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Published on 31 December 2008

Critique de la bande dessinée. Chroniques narquoises Par Didier Pasamonik (*)

Né à Ostende, en Belgique, Didier Pasamonik est considéré comme l’un des acteurs les plus importants du milieu de la bande dessinée : éditeur, directeur de collection, journaliste, commissaire d’exposition, essayiste, il collabore à différents médias juifs, de L’Arche à Regards en passant par Contact J ou Les Cahiers du Judaïsme. Il a animé également, sur Radio Judaïque FM une émission mensuelle, La Diaspora des Bulles, mettant en évidence les aspects juifs de la bande dessinée. Dans son nouvel ouvrage qui rassemble des chroniques narquoises publiées entre 2005 et 2007, année phares puisqu’elles voient le succès exponentiel des fameux mangas japonais rejoignant les graphic novels américains.


Si de nombreuses chroniques sont autant de piques vitriolées sur tel ou tel individu ou tel ou tel groupe dans le milieu relativement fermé de la B.D. ou encore sur les tribulations du Festival d’Angoulême, celles qui jettent un regard sur les aspects juifs sont particulièrement édifiantes. Ainsi, le portrait du Niçois Joann Sfar, qui, en novembre 2005 faisait la une de Télérama et dont la production pléthorique n’a d’égales que la richesse et la diversité des thèmes traités dont une série : Klezmer, la Conquête de l’Est, un conte ashkénaze « inventif et coloré comme du Sholem Aleikhem » ou une version très personnelle du Dibbouk de Sholem An-Ski.
Autre dessinateur traité : l’incontournable Art Spiegelman, célébrissime auteur de Maus, lauréat du prix Pulitzer. Après des années de silence, le dessinateur, après le 11 septembre 2001, se lance dans un album violemment anti-Bush intitulé A l’Ombre des Tours Mortes.
« Il faut le dire tout de suite : A l’Ombre des Tours Mortes n’est pas Maus…l’auteur lève le ton, désigne le pétrolier texan et sa clique, de même qu’une certaine tradition impérialiste américaine, comme les véritables responsables de cette tragédie…parlant de la relation entre les communautés juives et arabes, il considère que « l’existence d’Israël est un problème fondamental », suggère le retour à un modèle présioniste. Ailleurs, dans une interview précisément accordée à Joann Sfar dans Charlie Hebdo en 2004, Spiegelman n’hésitait pas à dire : « Je hais les Musulmans, mais je hais aussi les Juifs qui s’identifient comme tels ». Terrible !
« Oui, on a le droit de caricaturer Dieu », titrait France-Soir au lendemain de l’affaire dite des « caricatures danoises ». Dans une chronique, Pasamonik revient sur l’affaire et surtout sur la réaction du gouvernement iranien lançant, « pour se venger », un concours de caricatures sur la Shoah. Hélas, il faut le reconnaître, les candidats ont été légion, recrutés partout dans le monde, y compris aux Etats-Unis. La majorité des dessins exposés n’avaient rien d’humoristique, se contentant de reproduire les thèses négationnistes du président iranien quand ils ne sombrent pas dans un antisémitisme forcené. « On touche parfois à l’ignominie, estime Didier Pasamonik, qui décrit, écœuré, « ce dessin qui montre Hitler couchant avec la petite Anne Frank et qui lui dit : « N’oublie pas de mentionner cela dans ton journal » ». Sans oublier le thème récurrent de l’amalgame entre Israéliens et nazis. Constatation désabusée du chroniqueur : « Personne, en Occident, n’a songé à brûler le moindre drapeau iranien en signe d’indignation. Au contraire, l’Europe semble résignée devant l’antisémitisme islamique »
Si Le Chat du Rabbin de Joann Sfar connaît un succès planétaire-il est même traduit en japonais-la surprise, au printemps 2006, vient de l’éditeur Futuropolis qui publie Le ciel au-dessus de Bruxelles d’Yslaire. Thème étonnant : A Bruxelles, le 17 mars 2003, soixante ans après la Shoah, trois jours avant le début de la guerre en Irak, Jules Engell Stern rencontre Fadya. Il est juif khazar, elle est beur musulmane et prépare un attentat terroriste…L’amour, in fine, aura raison de la violence. Mais le charme sera rompu dans un deuxième album où l’on découvre que le Khazar ne l’était pas, ni la beurette non plus. De son côté, Casterman publie Rendez-vous à Paris d’Enki Bilal dont l’un des personnages, Nike Hartzfledt est un Juif bosniaque.
Autre thème abordé en fin d’ouvrage : « Tintin est-il raciste ?
Une lecture agréable. Un ouvrage qui sort de l’ordinaire.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Berg International. Mai 2008. 160 pages. 14 euros
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