Yonathan Arfi

Président du Crif, un militant juif et citoyen

Discours de Yonathan Arfi à l'occasion du 82e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie

22 April 2025 | 167 vue(s)
Catégorie(s) :
Antisémitisme

Il est des livres, comme une sève puissante, comme un volcan en éruption, comme le monde à portée de la main, comme la vie, qui remue de l’intérieur, qui secoue de l’intérieur et qui donne majestueusement à donner. Il est des livres que l'on veut lire et que l'on doit lire absolument.

 

Par Marc Lévy, avocat de la LICRA dans le procès de Reynald Leykens et délégué du Crif en Israel

En 2017, Roger Pinto, sa femme et son fils ont été séquestrés, violentés et détroussés à leur domicile de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), "une agression antisémite" condamnée par le Crif et le ministre de l'Intérieur. Une première ?

"The strength of a Nation always lies in the the way it looks at its History and and its ability to teach it to future generations".

 

"La force d’une Nation réside toujours dans le regard qu’elle sait porter sur son histoire et sa capacité à l’enseigner aux générations suivantes."

 

En juin 2017, quelques mois après l'assassinat de Sarah Halimi, Francis Kalifat, Président du Crif, publiait cette tribune en hommage à Sarah Halimi, devenue le triste symbole de l'antisémitisme qui tue. 

Sarah Halimi, une retraitée a été battue à mort à Paris, le 4 avril 2017 et son calvaire a duré plus d'une heure. Et, il s'agit bien d'un meurtre antisémite.

Thierry Noël-Guitelman est un journaliste, membre de l'association Hébraïca à Toulouse. Il a engagé, en 2004, des recherches familiales sur l'étoile jaune, sa tante Ida Seurat-Guitelman, ayant obtenu une exemption.

« Séparation du Crif et de l’Etat » : voici la dernière nouveauté de la « cause palestinienne ». Amalgamant à tout va Israël, sa politique, les juifs, et les institutions françaises, ces pantins ont appelé à un rassemblement samedi dernier, avec des slogans antisémites et anti républicains.

Malgré la mobilisation de personnalités politiques (Nathalie Kosciuzko-Morizet, Claude Goasguen et Anne Hidalgo), associatives (le Président du Crif Francis Kalifat a notamment écrit au Préfet et au Premier Ministre), et de nombreux internautes, la Préfecture de Paris a décidé d’autoriser ce rassemblement, sous haute protection policière.

Nous nous sommes rendus sur place.

 

 
"La culture est ce qui a fait de l'homme autre chose qu'un accident de l'univers", déclarait André Malraux. C'est pour toutes ses vertus que la culture est grande et qu'elle reste et doit rester un rempart contre l'obscurantisme, le racisme, l'antisémitisme et l'homophobie. De chaque création artistique doit jaillir une lumière. C'est à cela que doit aspirer chacun de ceux qui ont le bonheur de pouvoir créer ou d'interpréter une oeuvre. 

 

"Le terrorisme et l'antisémitisme ont marqué cette année passée"

Il y a 11 ans, un jeune juif du nom dIIlan Halimi, était enlevé, torturé et assassiné.

Pages

Jeudi 17 avril 2025, sur le parvis du Mémorial de la Shoah avait lieu la commémoration du 82e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, organisée par le Crif, avec le soutien actif de sa commission du Souvenir, présidée par le Docteur Bruno Halioua.

 

« Chers amis,

Que reste-t’il à l’Homme quand toutes les conditions matérielles de son humanité lui sont confisquées ? Quand la mort imminente et dévorante menace ? Quelles armes restait-il aux Juifs du ghetto de Varsovie face à l’abomination nazie ?

Il y eut, bien-sûr, la révolte armée du ghetto que nous commémorons ici. Mais il y eut aussi la résistance spirituelle et culturelle, dont je veux vous parler cette année. L’art et la culture comme un « anti-destin », pour reprendre l’expression d’André Malraux dans Les voix du silence. L’art et la culture comme acte de résistance, pour prolonger  l’humanité, la dignité et l’identité face à l’annihilation promise par les nazis.

En 1939, les Juifs de Pologne représentaient 10 % de la population polonaise, soit un peu plus de trois millions d’individus. Littérature, théâtre, presse… : à Varsovie la vie culturelle juive était foisonnante. Un monde qui n’a pas capitulé après la clôture du ghetto le 16 novembre 1940, un monde qui a résisté aussi longtemps que possible en continuant de produire, de créer, – en un mot de vivre –, sous le joug de la faim et de la peur.

Au sein du ghetto, il y a des écoles, des institutions religieuses, des hôpitaux mais aussi des théâtres, des mouvements de jeunesse, des bibliothèques et même un orchestre symphonique.

Des séries de conférences sont organisées, des cours, des concerts. La culture est un peu le dernier espace de liberté dont les Juifs peuvent bénéficier. Pour les nazis, ces activités qu’ils tolèrent ont une fonction – car tout a une fonction pour les nazis – : la fonction de la culture est alors de « rassurer » et d'éviter la confusion et la panique. 

De petits théâtres sont ouverts, on y joue des pièces, le plus souvent en yiddish. Un théâtre rue Lezno joue en polonais, au théâtre Femina on propose des revues, des opérettes et des comédies musicales.

Au Sztuka, le café littéraire de la rue Lezno on parodie, dans une mise en scène satirique et comique, à la fois la propagande allemande et l’absurdité de la vie du ghetto, produisant tout ce qui avant-guerre formait le monde des artistes juifs. L’art, la création, l’humour sont le fil d’ariane des Juifs du ghetto : sans eux, ils sont perdus à jamais dans l’enfer du ghetto, « cette énorme tombe pour des Juifs enterrés vivants » comme l’a écrit dans son journal le directeur d’école et professeur d’hébreu Chaïm Kaplan, déporté à Treblinka en août 1942.

Alors qu’il est confronté à un avenir plus noir encore que la nuit, il écrira aussi cette phrase quasi prophétique « Une nation qui peut supporter d’aussi terribles épreuves sans perdre l’esprit, sans se suicider – et qui peut même rire encore – est assurée de survivre. Qu’est-ce qui disparaîtra d’abord, le nazisme ou le judaïsme ? Je suis prêt à parier ! C’est le nazisme qui disparaîtra d’abord ! ».

Emmanuel Ringelblum écrit dans son journal le 19 février 1941 : « Au plaisir de la mélodie, on a célébré un carnaval comportant un concours de beauté pour élire les plus jolies jambes. Le ghetto danse ». Les disciples de Nahman de Braslav dansent aussi, comme avant la guerre. Sur leur local de la rue Nowolipie, ils ont apposé un écriteau avec l’adresse suivante : « Juifs à la rescousse ! Ne désespérez pas ! ».

Et le pianiste joue… Celui du chef d’œuvre de Roman Polanski, Władysław Szpilman se produit presque chaque soir au café Sztuka.

La musique, le chant, le théâtre sont aussi transmis aux enfants. C’est le cas notamment dans l’orphelinat créé par Janusz Korczak où les enfants répètent des pièces, des poèmes, jouent des sketches. Un travail culturel intense est mené dans le ghetto. Dans plus de 90 cours d’immeubles des écoles primaires juives sont organisées par les Hassidim. Dans des dizaines d’autres cours on trouve des bibliothèques.

Les journaux d’Emmanuel Ringelblum, d’Hillel Seidman, de Chaïm Kaplan, les carnets d’Adam Czerniakow sont devenus une source extrêmement précieuse sur la vie quotidienne du ghetto et sur la destruction des Juifs de Varsovie. Dès 1940, le collectif clandestin Oyneg Shabes dirigé par l’historien Emmanuel Ringelblum recueille dans l’ombre une masse considérable de documents sur la vie du ghetto : journaux intimes, rapports, affiches, tracts, dessins d’enfants, œuvres littéraires, photographies.

 

Chers amis,

Le signe avant-coureur d’un déchaînement barbare est toujours la destruction de la culture. En 1933, les Nazis brûlaient des livres. Moins de dix ans plus tard, ils brûlaient des Juifs.

Dans la préface de La Nuit, Elie Wiesel écrit : « La guerre que Hitler et ses acolytes livraient au peuple juif visait également la religion juive, la culture juive, la tradition juive, c’est-à-dire la mémoire juive ».

Aujourd’hui encore, c’est la culture, aidée de l’histoire, qui tente de reconstruire cette mémoire. C’est la culture qui fait resurgir la mémoire des assassinés, ceux qui ont été gazés comme ceux qui ont été jetés pêle-mêle les uns avec les autres, dans des fosses, sans stèle, sans nom.

« L’écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie » disait Georges Perec. Peu à peu, l'art et la culture sont devenus indispensables pour transmettre la mémoire de la Shoah, pour compléter l’impérieux devoir d’Histoire mais aussi alerter sur le présent. Car la Shoah n'est pas qu'un chapitre clos de l'Histoire. C'est un avertissement pour l'avenir.

Il y a trois mois, le Crif a organisé un voyage à Auschwitz avec plus de 300 acteurs de la vie culturelle française : artistes, cinéastes, directeurs de musées, journalistes, galeristes, mécènes.

Il nous a semblé important de les sensibiliser à ce que fut le génocide des Juifs, dans ces temps où tout se renverse, où le sens des mots est si facilement galvaudé, où l’émotion l’emporte sur la raison.

Dans un discours devant le Bundestag le 27 janvier 2004 Simone Veil alertait déjà contre ce grand renversement : « Quand on retourne la mémoire de la Shoah contre les Juifs, en osant des comparaisons indécentes entre camps d’extermination et camps de réfugiés, quand on banalise le génocide juif par toutes sortes d’amalgames ou qu’on exploite les clichés de la propagande antisémite au service du combat antisioniste, l’Europe a le devoir d’arrêter ces dévoiements, non seulement par respect pour les survivants de communautés décimées il y a soixante ans, mais aussi par souci de sa propre dignité ».

Ces mots auraient pu être prononcés après le 7-Octobre pour qualifier le déferlement anti juif mondial qui a suivi, porté par la haine d’Israël. « Peuple génocidaire », voilà désormais l’étiquette que l’on veut coller au peuple juif dans un funeste retournement de valeurs.

À notre tour de savoir résister, des milles et une façon dont nous sommes capables de le faire, afin de ne jamais accepter de porter cet accoutrement infâme.

Je vous remercie. »

Yonathan Arfi, président du Crif