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Pourquoi afficher une charte de la laïcité dans les écoles?
Parmi ses nombreuses missions, l’école doit enseigner les valeurs de la République, nos valeurs communes. L’article premier de notre Constitution affirme que la République est indivisible, démocratique, sociale et laïque. L’école doit enseigner ces valeurs, expliquer leur signification, rappeler leur histoire. Car si on ne les enseigne pas, il ne faut pas s’étonner après qu’elles soient méconnues ou même ignorées. Cela vaut pour la laïcité. Plus profondément, la crise que les Français traversent, les interrogations qui sont les leurs sur leur identité, avec toutes les dérives que nous connaissons depuis des années, sont liées en grande partie au fait que l’on ne connaît plus assez nos valeurs, qu’on ne les partage pas assez, qu’elles ne font plus ni mémoire, ni lien, ni projet. La refondation de l’école de la République porte un projet de refondation républicaine.
Qu’entendez-vous par laïcité?
Une exigence de raison, de justice et de paix. C’est un droit, c’est aussi une histoire et une philosophie. Trop de gens ont aujourd’hui une représentation erronée de la laïcité. Ils la perçoivent comme un interdit, comme une arme non d’inclusion, mais d’exclusion, non de respect, mais de stigmatisation. Certes la laïcité fixe un certain nombre d’obligations, de limites et de règles?: le respect des autres, la neutralité de l’État, des espaces dans lesquels on ne fait pas de prosélytisme, la distinction du savoir et de la croyance. Mais elle le fait en s’appuyant toujours sur nos valeurs : la liberté, l’égalité, la fraternité. Jamais sur la violence, la contrainte et la haine. La laïcité doit permettre à chacun de s’émanciper, de s’épanouir et de trouver sa propre liberté.
Il ne s’agit pas d’une laïcité offensive?
Je dis souvent que la réussite de tous les élèves passe par la reconstruction d’un "commun" entre les enfants de France. La laïcité permet ce "commun". À ce titre, si elle impose une obligation de neutralité religieuse et politique, elle assume toutefois des valeurs?: liberté de conscience, respect de la personne humaine, égalité filles-garçons, rationalité, etc. Assumons-les. Défendons-les. Enseignons-les. Mais plutôt qu’une arme et une défiance, voyons-la comme un pacte de confiance où chacun d’entre nous accepte qu’il y ait un espace commun dans lequel nous devons réserver un certain nombre de nos opinions personnelles, et où en contrepartie personne ne doit être inquiété pour une opinion, une croyance ou une appartenance. La laïcité libère, mais elle garantit et protège aussi.
Où sera affichée cette charte?
Elle va être apposée de façon visible dans tous les établissements scolaires publics du primaire au lycée. Une circulaire sera adressée à tous les directeurs d’école, principaux, proviseurs, recteurs, leur demande de mettre en œuvre, autour de la charte, une pédagogie de la laïcité. D’autre part, nous prenons les dispositions nécessaires pour que la devise de la République "liberté, égalité, fraternité" soit apposée sur toutes les façades des écoles publiques et privées sous contrat, de même pour qu’on les pavoise avec les drapeaux français et européen. Enfin, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen doit aussi être affichée de manière visible dans les écoles.
Comment enseigner la laïcité?
Un texte de commentaire de la charte, article par article, sera disponible pour aider les professeurs, les CPE, les chefs d’établissement à se l’approprier. J’ai par ailleurs demandé à ce que ces notions soient enseignées dans les nouvelles écoles du professorat et de l’éducation, et un module numérique à destination des professeurs est en cours de finalisation.
N’y a-t-il pas un risque pour que cette laïcité dissimule une certaine islamophobie?
Surtout pas! La laïcité n’est contre aucune religion. Je vois bien que certains qui prétendent désormais défendre la laïcité et la République, après les avoir toujours combattues, veulent en faire des doctrines d’intolérance et de haine. Elles sont tout l’inverse. La laïcité rassemble, elle ne sépare pas. La laïcité libère, elle n’opprime pas. La laïcité respecte, elle ne stigmatise pas. La laïcité pacifie, elle ne brutalise pas. Elle offre un espace préservé et neutre dans lequel on doit donner à chacun, quelle que soit sa religion, quelle que soit son origine sociale ou géographique, les moyens de choisir et de construire sa vie. Comment le fait-on? Par la connaissance, par l’exemple et par le respect. Cette charte est aussi notre façon de rappeler que la laïcité exige une éthique personnelle. Cette éthique, les professeurs la partagent et la portent haut. Je veux les conforter et leur manifester ainsi mon soutien et celui de la nation.
La loi de 2004 interdit clairement le voile à l’école, pourquoi le rappeler dans la charte?
Nul n’est censé ignorer la loi, c’est le principe républicain. Encore faut-il faire connaître la loi! D’où la nécessité de rappeler dans la charte que le port de tous les signes ostentatoires manifestant une appartenance religieuse est interdit. Mais nous préférons toujours convaincre que contraindre. Pour un professeur, l’exclusion n’est jamais une victoire?: c’est toujours un échec. La charte est ferme, intransigeante sur les principes, elle dit clairement les choses?: personne ne peut, parmi les enseignants et le personnel, afficher ses convictions politiques ou religieuses à l’égard d’enfants. Inversement, aucun élève ne peut se prévaloir d’opinions privées pour contester un enseignement. Mais l’enseignant doit toujours expliquer à l’élève pourquoi.
Justement, pourquoi était-il urgent d’alléger les programmes d’histoire-géographie?
Parce que de l’avis de tous ils étaient surchargés et posaient de nombreux problèmes, comme on a pu s’en rendre compte lors des épreuves de juin du brevet et du baccalauréat. Comme il y avait, chose rare, unanimité, nous avons procédé à quelques aménagements en attendant un travail plus complet qui va commencer dès cette année.
Vous lancez une grande refonte des programmes, tout est-il à revoir?
Les programmes tels qu’ils sont conçus sont trop lourds, sans lien avec le socle et les évaluations, peu adaptés aux connaissances d’aujourd’hui, pas assez organisés et progressifs, mélangeant sans distinction l’essentiel et l’accessoire. Nous allons revoir les programmes du cours préparatoire jusqu’à la terminale. Le Conseil supérieur où siègent, aux côtés des personnalités qualifiées, des députés, des sénateurs, des membres du Conseil économique et social travaillera dans la transparence nécessaire à l’égard de la nation. On doit se poser la question?: qu’est-ce qui est essentiel d’apprendre à un enfant d’aujourd’hui, sachant qu’il sera un adulte dans la deuxième moitié du XXIe siècle. Cela ne peut plus être la reproduction de ce que nous faisons depuis des années. Ce ne sont plus les mêmes besoins, que ce soit pour les langues étrangères, le numérique, l’approche des métiers, pas les mêmes méthodes non plus. Et en même temps il ne faut pas céder aux modes. La maîtrise des savoirs fondamentaux, l’accès au meilleur de la culture et à l’esprit critique, le développement des compétences cognitives et comportementales restent essentiels et prioritaires. Un grand chantier s’ouvre auquel je veux associer tout le monde, car c’est une clé de la réussite pour demain.
Cliquez ici pour voir la charte de la laïcité telle qu'elle sera affichée dans les écoles publiques.