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- Comment dissout-on un groupe extrémiste?
Selon Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de l'extrême droite, une juridiction permet de dissoudre les mouvements qui ont une existence légale - sous forme d'association - et les mouvements de fait, qui n'ont pas déclaré leur existence en préfecture, mais dont on connait l'existence parce qu'ils ont un slogan, exhibent des pancartes lors des manifestations...» La loi impose des critères précis: elle concerne notamment des groupements «qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue», ou encore «qui, soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence». Selon Jean-Yves Camus, «la dissolution est une procédure contradictoire». Le ministère de l'Intérieur fait savoir au dirigeant du mouvement que la dissolution est envisagée. Ce dernier a ensuite une dizaine de jours pour présenter ses contre-arguments. Le décret d'interdiction est signé par le président de la République en personne.
- Des groupes ont-ils récemment été dissous?
Parmi les exemples récents figure la dissolution en 2005, sous le gouvernement Villepin, du groupuscule néonazi alsacien Elsass Korps, après une série de profanations de cimetières juifs. Ce groupe n'était pas constitué en association. En 2002 également, le groupe Unité Radicale a également été interdit, après la tentative d'assassinat visant le Président Jacques Chirac par Maxime Brunerie, proche de ce groupement.
- Qui sont les groupes concernés par cette éventuelle interdiction?
Lundi, Manuel Valls a évoqué l'interdiction du Printemps français, cette nébuleuse née d'une scission avec la «Manif pour tous», qui appelle à des opérations coups de poing. «Nous sommes en train de l'étudier parce la violence n'est pas uniquement physique, comme nous l'avons vu hier soir, elle est aussi verbale et un communiqué de ce Printemps français qui appelait au fond à l'insurrection attise la haine, attise ces comportements que nous avons pu voir», a-t-il déclaré.
«La violence n'est pas uniquement physique, comme nous l'avons vu hier soir, elle est aussi verbale»
«Nous demandons que tous ces groupes extrémistes de droite, bien identifiés comme ceux qui les couvrent du Printemps français, soient dissous», a renchéri David Assouline, porte-parole du PS. GUD, Oeuvre française, Jeunesses nationalistes, Renouveau français: le ministre de l'Intérieur cible ces groupes depuis plusieurs semaines. Selon Sylvain Crépon, sociologue à l'université de Nanterre et auteur de l'ouvrage "Enquête au coeur du nouveau Front national" (Nouveau Monde Editions, 2012), «les groupes visés par une dissolution pourraient notamment être les Jeunesses nationalistes, un mouvement néo-fasciste très radical. L'un de ses fondateurs, Alexandre Gabriac, s'était fait connaître après son exclusion du FN, en mars 2011, pour avoir fait un salut nazi. Il va chaque année se recueillir sur la tombe de Mussolini. Les JN sont en fait de la branche jeune de l'Oeuvre française, groupe ouvertement pétainiste.» Jean-Yves Camus, lui, note qu'il existe une certaine confusion entre la mouvance identitaire et d'autres mouvements encore plus radicaux. «Il semble qu'il y ait, parmi les interpellés, des membres du Renouveau français, de Génération identitaire et des Jeunesses nationalistes. Il faut voir qui sera vraiment condamné, avant de prendre toute décision. La loi est précise, la dissolution traite de liberté publique, ce n'est pas le fait du prince.»
- Quelles sont les conséquences d'une dissolution?
Béatrice Bourges, la porte-parole du Printemps français, a ironisé la semaine dernière sur le fait que le gouvernement serait bien en peine d'interdire cette nébuleuse qui est juste «un état d'esprit, un vent de liberté qui souffle sur notre pays». Et comme l'explique Sylvain Crépon, «lorsqu'un parti ou un groupe est dissous, il renaît de ses cendres. Quelques mois après sa dissolution, celui d'Unité radicale est revenu sous l'appellation ‘les Identitaires'. Ceux-ci ont ensuite donné naissance au Bloc identitaire, qui est aujourd'hui un peu le sommet de la pyramide de cette mouvance disséminée à travers la France». Pour lui toutefois, «une dissolution sert à leur faire peur. En ce qui concerne Unité radicale, ça a obligé le groupe à faire du ménage, à engager une réorganisation politique». Si Jean-Yves Camus reconnaît l'«effet dissuasif, notamment chez les dirigeants» d'une interdiction, il admet qu'elle n'est pas l'arme absolue, car «les groupes de ce genre ont toujours un ou deux intitulés dans leur tiroir». Il met également en garde «l'effet de radicalisation des dissolutions». «Aujourd'hui, on connaît les groupes en questions, ils sont suivis par les renseignements généraux, estime-t-il. Si vous les lâchez dans la nature, il peut y avoir un effet de raidissement, le passage à d'autres formes de réponses, plus violentes.»
NDLR : Dans la revue de presse de Télé Matin, ce mercredi 29 mai 2013 : « La presse rapporte, notamment, que lors de l’une des manifestations anti-mariage gay, les propos « Les politiques et la presse sont contrôlés par les Juifs » ont été entendus… »