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Cette reprise des négociations entre l'Iran et le groupe 5+1, jusqu'à présent dans l'impasse, a été rendue possible par l'ouverture diplomatique initiée par le nouveau président iranien, Hassan Rohani, en direction du président Barack Obama, lors de sa visite à New York fin septembre. Cette ouverture du président iranien, élu en juin, a été largement interprétée comme un premier pas destiné à obtenir un allègement des sanctions internationales qui frappent le pays, l'une de ses promesses de campagne.
Le groupe des 5+1 va demander à l'Iran de réduire son programme nucléaire en échange d'un allègement des sanctions. Mais une question de fond se pose : faut-il ou non reconnaître le droit de l'Iran à enrichir – ou à avoir enrichi – de l'uranium ?
Onze ans de bras-de-fer
Pendant dix-huit ans, l'Iran a mené dans le plus grand secret un programme d'enrichissement d'uranium. Son existence a été rendue publique en 2002. Après un premier appel lancé par la communauté internationale le pressant de suspendre son programme d'enrichissement, Téhéran a accepté en 2003 des inspections de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA). Plus de dix ans et six résolutions du Conseil de sécurité plus tard – dont quatre depuis 2006 accompagnées de sanctions sous le chapitre VII de la charte des Nations unies –, l'Iran a continué à enrichir de l'uranium.
Téhéran affirme que son programme nucléaire reste conforme au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), que l'Iran a ratifié en 1970. Le TNP permet aux États signataires d'enrichir de l'uranium à des fins civiles, sous supervision de l'AIEA. L'Iran a accepté cette supervision, dans certaines limites. Les inspecteurs se rendent régulièrement depuis dix ans à Natanz, première usine d'enrichissement d'uranium iranienne, et à Fordow.
Les Occidentaux et Israël soupçonnent l'Iran de cacher un volet militaire sous couvert de son programme nucléaire civil. Ils s'inquiètent de la possibilité pour Téhéran d'enrichir l'uranium à un niveau suffisant pour fabriquer une bombe atomique. Pour la première fois, en novembre 2011, l'AIEA a fait part, dans son rapport sur le programme nucléaire iranien, de ses "sérieuses préoccupations concernant les possibles dimensions militaires" du programme iranien, sans conclure formellement à sa nature militaire.
Le Conseil de sécurité estime que tant que les intentions pacifiques de l'Iran n'auront pas été établies, ses activités nucléaires doivent cesser. Les 5+1 demandent un régime d'inspections renforcé. Les inspecteurs souhaiteraient pouvoir retourner sur le site militaire de Parchin (qui ne tombe pas sous le coup du TNP mais du Protocole additionnel de 1998 que Téhéran a signé, mais n'a pas ratifié) pour s'assurer qu'il n'abrite pas un centre d'expérimentation pour fabriquer la bombe, et aussi avoir accès à l'unité d'eau lourde d'Arak, notamment.
État des lieux du programme nucléaire iranien
L'Iran affirme ainsi développer de l'uranium enrichi à 3,5% pour sa production électrique sur la centrale nucléaire de Bouchehr et de l'uranium enrichi à 20% (un taux qui le rapproche du seuil militaire) pour son réacteur de recherche à Téhéran, sur les sites de Natanz et de Fordow. L'existence de ce dernier, aménagé en profondeur dans la montagne, près de Qom, n'a été connue qu'en 2009. Selon l'AIEA, le stock enrichi à 20% atteignait 186,3 kg, fin août – il faut au minimum 240 kg pour produire une arme nucléaire. L'Iran possède plus de 19 000 centrifugeuses, dont 1000 de nouvelle génération, bien plus puissantes que les précédentes.
L'un des plus gros points d'interrogation concerne Parchin, une base militaire située à une trentaine de kilomètres au sud-est de Téhéran. Les autorités iraniennes ont rejeté comme "sans fondement" les hypothèses de l'Agence selon lesquelles des essais y ont été menés pour mettre au point une charge utile nucléaire susceptible d'armer un missile. Grâce à l'imagerie satellitaire et aux services de renseignement, l'Agence sait que l'Iran y a construit, en 2000, une vaste cuve de confinement d'explosifs afin de conduire des expériences hydrodynamiques, considérées comme de "solides indicateurs" d'activités illicites. Aucun des inspecteurs de l'AIEA n'a été autorisé à visiter le site depuis 2005.
Autre sujet d'inquiétude, le réacteur de recherche à eau lourde d'Arak, qui n'est pas couvert par l'accord de garanties avec l'AIEA. Une fois opérationnel, il produirait jusqu'à 9 kg de plutonium par an : c'est une autre voie possible vers l'arme nucléaire. À la fin de l'été, l'Iran a annoncé que sa mise en service, prévue pour début 2014, a été reportée sine die… Lire la suite.
À lire sur ce sujet dans l’Express : L’Iran, le piège et la ruse, par Christian Makarian