Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Blog du Crif - Les Juifs de Chypre

26 Février 2021 | 428 vue(s)
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Actualité

Vendredi 9 août 2024, s'est tenue la cérémonie en hommage aux victimes de l'attentat terroriste de la rue des Rosiers, organisée par le Crif en collaboration avec la Mairie de Paris. La cérémonie s'est tenue devant l'ancien restaurant Jo Goldenberg, au 7 rue des Rosiers. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé dans la lutte contre l'antisémitisme sous toutes ses formes, en dénonçant notamment celle qui se cache derrière la détestation de l'Etat d'Israël.

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Comme nos lecteurs ont pu l’apprendre dans la newsletter du Crif, le président du Crif, Francis Kalifat a rencontré le nouvel ambassadeur de Chypre en France, Son Excellence Georges Chacalli, à l’occasion d’un déjeuner de travail. Partons à la découverte de Chypre et de sa petite communauté juive.

 

La République de Chypre est une île de l'est de la Méditerranée qui vit un drame depuis 1974.

En effet, cette année-là, dans le cadre d'une opération dénommée « Attila », l'armée turque a envahi et occupé la partie nord du pays. En 1983, une « République turque de Chypre » a été proclamée. Elle n'est, à ce jour, reconnue que par la Turquie. Parallèlement, 200 000 Chypriotes grecs ont quitté le nord, forcés à l'exode, tandis que des milliers de Chypriotes turcs étaient obligés, par leur chef, Rauf Raif Denktaş, de quitter le sud pour le nord de l'île. Enfin, depuis cette occupation, 93 000 colons turcs se sont installés dans la « République turque de Chypre ».

C'est pourtant dans cette île déchirée que vit une petite communauté juive dynamique, environ 400 familles, qui, grâce notamment à l'action du mouvement loubavitch Habad et d'un rabbin arrivé en 2003, connaît un incontestable renouveau.

Il convient de ne pas oublier que pour le monde juif comme pour l'État d'Israël, Chypre demeure dans les mémoires comme un lieu de misère, une prison à ciel ouvert. En effet, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, environ 70 000 Juifs embarquent sur 65 bateaux en direction de la Palestine. La moitié d'entre eux vient des camps de personnes déplacées mis sur pied par les Alliés en Allemagne. L'autre moitié vient de pays d'Europe de l'Est où sévit un antisémitisme persistant.

La Palestine est alors sous mandat britannique reçu de la SDN, la Société des Nations, ancêtre de l'ONU. Sous la pression des dirigeants arabe, les Anglais ont érigé un « Livre Blanc » en 1939 qui limite, de manière drastique, l'entrée des Juifs en Palestine. Dès leur arrivée à Haïfa, les « clandestins » juifs qui se croyaient enfin aux portes du paradis, de la Terre Promise, sont immédiatement entassés dans des navires de guerre britanniques et débarqués à 300 kilomètres de là, sur l'île de Chypre. Entre 1946 et 1948, ce sont quelque 52 000 Juifs qui seront internés derrière une double rangée de barbelés de plus de quatre mètres de hauteur, certains pendant des mois, d'autres pendant des années : promiscuité, aucun confort, pas d'électricité, nourriture insuffisante, maladies. Il faudra attendre la proclamation d'indépendance d'Israël et le départ des Anglais pour que les camps d'internements de Juifs de Chypre ferment leurs portes en 1949.

La présence de Juifs à Chypre est mentionnée dès la plus haute antiquité. Le prophète Isaïe et, plus tard, Ézéchiel, évoquent “Kittim”, Chypre, dans leurs écrits. Sous Jean Hyrcan, Flavius Josèphe dans ses “Antiquités” évoque une présence juive nombreuse dans l'île. On sait aussi que la petite fille d'Hérode, Alexandra, épousa un Juif chypriote. Quant à Saint-Paul, il se rendit à Chypre en compagnie d'un Juif chypriote répondant au nom de Barnabé. Plus tard, c'est le célèbre voyageur juif, Benjamin de Tudéla qui signale la présence de communautés juives à Famagouste, à Nicosie, à Limassol et à Paphos. Il note également que des Karaïtes sont très actifs sur l'île.

Malgré quelques frictions avec l'église chrétienne qui interdit depuis le Moyen Âge à ses fidèles d'avoir recours au service de médecins juifs, pourtant réputés, les relations entre Juifs et Chrétiens sont cordiales. Les choses vont s'aggraver au 14ème siècle quand l'archevêque Del Conte impose aux Juifs un signe distinctif infamant qui sera aboli vingt ans plus tard par le roi Pierre 1er qui fera des Juifs des citoyens à part entière. Hélas, à la mort de ce souverain éclairé, les maisons des Juifs chypriotes seront pillées.

Au 16ème siècle, lorsque Chypre tombe sous la coupe de Venise, c'est un Juif chypriote qui négocie, en 1573, le traité de paix entre Venise et la Turquie.

Après l'avènement de l'État d'Israël, on ne compte plus qu'une trentaine de Juifs à Chypre. Au fil des ans, la communauté va s'enrichir de nouvelles âmes venant de Grande-Bretagne, d'Union Soviétique et même d'Israël. Ils sont 250 en 2004, 110 à Limassol, 80 à Larnaca, 50 à Nicosie, et quelques familles dans la partie turque de l'île, à Famagouste et Kerynia.

 

Avec la venue d'un rabbin Habad, une synagogue a ouvert ses portes ainsi qu'un jardin d'enfants, une yéchiva et un bain rituel qui porte le nom de « Mei Menahem », « Les eaux de Menahem ». La nourriture cachère est importée d'Israël. Un cimetière juif a été bâti. On y trouve une vingtaine de tombes. Enfin, une association charitable « Kindness in Cyprus » collecte de la nourriture pour les nécessiteux et visite les malades dans les hôpitaux.

En 2018, un nouveau musée juif a ouvert ses portes dans la ville de Larnaca grâce à l’action du rabbin Arié Zeev Raskin et de la directrice d’une fondation américaine du patrimoine juif, Sybil Silver, A cette occasion, une centaine de Sifrei-Thora qui avaient été dérobés par les nazis puis récupérés par l’armée soviétique lors de la Seconde Guerre mondiale, ont été exposés

En 2021, entre habitants fixes et visiteurs saisonniers, on compte près de 4000 Juifs à Chypre. Une véritable renaissance.

 

Jean Pierre Allali

Illustration : Le musée juif de Chypre

 

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