à ce défaut d’empathie : "Je dis ce que je pense, même si ça vous parait obscène ou insupportable, puisque je me moque de votre monde mental. Vous n’existez pas, pour moi." On peut parler à voix haute devant un pantin ou un cloporte. Il s’agit d’un trait de caractère, mais certainement pas de psychopathologie.
Ces cadres, souvent médecins, comme au Proche-Orient ou à Londres, quittent leur famille, leur métier, leurs amis, pour éprouver le bonheur de se soumettre à un gourou. La formation scientifique ne protège pas contre le désir extatique que donne l’indignation vertueuse : "Je vais mourir pour cette idée, pour ce patriarche, pour cette cause que je ne connais pas encore, mais que je vais étudier, dès que je serai engagé" pense le gentil papa candidat terroriste.
Dans tous ces cas, on se dit "résistant", sans bien se rendre compte que le résistant s’oppose à celui qui veut le détruire, alors que le terroriste filme la fillette qu’il est en train d’assassiner, afin de passer à la Télé et de servir ainsi la cause qu’il est en train de découvrir.
Ces hommes (et parfois ces femmes) vous répondront : "Ce n’est pas une petite fille que je rattrape à la course, et que je tue d’une balle dans la tête, c’est un futur ennemi." Les nazis disaient de telles phrases quand ils arrêtaient les enfants juifs avant de les mener aux fours. Et pendant le génocide du Rwanda, les Hutus assassins employaient exactement les mêmes mots : "Si aujourd’hui, tu te laisses attendrir par un enfant, tu le retrouveras demain, face à toi, avec une mitraillette. Alors tue tout de suite ton futur ennemi."
Ça y est ! Le processus est déclenché ! Le chef religieux, le gourou, le philosophe ont trouvé quelques cadres heureux de se soumettre à une théorie composée de slogans enflammant. Les fantassins arrivent alors, comme Mohamed Merah ("paix intérieure" en arabe !). Lui aussi voudrait bien connaître le bonheur dans la servitude.
Il a tout raté : aucun projet, aucun rêve, aucune famille, il se contente de survivre dans l’instant du passage à l’acte : un vol, une agression, une voiture pour rouler vite, nulle part sont ses seuls instants de bonheur. Échec familial, son père disparaît, sa mère s’efface, beaucoup de conflits avec son frère dans cette famille sans structure. Échec scolaire, échec affectif, échec social, pas d’école, pas de métier, alors il cherche un cadre pour se structurer. La Légion étrangère ne veut pas de lui. Mohamed aurait bien voulu s’y soumettre et aller casser du taliban. Ce qu’il veut c’est un sens, un cadre à sa vie : encore un échec.
L’obéissance aveugle supprime l’angoisse : "Je n’ai fait qu’exécuter les ordres. Je ne suis pas coupable, puisqu’il n’y a pas d’innocents."
Mohamed sort enfin de l’anomie : puisqu’on peut facilement gagner de l’argent avec quelques casses, il va s’acheter des armes et se paye quelques voyages au Proche-Orient où là, on trouve de nombreuses occasions de se soumettre. Il ne connaît pas grand-chose à l’islam, ni aux armes, mais là-bas, pense-t-il, on lui apprendra. Encore un échec. Même les intégristes ne veulent pas de ce feu-follet.
Il revient en France et c’est là qu’il trouve un peu d’intensité émotionnelle, son frère se réconcilie en voyant son enthousiasme islamiste et l’emmène chercher des raisons de tuer auprès d’un "émir blanc", un franco-syrien isolé dans un village d’Ariège.
La fête peut commencer. Quand on va tuer au risque de son "sacrifice", l’intensité émotionnelle est extrême. Enfin un moment d’extase, un vrai projet : tuer des soldats de l’armée française et des enfants juifs pour rejoindre Dieu et les houris, ces vierges certainement très belles. Quel beau combat ! Quelle belle vie avant la mort !
Le Ku Klux Klan n’a pas revalorisé l’image des blancs par ses crimes racistes à grand spectacle.
Le nazisme n’a pas réparé l’humiliation de l’Allemagne de 1918.
Mohamed Merah n’a pas servi la cause palestinienne.