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Pressé de démissionner par l’opposition de l’Alliance du 14 mars depuis l’assassinat du général Al-Hassan, Mikati est également accusé de cautionner le régime syrien. Puisque, malgré une neutralité de façade, le Liban soutient le régime de Bachar Al-Assad : le Hezbollah et les partis de la majorité (alliance du 8 mars) sont dénoncés pour leur implication dans la guerre d’extermination en Syrie et pour la fourniture de combattants au régime ; il est reproché au Courant Patriotique Libre du général Michel Aoun de soutenir le dictateur de Damas tant politiquement que médiatiquement ; le ministère de l’Énergie, géré par Gebran Bassil, est soupçonné de fournir du fuel à l’armée syrienne au détriment des centrales thermiques et du secteur électrique libanais... Tant de reproches qui ont pesé sur la visite de Mikati en France.
Le quotidien libanais « Al Joumhouria » affirmait, lundi 19 novembre, que Paris a songé à annuler cette visite, avant de décider de la maintenir et de l’exploiter pour expliquer son point de vue à son hôte, directement et sans intermédiaire. Car, comment expliquer que la diplomatie française, très engagée contre Bachar Al-Assad, reçoit-elle celui qui est considéré comme l’émissaire du dictateur, son associé en affaires et son complice dans la traque des opposants grâce à sa compagnie de téléphonie mobile MTN ?
Durant sa visite à Paris, Mikati a déjà rencontré son homologue français Jean-Marc Ayrault, le président du Parlement Claude Bartelone, et doit être reçu par le président François Hollande et par le chef de la diplomatie, Laurent Fabius. Plusieurs protocoles d’accord dans les domaines de la culture, de l’information et de l’éducation doivent être signés.
La visite de Mikati sera suivie par celle du ministre de l’Énergie, Gebran Bassil, qui vient de violer les sanctions internationales visant l’Iran, en signant un accord avec la République islamique portant sur la construction d’un barrage hydraulique à Balâa (Tannourine), un chantier financé par Téhéran à hauteur de 40 millions de dollars, et qui sert d’une part à contourner l’embargo sur l’Iran, et d’autre part, à renforcer son infiltration du Liban dans une tentative de compenser la perte de son allié syrien. Le mois dernier, les Libanais du Canada s’étaient mobilisés contre la tournée de Michel Aoun et Gebran Bassil dans le pays. Par centaines, ils avaient manifesté leur colère, assimilant Aoun et Bassil à l’Iran et au Hezbollah.
Ainsi, de nombreux Libanais de France ironisent en qualifiant les visites de Mikati et de Bassil à Paris de « la semaine syro-iranienne en France ». L’Alliance du 14 mars a de ce fait décidé de boycotter la réception organisée le 21 novembre par l’ambassade du Liban à Paris, à l’occasion de la fête de l’indépendance (22 novembre). Saluant les efforts de l’ambassadeur Boutros Assaker, les opposants précisent que leur boycott vise uniquement la présence de Mikati à la cérémonie, qui aura lieu au Pavillon Dauphine (Paris 16°).
L’opposition libanaise poursuit ainsi sa mobilisation pacifique, au Liban et à l’étranger, pour signifier au Premier ministre son impopularité, et pour le forcer à démissionner. Mais sur le terrain, le gouvernement, fort du soutien du Hezbollah et de ses milices, poursuit la défiance. Le Hezbollah est plus que jamais soupçonné de vouloir contrôler le Liban, directement ou à travers ses alliés chrétiens, pour compenser la chute du régime syrien. « Bien que le Hezbollah soit capable d’avaler le pays du Cèdre, il ne pourra pas le digérer », soulignent les experts. Ils en veulent pour preuve « la tentative d’intimidation menée hier par le Hezbollah dans le Chouf, pour terroriser et soumettre les Druzes. Mais la réaction de ces derniers a prouvé au Parti de Dieu que sa tentative ne sera pas une promenade de santé ». Les plus optimistes espèrent que la visite de Mikati à Paris puisse permettre à la France de rectifier sa trajectoire et épargner au Liban son naufrage dans le sillage de la chute de Bachar Al-Assad. Mais les plus réalistes estiment, avec raison, que Mikati n’est qu’une marionnette aux mains de Bachar Al-Assad et de Hassan Nasrallah. Il n’a pas son mot à dire. Ce n’est qu’une vitrine sunnite bien fragile du Hezbollah, à l’instar de sa vitrine chrétienne que représente Michel Aoun.
Dario S.