Yonathan Arfi

Président du Crif, un militant juif et citoyen

Discours de Yonathan Arfi à l'occasion de la soirée d'hommage aux victimes du 7-Octobre et en soutien aux otages

06 Octobre 2025 | 153 vue(s)
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Crédits photo : ©Leah Marciano

 

Dimanche 5 octobre 2025, le Crif a organisé une soirée d'hommage et de débats en mémoire des victimes du 7-Octobre et en soutien aux otages toujours retenus par le Hamas. Plus de 2 000 personnes et de nombreuses personnalités publiques et politiques étaient réunies, deux ans après le 7-Octobre, pour rendre hommage aux victimes et soutenir les otages et leurs familles. Tables rondes, débats, interludes musicales, prises de paroles et lectures ont rythmées cette soirée.

 

Chers amis,

Le 7-Octobre, c’était hier. Le 7-Octobre, c’était il y a deux ans.

Deux ans à peine, deux ans déjà. Kfir Bibas n’aura jamais deux ans.

1 200 vies arrachées dont 51 Français. 730 jours de deuil impossible.
251 otages dont 48 toujours retenus à Gaza. 17 000 heures d’angoisse pour leurs proches.

Je veux saluer d’abord la présence dans la salle ce soir des familles de Karine Journo, franco-israélienne assassinée le 7-Octobre et de Matan Angrest, Evyatar David et Elkana Bohbot, toujours otages à Gaza, pour qui chaque heure depuis deux ans est une éternité. Votre courage, votre ténacité, celles de toutes les familles sont une leçon pour tous.

Deux ans. Deux ans d’une guerre sur tous les fronts qui a éprouvé, souvent questionné et parfois divisé les Israéliens. Deux ans d’un tsunami antisémite mondial, deux ans de haine décomplexée, de l’attentat de Washington à celui de Manchester, de la chasse à l’homme d’Amsterdam à l’attaque de la synagogue de La Grande-Motte.

Deux ans. Je pense aussi aux civils palestiniens, sacrifiés par le Hamas. Ils ont payé le prix terrible d’une idéologie mortifère, celle d’une organisation terroriste avec la désolation pour seul horizon.

Chers amis,

Ce soir, dans le recueillement, la gravité mais aussi depuis quelques jours l’espoir, nous commémorons les deux ans du 7 octobre 2023 qui appartient désormais à l’Histoire.

Le 7-Octobre n’est pas une date. C’est un abîme.

Un abîme où ont été englouties l’allégresse des kibboutz martyrisés et l’insouciance de la jeunesse de Nova. Où se sont brisés l’innocence et les espoirs d’une génération. Un abîme où ont disparu nos certitudes. La certitude qu’après Auschwitz, la barbarie antisémite ne trouverait plus jamais la force de rompre les chaînes qui la retenaient.

Le 7-Octobre n’est pas une date, c'est une onde de choc.

Un séisme dont les répliques se poursuivent partout dans le monde.

Ce matin-là, les hordes du Hamas ont pillé, violé, tué en criant « Mort aux Juifs ! ». Et immédiatement un mimétisme tragique s’est déployé.

En France, au nom d’une cause palestinienne dévoyée, des étudiants juifs ont été harcelés, une jeune fille de douze ans a été violée, des rabbins ont été agressés... Ceux qui prennent prétexte du conflit à Gaza pour justifier leur haine des Juifs ne sont pas des soutiens des Palestiniens : ce sont des antisémites !

Le 7-Octobre n'est pas une date, c'est une inversion morale.

Depuis deux ans, la sémantique-même est devenue une ligne de front, l’objet d’une manipulation intellectuelle. Il y a 80 ans, nous étions traités de « sales Juifs », il y a 40 ans de « sales sionistes » et, désormais, de « génocidaires ».

Voilà l’immense danger qui vient : l’accusation de génocide. C’est d’abord une insupportable nazification de l’État refuge des rescapés de la Shoah. Mais c’est aussi une forme renouvelée de l’accusation millénaire de peuple déicide. « Déicide » ou « génocide », il s’agit toujours d’un mensonge qui fait de tous les Juifs, les coupables du sacrilège ultime : pour les croyants, celui d’assassiner Dieu, et désormais, pour nos sociétés démocratiques, celui d’exterminer un peuple. 

Il a fallu près de vingt siècles pour désamorcer l’accusation de peuple déicide. Qui désamorcera l’étiquette infamante de génocidaires vouée à légitimer violences et persécutions contre le peuple juif pour les générations à venir ? C’est le combat que nous devons mener maintenant pour nos enfants, c’est notre responsabilité.

Comment accepter aussi l’obsession du monde pour le seul État d’Israël, condamné bien plus qu’aucun autre au sein des instances internationales, abandonné trop souvent par les démocraties européennes ? Les victimes en Syrie ou au Soudan et d’ailleurs ne méritent-t-elles pas elles aussi la « reconnaissance » du monde et la mobilisation de nos chancelleries ?

« Demande la paix et poursuis la » enseigne la tradition juive. Le mot « paix », si cher à nos cœurs, fait désormais l’objet de toutes les manipulations. Comment Thomas Portes, Rima Hassan, leurs acolytes et apprentis moussaillons, osent-ils se présenter en pacifistes alors qu’ils sont opposés au plan de paix qui se dessine enfin ? Ces pacifistes n’aiment pas la paix. Ils ne veulent pas aider les Palestiniens, ils veulent sauver le Hamas.
Ils ne veulent pas un État palestinien, ils veulent détruire l’État d’Israël. La France insoumise (LFI) est aujourd’hui le parti de l’apologie du terrorisme.

Le 7-Octobre n'est pas une date. C’est le révélateur des fractures françaises.

N’oublions jamais le souvenir de Dominique Bernard, assassiné par un islamiste dans son lycée d’Arras le 13 octobre 2023. C’est aussi une victime française du 7-Octobre.

En deux ans, la cause palestinienne est devenue le catalyseur de toutes les surenchères clientélistes et démagogiques. En réduisant Gaza à un slogan électoral, La France insoumise et ceux qui choisissent la compromission en s’y associant, fracassent notre cohésion nationale.

Face aux intimidations ou aux boycotts, faire entendre une voix nuancée sur le Proche-Orient est devenu un acte de courage dans les universités ou dans le monde culturel.

Mais ne nous y trompons pas, si l’obsession et la détestation d’Israël devenaient une norme dans la société, si une chape de plomb étouffait le pluralisme, alors c’est notre vitalité démocratique-même qui serait menacée. Pour l’avenir des Juifs, comme pour celui de la République, il est urgent d’agir !

Le 7-Octobre n'est pas une date. C’est une injonction à la responsabilité collective.

Une obligation envers les victimes, bien-sûr. Un appel à la vigilance ; en France l’Histoire nous enseigne que la République n’est jamais définitivement acquise. Elle se conquiert et se reconquiert sans cesse.

Cet été encore à Épinay-sur-Seine, des bûcherons antisémites ont tronçonné l’arbre planté en mémoire d’Ilan Halimi. Merci aux maires, présidents de conseils départementaux ou régionaux qui ont répondu en plantant en réponse des dizaines et des dizaines d’oliviers !

J’entends et je partage l’inquiétude et la colère des Français juifs. Je sais les peurs sourdes du quotidien, les doutes sur l’avenir. Les faire entendre est un des combats du Crif.

Mesdames et messieurs, je le redis avec force : nous ne laisserons personne déraciner les Juifs de France. Ni les islamistes, ni les antisionistes ni les complotistes ni je ne sais quelle catégorie d’antisémites.

Je refuse qu’en France les Juifs aient à choisir entre leurs affinités et leur sérénité, entre leur identité et leur sécurité !

Depuis deux mille ans, les Juifs, partout, ont traversé exils, expulsions et persécutions. Mais jamais ils n’ont disparu. Les terroristes du 7-Octobre comme tous ceux qui leur emboîtent le pas aux quatre coins du monde veulent notre effacement physique ou symbolique ; ils signent au contraire notre résistance.

Personne non plus n’abattra la République. Nous en serons des défenseurs ardents, reconnaissants et exigeants. Ardents face à ceux qui veulent faire gagner la haine, la démagogie ou le populisme. Reconnaissants de l’engagement contre l’antisémitisme. Mais exigeants pour que la République fasse encore davantage : face à l’antisémitisme, nous n’avons pas une obligation de moyens mais de résultats.

Chers amis,

Ce soir, nous faisons acte de mémoire. Mémoire pour Kfir Bibas et les siens. Mémoire pour 1 200 destins brisés le 7-Octobre et tous ceux emportés en Israël par deux ans de guerre. Mémoire pour les 51 Français auxquels notre pays a rendu un hommage officiel aux Invalides. Mémoire des trop nombreux innocents sacrifiés par l’idéologie mortifère du Hamas. Et nous appelons, encore une fois, à la libération immédiate des otages.

Mais ce soir, nous gardons espoir. L’espoir qu’après cette guerre, enfin, vienne le temps de la paix, une paix juste, une paix durable, entre Israéliens et Palestiniens, libérés du Hamas. Une paix entre Israël et tous ses voisins, pour que toujours vive l’État d’Israël, fidèle à ses valeurs juives et démocratiques.
L’espoir aussi que la France retrouve le chemin de la concorde. Et que les Juifs puissent de nouveau croire sereinement en leur avenir en France.

Hommage aux vies englouties du 7-Octobre. Longue vie aux Juifs de France et à la République.

 

Yonathan Arfi, président du Crif