Tribune
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Publié le 14 Octobre 2013

Syrie : les Occidentaux sont à la recherche des rebelles modérés

Par Georges Malbrunot

 

Depuis plusieurs mois, les services de renseignements cherchent à identifier des commandants islamistes «modérés» sur lesquels Paris s'appuierait pour encadrer des livraisons d'armes en Syrie aux rebelles qui luttent contre l'armée et les milices de Bachar el-Assad. Les grandes oreilles ont dû en effet se rendre à l'évidence: face aux radicaux islamistes, les autres insurgés ont de moins en moins de prise sur les événements. Mais la chasse aux combattants «gris clair», comme on dit au ministère de la Défense, s'est pour l'instant avérée infructueuse.

La CIA n'a été guère plus chanceuse. La centrale américaine a bien repéré une cinquantaine de rebelles a priori «fiables» qu'elle a voulu faire venir en Jordanie pour les former. Mais elle a rencontré de sérieux problèmes. Seule la moitié est parvenue à franchir la frontière. «Et finalement, une dizaine seulement ont été jugés suffisamment fiables pour recevoir une formation», relève un militaire français. Même les Saoudiens, en pointe dans les opérations clandestines anti-Assad, éprouvent les pires difficultés à former les «bons rebelles», appelés à remplacer une Armée syrienne libre (ASL), en voie de décomposition face à ses rivaux djihadistes et salafistes. Depuis plus de six mois, Riyad forme pourtant chaque trimestre en Jordanie quelque 400 cadres d'une nouvelle «Armée nationale» qui s'infiltrent ensuite en Syrie épauler les rebelles. «Mais ce n'est qu'une goutte d'eau face aux 80.000 ou 100.000 hommes dont le régime dispose encore pour se défendre», reconnaît le haut gradé français. «En un an, dit-il, cela fait 1600 hommes formés. À ce rythme, il nous faudra des années encore avant de renverser le rapport de forces». Bref, face à un pouvoir toujours soutenu militairement par la Russie, l'Iran et le Hezbollah, il y a urgence à trouver une solution politique au conflit. D'autant que ces failles compliquent encore la délicate équation de la livraison d'armes aux insurgés. Et, de ce point de vue, les dernières expériences n'ont pas été très concluantes, notamment ce bateau d'armes parti de Croatie, qui a débarqué sur les côtes turques avant de connaître de sérieux déboires, une fois la frontière syrienne franchie.

 

Un contrôle impossible

 

«Là, c'est une autre histoire», reconnaît un diplomate, qui suit ces acheminements clandestins. «Une semaine environ après l'arrivée des armes, ajoute-t-il, on s'est rendu compte que les missiles antichars financés par l'Arabie à destination de l'ASL avaient été utilisés par al-Qaida dans des attaques au nord de la Syrie.» Depuis leur poste d'observation à la frontière turque, les services de renseignements occidentaux étaient «ébranlés d'avoir été piégés», se souvient le diplomate. D'où la dernière mise en garde de François Hollande qui réclame des livraisons d'armes «contrôlées». Que s'est-il passé une fois les pièces parvenues en territoire syrien? Au début, l'ASL a bien livré les armes à ses relais sur le terrain - en gros des commandants ayant déserté l'armée régulière et sans affinités avec les islamistes. Mais aujourd'hui, ces commandants sont en position de faiblesse.

 

«Les convois d'armes que l'ASL avait reçues ont été attaqués par d'autres groupes, pas forcément d'ailleurs des djihadistes, qui leur ont dit, mais c'est grâce à nous, si vous avez obtenu ces armes», souligne un opposant. Pour éviter de nouveaux combats entre rebelles, lors des prochains passages, les commandants de l'ASL ont souvent préféré conclure un accord avec d'autres rebelles, auxquelles des armes ont été revendues lors d'une opération de partage des munitions, qui n'était pas du tout prévu par les donneurs d'ordres. Et c'est ainsi - au fil des opérations de revente - que certaines pièces ont fini chez les djihadistes de l'État islamique d'Irak et au Levant, affilié à al-Qaida, dont le site Internet annonçait ensuite que le groupe avait mis la main sur des armes découvertes… dans le désert pour ne pas trop gêner leurs «fournisseurs» de l'ASL. Cette incapacité à contrôler les flux d'armes a provoqué la colère de plusieurs des parrains occidentaux des rebelles, dont les Français. Mais ils ne sont pas les seuls à être mécontents. Le général Sélim Idriss, qui dirige depuis dix mois l'ASL, n'a toujours pas été invité à Washington.

 

Difficultés à trouver de solides appuis, incapacité à dénicher des sources du renseignement… «Il y a régulièrement une réunion des chefs des services occidentaux et arabes en Turquie, observe le militaire. Mais on en revient souvent sans savoir ce qui se passe à l'intérieur de la Syrie