Le billet de Sacha Ghozlan – En Israël, et avec Israël, témoins de la désolation et de la barbarie

07 Décembre 2023 | 94 vue(s)
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Israël

Chronique de Bruno Halioua, diffusée sur Radio J, lundi 12 février à 9h20.

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Je rentre d’une mission d’information de trois jours en Israël avec une délégation du Crif composée d’une quarantaine d’élus et de membres de la société civile. 

 

À Tel Aviv, nous nous sommes rendus au GQ du Forum des familles d’otages. Nous y avons rencontré notamment Daniel Toledano, dont le frère Eliya est toujours retenu otage du Hamas, ainsi que Hadas Kalderon, dont les enfants Sahar et Erez ont été libérés la semaine dernière, tandis que leur père, Ofer, demeure otage. Ces rencontres sont bouleversantes et nous peinons à mesurer l’immensité de la douleur de ceux dont les proches sont retenus, sans nouvelle, depuis soixante jours, dans des conditions de détention effroyables. La libération des otages est et doit demeurer une priorité pour chacun. 

 

Je n’ai pas reconnu Tel Aviv, cette ville si vivante et foisonnante. Elle est marquée par la tristesse, les murs sont remplis des visages et des noms des otages. La solidarité qui entoure la douleur des familles endeuillées et familles d’otages est partout, comme pour remplir un vide qui a transpercé les cœurs. 

 

À Sdérot, dans cette ville fantôme, nous avons été les témoins des primo-intervenants, de ceux qui ont combattu et des habitants survivants. Les images de vidéo-surveillance montrent la violence extrême d’assassinats de familles. Les murs de Sdérot portent encore le stigmate des combats engagés par les terroristes du Hamas, qui ont pris d’assaut le commissariat, détruit depuis par l’armée israélienne, faute de pouvoir y déloger les terroristes et les snipers. Je n’oublierai pas le témoignage de Ronen, responsable de la sécurité de la ville qui a combattu courageusement et a reçu plusieurs balles dans le corps pour préserver les siens. « Témoigner est ma thérapie ». Une quarantaine d’habitants de Sdérot ont été assassinés et plusieurs dizaines ont été blessés le 7 octobre. 

 

Nous avons poursuivi par une visite du Kibboutz Nir-Oz, situé à 1 600 mètres de la frontière de Gaza. Dans ce lieu verdoyant, jonché de jouets abandonnés, nous avons été les témoins de la désolation et de la barbarie, les témoins d’une scène de crimes de masse. Le 7 octobre, le kibboutz a été envahi dès 6h30 du matin par plusieurs centaines de terroristes. Les habitants se sont cachés dans les chambres blindées, créées initialement pour résister aux attaques de missiles mais pas adaptées à une attaque de cette ampleur, de cette nature. 

 

Notre guide, Aviv, 80 ans, membre du Kibboutz depuis 1966 nous a raconté que le combat pouvait se résumer ainsi : ceux qui ont réussi à laisser la porte de la chambre blindée fermée pendant huit heures d’affilée, ont pu survivre. Ceux qui n’ont pas réussi ont été assassinés ou kidnappés. Constatant que certaines portes ne s’ouvraient pas, les terroristes ont incendié les maisons en brûlant des draps, des livres ou en ouvrant les tuyaux de gaz. Un quart des habitants de Nir Oz a été assassiné le 7 octobre. Là-bas, les terroristes ont filmé et diffusé en direct sur Facebook leur action criminelle pour la glorifier et la promouvoir. Jusqu’à aujourd’hui, près de deux mois après, des corps sont retrouvés dans le kibboutz. 

 

Il est difficile de trouver les mots pour décrire le contraste saisissant entre ce lieu de vie collectiviste et la violence extrême, intense, systématique qui s’est abattue sur les habitants de Nir Oz. 

 

Les crimes sexuels commis le 7 octobre sont documentés, chaque jour un peu plus, au gré des témoignages des survivants, des ambulanciers et des bénévoles de Zaka. Les viols, les mutilations sexuelles, les corps dénudés et démembrés, les visages criblés de balles sont autant de preuves de la volonté délibérée des criminels d’utiliser ces crimes sexuels comme des armes de guerre. Les violences sexuelles sont constitutives de crimes contre l’humanité au regard de la jurisprudence des juridictions internationales.

Ils ont été commis de façon systématique, sur ordre des autorités du Hamas et visent à causer à la victime le plus de souffrance, de honte et d’humiliation, effacer l’identité de l’autre et détruire les générations futures. La plupart des femmes violées le 7 octobre ont été assassinées et 84 femmes ont été kidnappées. L’association Bonot Alternativa dont nous avons rencontré certaines des dirigeantes témoignent de ces crimes et ne comprennent le silence d’une partie des organisations féministes à travers le monde. Moi non plus. 

 

Nous avons vu une société israélienne sidérée par ces crimes de masse et partagée entre la volonté de détruire le Hamas pour que de tels actes ne se reproduisent jamais, et l’impérieuse nécessité de libérer les otages. Ces deux objectifs de guerre semblent parfois contradictoires, nul ne sait ni comment, ni quand ils seront atteints. Partout, nous avons lu dans les regards la tristesse, la colère et le sentiment d’abandon.

 

Je veux remercier le Crif et son Président Yonathan Arfi de nous permettre de nous rendre sur ces scènes de crime et d’écouter ces témoignages alors que le révisionnisme se déverse partout. 

 

Certains choisiront l’humanitaire, d’autres chercheront à contribuer à la création des débouchés politiques qui semblent bien incertains à ce stade. Ensemble, nous avons pris l’engagement de témoigner.

 

Je rentre en France avec la conviction renforcée que la voie judiciaire, longue, douloureuse et remplie de questionnements, est indispensable. Elle permettra, aux victimes qui le souhaitent, de témoigner. Elle permettra à la justice de poursuivre et juger les auteurs et complices de ces crimes pour qu’ils soient condamnés. Nous avons les outils juridiques pour agir. Nous les utilisons et nous les utiliserons.

 

« צדק צדק תרדף - La justice, la justice tu poursuivras »

 

 

Sacha Ghozlan, Avocat au Barreau de Paris

 

 

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